Selon des rapports d’enquête de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), consultés par Le Devoir, l’agence de recrutement et de placement des employés Iris, basée à Châteauguay, dans l’arrondissement montréalais de LaSalle, a ainsi exploité des travailleurs africains dont des Marocains, à qui elle doit des milliers de dollars de salaires impayés. Le mois dernier, l’agence a été poursuivie devant les tribunaux pour quatre affaires d’exploitations de migrants qui réclament près de 100 000 dollars canadiens d’impayés.
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Dieudonné Nidufasha, le responsable de l’agence Iris nie les faits et assure avoir toujours bien rémunéré ses travailleurs. « [L’enquêteur de la CNESST], il a inventé des plaintes », affirme-t-il. Une de ses travailleuses soutient pourtant le contraire. Recrutée pour un poste précis sous un permis fermé, elle a été plutôt envoyée dans une résidence pour aînés à Rivière-du-Loup. Elle confie avoir vécu un « enfer » : « C’était difficile moralement. Je pleurais tous les soirs. Je voulais rentrer dans mon pays », raconte-t-elle.
D’autres travailleurs ont confirmé au média avoir vécu la même situation après avoir obtenu un travail sous un permis fermé avec l’agence Iris pour un poste dans la machinerie. Mais ils se sont tous retrouvés dans une résidence pour seniors. Une pratique illégale en matière d’immigration. Les concernés jurent avoir été floués par Nidufasha, qui les a rassurés de la légalité de la procédure. « Nidufasha me disait que oui, c’était possible, que notre contrat le permettait », atteste une travailleuse.
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« Les employés sont à nous, même si nous les plaçons chez nos clients. Nous faisons des demandes [de permis fermés] à Immigration Canada comme tout le monde. Si on n’avait pas ce droit, il devait alors nous les refuser », se défend Nidufasha qui affirme avoir exploité plus de 180 employés de cette manière, dont une cinquantaine ont obtenu des permis fermés avec son agence et ont été affectés chez 18 entreprises clientes à Montréal, à Laval, dans les Laurentides et dans d’autres régions.
Pourtant, la pratique est illégale. « Ça ne marche pas comme ça ! S’ils avaient eu des permis ouverts, ça aurait fonctionné », explique Dalia Gesualdi-Fecteau, professeure à l’École des relations industrielles de l’Université de Montréal. Cette façon de faire va à l’encontre des objectifs du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), renchérit Krishna Gagné, avocate en droit de l’immigration : « On n’est pas du tout dans l’esprit [du programme], qui vise à protéger le travailleur, mais aussi le marché du travail. Pour moi, c’est assez étrange, ce genre d’[employeur]-là. Ce qu’il fait est beaucoup trop risqué. »