Sans salaire, ni eau ni électricité : la détresse des Marocains oubliés du Vaucluse

25 janvier 2024 - 17h00 - France - Ecrit par : P. A

Dix-sept saisonniers marocains se retrouvent coincés dans le Vaucluse, faute de salaire. Dépourvus du minimum, ils vivent dans des conditions difficiles, mais sont déterminés à lutter pour obtenir gain de cause.

Une fois la saison agricole terminée, ces saisonniers, âgés de 22 à 46 ans, n’ont pas été payés par leur employeur, la SAS de Rigoy. Depuis des mois, ils survivent dans une petite maison, sans eau et électricité, et avec des vivres apportés par les Restos du cœur. « Sans les Restos du cœur, on serait morts », affirme l’un d’eux. Les 17 saisonniers marocains sont arrivés de la région de Taza, au nord-est du Maroc, entre mai et octobre 2023, et ont participé, sans jours de congés, à la récolte des asperges, courgettes, cerises dans une exploitation agricole, rapporte Basta.

À lire : Le saisonniers marocains de retour en Corse

En juillet dernier, les Marocains ont dénoncé à l’inspection du travail d’Avignon leur employeur qui refuse de payer leurs salaires, les assurant qu’ils seront réglés une fois retournés au Maroc. Ils ont également posé leur problème au défenseur syndical Force ouvrière Hervé Proksch, qui a saisi le conseil de prud’hommes en référé mi-octobre pour cinq dossiers. « J’ai déjà eu pas mal de cas dans ma carrière, mais jamais autant de travailleurs non payés sur la même exploitation », assure le syndicaliste.

L’employeur a été finalement condamné par le conseil de prud’hommes à verser entre 6000 et 8000 euros à chacun de ces cinq saisonniers, représentant les salaires de deux ou trois mois, les heures supplémentaires impayées, les dommages et intérêts. Il a été à nouveau condamné le 8 janvier à verser des indemnités à trois autres salariés. D’autres décisions sur le fond, concernant des salariés ayant travaillé sans contrat de travail, sont attendues le 19 avril.

À lire : En l’absence de saisonniers marocains, des agriculteurs français s’inquiètent pour leur production

Le gérant de l’exploitation agricole, âgé de 74 ans, et le comptable, âgé de 43 ans, ont été placés en garde à vue le 17 janvier 2024, puis mis en examen pour traite d’êtres humains et soumission de personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions de travail et d’hébergement indignes, a indiqué lundi le parquet de Carpentras. La société même a été placée en redressement judiciaire. Mais toutes ces décisions n’impactent pas le quotidien des saisonniers marocains qui vivent dans des conditions indignes. Ils survivent grâce à la générosité du voisinage et aux associations.

En attendant le procès, les saisonniers marocains n’ont d’autre choix que d’attendre. « On ne fait rien. On n’a pas le droit de travailler », se plaint Boujemaa, l’un d’eux. Ils ne veulent surtout pas retourner au Maroc, où ils ont tout vendu et même emprunté de l’argent pour payer les 10 000 ou 12 000 euros exigés par leur employeur pour leur délivrer un contrat de travail qui leur garantirait une vie paisible en France après trois ans. L’État ne contrôle plus les employeurs, qui de ce fait « ne respectent ni le droit ni les personnes », critique pour sa part Jean-Yves Constantin, du Collectif de défense des travailleurs étrangers dans l’agriculture (Codetras).

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Agriculture

Aller plus loin

La France facilite le recrutement des saisonniers marocains

Les autorités marocaines et françaises viennent de signer une convention-cadre pour faciliter le recrutement de travailleurs saisonniers agricoles marocains dans les...

Le saisonniers marocains de retour en Corse

En pénurie de main-d’œuvre pour la récolte des clémentines, la France veut recruter quelque 1 200 saisonniers marocains. Ces derniers sont attendus au mois d’octobre en Corse.

Changement de la perception des agriculteurs français, soutiens du RN, sur les saisonniers marocains

Les agriculteurs français continuent de se tourner vers le Maroc pour pallier la pénurie de main-d’œuvre. Ceux qui sont des soutiens du Rassemblement national (RN) et qui...

En l’absence de saisonniers marocains, des agriculteurs français s’inquiètent pour leur production

N’ayant pas obtenu de visa, les 400 saisonniers marocains attendus en France depuis le 20 avril ne sont pas encore arrivés sur le territoire français. Une situation qui risque...

Ces articles devraient vous intéresser :

Avocat : le Maroc a un redoutable concurrent

Les avocats produits au Maroc sont très prisés en Europe en raison de plusieurs avantages concurrentiels. Mais le royaume a désormais un redoutable concurrent.

Les archéologues font une étonnante découverte au Maroc

Des archéologues ont découvert au Maroc le plus ancien site agricole qui date de la période de la préhistoire.

Le Maroc s’oppose catégoriquement à la décision de la Cour de justice européenne

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu vendredi une décision concernant les accords agricoles et de pêche entre l’UE et le Maroc. Rabat conteste fermement cette décision, la jugeant non applicable et entachée d’erreurs.

Maroc : les agriculteurs rattrapés par l’impôt

Au Maroc, les petits agriculteurs exploitants agricoles exonérés d’impôts réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 5 millions de dirhams, doivent désormais remplir une déclaration de revenus, a récemment rappelé la Direction générale des impôts (DGI).

Menace sur la production de myrtilles au Maroc

Le champignon Erysiphe vaccinii, responsable de la maladie connue sous le nom d’oïdium, menace la production de myrtilles au Maroc et dans le monde. C’est ce que révèle une étude menée par l’université d’État de Caroline du Nord.

Alerte au miel « aphrodisiaque » en vente au Maroc

Du « miel aphrodisiaque » ou du « miel de virilité » inonde le marché marocain et inquiète le Syndicat des professionnels de l’apiculture au Maroc.

Intermarché bannit la fraise marocaine

Afin de valoriser des produits de saison et du terroir français, le groupement Les Mousquetaires, qui chapeaute les enseignes Intermarché et Netto, a pris une décision radicale : bannir les fraises et les cerises de ses étals durant les mois de...

Les dattes algériennes dangereuses pour la santé ?

L’inquiétude enfle quant à la qualité des dattes algériennes importées au Maroc. Dr. Hassan Chtibi, président de l’Association de protection du consommateur, alerte sur les risques sanitaires liés à la consommation de ce produit prisé par les Marocains.

Maroc : l’huile d’olive devient un luxe

Au Maroc, le prix de l’huile d’olive augmente fortement. En cause, la sécheresse et les vagues de grande chaleur qui ont touché la production de ce petit fruit indispensable aux saveurs des mets des Marocains.

Les dattes algériennes au Maroc sous surveillance

Les dattes algériennes commercialisées au Maroc sont saines et ne constituent pas une menace pour la santé des consommateurs, ont assuré des professionnels marocains du secteur, émettant toutefois des doutes quant à la qualité de ce produit importé du...