Maroc : un roman sur l’homosexualité censuré, devient un best-seller
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Les restrictions de la loi pénalisant l’homosexualité, les pressions et le regard de la société, le rejet familial, poussent de nombreux homosexuels à fuir le Maroc afin de vivre pleinement leur identité. C’est l’histoire de Samy, Inès, Assia et bien d’autres qui recourent à l’exil comme unique solution, qui font le saut vers l’inconnu, espérant qu’ailleurs on puisse les accepter dans leur différence.
Le Maroc fait partie des pays qui punissent sévèrement l’homosexualité. L’actualité ces dernières années est truffée de faits liés à la répression subie par les membres de la communauté LGBTQ+. La dernière en date est celle engendrée par l’influenceuse Sofia Taloni, qui, à travers des publications, a révélé les penchants sexuels de nombreux marocains qui, craignant des représailles cachent leur homosexualité. C’est pour être en paix avec lui-même et éviter ces genres de représailles que Samy a quitté le Maroc pour la France, sans valises, mais le corps et l’esprit chargés de traumatismes engendrés par les coups dont il a été roué par sa mère qui le trouvait trop efféminé. Le jeune homme se définit comme bi ou pansexuel (attirance sexuelle ou sentimentale envers des personnes indépendamment de leur sexe ou de leur genre). « Tout ce que je sais, c’est que je suis différent, et ce depuis l’enfance », déclare-précise-t-il à TelQuel.
Même si aujourd’hui Samy raconte son histoire avec un certain humour, il reconnait très bien la gravité de ce qu’il a vécu. « Quand je ne me défendais pas pendant une bagarre à l’école, quand je faisais un bruit pas assez viril pour elle, quand je marchais d’une certaine manière, ma mère me frappait… Elle a même voulu me marier à l’âge de 16 ans. Heureusement, la fille en question a épousé un gars plus riche », ironise-t-il aujourd’hui. Et même dans ses relations entamées sur certaines applications, il n’a pas su trouver l’aide escomptée. « Les Marocains étaient violents. L’un d’entre eux m’a étranglé dans les toilettes d’un bar quand j’ai refusé ses avances. Les touristes, eux, ne se rendent pas compte du danger, ils voulaient m’embrasser dans la rue, car eux ne risquent rien ». Samy sait qu’une manifestation en public de son homosexualité le conduirait tout droit en prison, car au Maroc, « le Code pénal marocain qualifie les relations homosexuelles d’actes licencieux ou contre nature ». Elles sont passibles de six mois à trois ans de prison, rapporte TelQuel.
Une fois en France pour poursuivre ses études, Samy a décidé d’y rester. « Ici, tout n’est pas toujours rose, mais le pire que j’ai pu expérimenter c’est des mémés qui crachent par terre parce que je les dégoûte quand je me balade en robe. Là-bas, ce n’est même pas envisageable de porter un vêtement dit féminin ». Après cinq années d’errance entre la France, le Maroc et d’autres pays d’Europe, Samy finit par obtenir son statut de réfugié. « Un soulagement », souffle-t-il. Même si des chiffres ne sont pas disponibles, ils sont nombreux, les Marocains qui viennent en France pour vivre leur identité de genre, et leur sexualité. Selon le dernier rapport d’activité de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le Maroc arrive en troisième position derrière l’Algérie et la Tunisie, en ce qui concerne les demandes fondées sur l’identité de genre en provenance du Maghreb.
C’est le cas d’Inès, âgée de 30 ans et qui vit avec son épouse à Paris. Elle est venue de Rabat avec autant de traumatismes que Samy. « J’étais dans un lycée assez populaire, et je voyais les garçons efféminés se faire lyncher. Forcément, je ne pouvais pas en parler », se souvient-elle. À l’époque elle avait une copine et comme elles sont des filles, elles étaient au-dessus de tout soupçon et pouvait dormir l’une chez l’autre. Mais cet abri ne tiendra que quelques mois. Elles s’étaient préparées pour quitter le Maroc, mais un faux pas brise le projet des amoureuses. « l’été de notre départ, la mère de ma copine a lu un petit mot que je lui avais laissé. Elle a tout compris, l’a séquestrée, puis l’a mariée de force. J’étais décidée à partir de toute façon, mais cette histoire a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Je ne pouvais plus rester », rapporte TelQuel
L’expérience d’Assia, une Marocaine âgée de 27 ans est bien différente. C’est en France qu’elle a pu mettre un nom sur son orientation sexuelle, grâce à une de ses amies. « Cette fois, c’était une fierté et non une insulte. Mon amie revendiquait le fait d’être lesbienne, c’est là que j’ai compris que c’était pareil pour moi. Je me suis remémorée plusieurs épisodes de ma vie, puis je me suis dit : c’est ce que je suis en fait, je suis lesbienne ». Mais elle précise ne pas se retrouver dans ce qu’elle appelle « le milieu militant blanc ». Les réalités, selon elle, sont bien différentes de ce qu’on imagine. « On y subit du racisme ordinaire, nos problématiques ne sont pas comprises et on est stigmatisées comme étant la lesbienne arabe en rupture avec sa famille », regrette-t-elle.
Nour, l’une des fondatrices des Mille et une queer, une organisation féministe réservée aux femmes LGBTQI+ originaires du Maghreb, déplore une « accumulation des discriminations en tant que femmes, lesbiennes, perçues comme arabes et musulmanes ». D’autres associations, comme Shams France, viennent en aide aux personnes LGBTQI+ vivant en France et ayant des origines maghrébines et moyen-orientales.
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