Maroc : souffrance et douleur pour les mères célibataires

8 avril 2020 - 14h00 - Maroc - Ecrit par : G.A

Le confinement est une mauvaise nouvelle pour de nombreuses femmes, surtout en Afrique. Elles sont mères célibataires et vivent au jour le jour. Entre braver les interdits du confinement et s’exposer à tous les risques de contamination, et mourir de faim en restant à la maison, le choix est vite fait.

Au Maroc, les mères célibataires vivent une situation bien compliquée, surtout avec la crise actuelle. Zeyna a 29 ans et se charge seule de l’éducation de son fils de 12 ans. Pour subvenir aux besoins de son foyer, elle doit braver tous les jours l’interdiction de sortie. "Je prends le risque de tomber malade pour sauver mon enfant. Car si je ne subviens pas à ses besoins, il est mort", déclare-t-elle.

Comme Zeyna, des millions de travailleurs non déclarés ou exerçant dans le secteur informel, se sont ainsi retrouvés sans revenus du jour au lendemain. Si en temps de crise, les autres peuvent compter sur l’aide de leurs proches, pour Zeyna, c’est bien plus compliqué. "Pour nous, c’est une double peine. Mon fils n’a ni père ni papiers ; alors, personne ne veut nous approcher", raconte la jeune femme.

Elle vit avec son fils dans une petite chambre et doit affronter chaque jour le regard accusateur du voisinage qui ne lui pardonne pas d’avoir eu des relations hors mariage dont le résultat reste son fils Driss. "J’ai réussi à échapper à la prison, mais pas à la stigmatisation de la société. Aujourd’hui, j’en paie le prix : l’épicier ne veut pas me faire de crédit, ma famille ne veut plus entendre parler de moi et mes voisins ne veulent pas garder mon fils. Ils le surnomment ’ould el hram’ ", c’est-à-dire "bâtard" en arabe, rapporte Le Monde.

Pourtant, Driss n’est pas le fruit d’une relation d’une nuit. D’abord sa mère a travaillé comme bonne et a été violée pendant des années par son employeur. "Je suis tombée enceinte pour la première fois à 13 ans et j’ai perdu le bébé. J’ai fait une deuxième fausse couche l’année d’après", confie-t-elle. Ensuite, elle rencontre Mohamed à l’âge de 16 ans. "On était très amoureux. Il m’avait promis de demander ma main", raconte-t-elle. Mais lorsqu’il apprend sa grossesse, Mohamed s’évapore dans la nature sans laisser d’adresse. "J’ai vécu un cauchemar pendant des années, mais j’ai fini par m’en sortir", précise-t-elle.

Selon Le Monde, elle en a beaucoup souffert avant de se retrouver, grâce à un travail "au noir" que lui a trouvé une association, dans un salon de coiffure à Casablanca. Mais avec les cas de contamination, le salon de coiffure ferme ses portes et elle se retrouve devant les mêmes difficultés d’alors. "Quand on travaille au jour le jour, on n’a aucune autonomie. On ne vit plus, on survit", affirme Zeyna.

Actuellement, elle brave les interdits et les risques pour travailler comme femme de ménage. Sans autorisation, elle risque une peine d’un à trois mois de prison et une amende allant jusqu’à 1 300 dirhams. Elle le sait, mais elle n’a pas le choix. "Je prends les transports en commun, je croise des gens sur mon chemin, j’ai peur qu’il m’arrive quelque chose, car mon fils n’a personne d’autre. En plus, je suis obligée de le laisser seul à la maison. Je crains qu’il sorte dans la rue, qu’il approche d’autres enfants", raconte-t-elle, désemparée.

Au Maroc, il existe de nombreuses associations qui portent assistance aux mères célibataires, malgré le confinement. "Beaucoup de ces femmes ont perdu leurs emplois et, du fait de leur statut, ne bénéficient pas de la traditionnelle solidarité familiale marocaine, regrette Meriem Othmani, présidente de l’Institution nationale de solidarité avec les femmes en détresse (INSAF). "Nous sommes obligés de leur trouver de quoi se nourrir et de les aider à payer leurs loyers. Malheureusement, nous manquons de ressources", ajoute-t-elle.

Zeyna compte en dernier recours sur les aides de subsistance pour les travailleurs précaires et les familles en situation de pauvreté promises par le gouvernement. "De toute façon, je n’ai pas le choix. Sinon, je vais finir par me faire pendre", lâche-t-elle désespérée.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Femme marocaine - Plainte - Coronavirus au Maroc (Covid-19)

Aller plus loin

Mères seules au Maroc : la double peine de la loi et de la « Hchouma »

Au Maroc, il n’est pas aisé d’être une mère célibataire. Ce statut n’est pas admis dans le royaume où les relations hors mariage sont interdites. Toute femme qui se retrouve...

Maroc : la « réalité amère » des mères célibataires

L’association Insaf poursuit son combat contre la marginalisation et la discrimination des mères célibataires, appelant le législateur à une réforme profonde de la loi.

Plus de 3 000 mères célibataires bientôt réintégrées dans leur droit

Rejetées par la société, les mères célibataires vivent pour la plupart dans la précarité. Soutenue par l’Union européenne, l’Institut national de solidarité avec les femmes en...

Covid : Les pertes économiques plus importantes chez les femmes

Les femmes marocaines ont été plus touchées que les hommes par la crise sanitaire sur le plan économique, a révélé le Haut conseil économique (HCP) dans une note publiée à...

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : l’état d’urgence sanitaire prolongé encore d’un mois

Réuni en séance hebdomadaire ce jeudi 29 décembre 2022, le gouvernement a décidé de prolonger jusqu’au 31 janvier 2023, l’état d’urgence sanitaire.

Le Maroc prolonge encore l’état d’urgence sanitaire

Réuni jeudi lors de sa séance hebdomadaire, le conseil de gouvernement a adopté le projet de décret portant prorogation, à nouveau, de l’état d’urgence sanitaire.

Maroc : présenter un acte de mariage dans les hôtels c’est fini

L’obligation de présenter un contrat de mariage lors de la réservation de chambres d’hôtel au Maroc pour les couples aurait été annulée. Cette décision survient après la colère du ministre de la Justice, Adellatif Ouahbi.

Le Maroc confronté à la réalité des violences sexuelles

Les femmes marocaines continuent de subir en silence des violences sexuelles. Le sujet est presque tabou au Maroc, mais la parole se libère de plus en plus.

Maroc : plus de mariages, moins de divorces

Le Haut-commissariat au plan (HCP) vient de livrer les dernières tendances sur l’évolution démographique, le mariage, le divorce et le taux de procréation par rapport à 2020, année de la survenue de la crise sanitaire du Covid-19.

Rapport inquiétant sur les violences faites aux femmes marocaines

Au Maroc, les femmes continuent de subir toutes sortes de violence dont les cas enregistrés ne cessent d’augmenter au point d’inquiéter.

Le Covid-19 se rappelle au bon souvenir des Marocains

Après une période d’accalmie, le Maroc fait désormais face à une hausse des contaminations au Covid-19. Le ministère de la Santé a exprimé ses inquiétudes appelant les Marocains à respecter les recommandations.

Femmes ingénieures : le Maroc en avance sur la France

Au Maroc, la plupart des jeunes filles optent pour des études scientifiques. Contrairement à la France, elles sont nombreuses à intégrer les écoles d’ingénieurs.

Maroc : l’état d’urgence sanitaire prolongé jusqu’au 31 décembre

Le gouvernement vient d’annoncer, une nouvelle fois, la prorogation de l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national.

Le droit des femmes à l’héritage, une question encore taboue au Maroc

Le droit à l’égalité dans l’héritage reste une équation à résoudre dans le cadre de la réforme du Code de la famille au Maroc. Les modernistes et les conservateurs s’opposent sur la reconnaissance de ce droit aux femmes.