Tunnel Maroc-Espagne : un rêve impossible ?

23 mars 2025 - 20h00 - Economie - Ecrit par : S.A

La construction d’un tunnel sous-marin entre l’Espagne et le Maroc est certes un projet ambitieux, mais il est confronté à des défis de mise en œuvre.

« En tant qu’ingénieur ayant travaillé sur de nombreux projets d’infrastructure de grande envergure, j’ai vu ce qu’il fallait pour transformer des idées ambitieuses en réalités concrètes. Et celle-ci est, sans aucun doute, parmi les plus audacieuses. […] Un tunnel sous-marin entre l’Europe et l’Afrique constituerait un exploit d’ingénierie historique, mais il ne serait en rien facile à construire », commente Bill Bencker, spécialiste en construction, auprès de L’Express britannique. Selon lui, il faut des préalables, notamment déterminer l’axe exact du tracé avant même d’envisager un début de chantier. L’option la plus logique serait de traverser le détroit de Gibraltar, ce passage maritime qui sépare l’Espagne du Maroc, estime-t-il.

À en croire l’expert, l’une des difficultés majeures est liée au fait que sous la surface, le détroit cache des profondeurs abyssales, atteignant plus de 900 mètres par endroits. Le percement d’un tunnel sous le plancher océanique devient ainsi infiniment plus ardu que pour le tunnel sous la Manche ou celui de Laerdal. « À cause de ces profondeurs extrêmes, un tunnel foré sous le lit marin traditionnel serait d’une complexité redoutable », explique Bencker. Il propose comme alternative un tunnel flottant submergé, maintenu en suspension sous l’eau par des câbles ancrés dans le sol marin. Il propose également un système hybride combinant des segments creusés sous terre et d’autres reposant sur des infrastructures posées au fond du détroit.

À lire : Tunnel Maroc-Espagne : quid des chances de réussite du projet ?

Autre défi majeur : la durée de la construction d’un tel tunnel. « Si vous imaginez que ce tunnel pourrait voir le jour en une décennie, détrompez-vous, avertit Bencker. Un projet de cette ampleur nécessiterait entre 15 et 25 ans entre les études préliminaires et son achèvement. » Il ajoute : « Et ce n’est pas seulement la construction qui prendrait du temps : les véritables goulets d’étranglement sont les études de faisabilité, les évaluations environnementales, l’obtention des financements et les accords politiques. »

L’expert explique encore : « Même si les négociations commenceraient dès demain, il faudrait des années d’analyses géologiques et de modélisations expérimentales avant que la première coulée de béton ne soit réalisée. » Il poursuit : « Ensuite, la phase de construction elle-même serait d’une lenteur extrême, confrontée aux défis du travail sous-marin : pressions abyssales, mouvements tectoniques et conditions météorologiques hostiles ».

À lire : Du retard pour le tunnel Maroc-Espagne

Le coût global du projet est l’autre défi majeur à relever. Les estimations varient entre 540 et 1 080 milliards de dirhams (soit 42 à 84 milliards de livres sterling), en fonction du type d’infrastructure retenu, fait savoir Bencker. À comparer au tunnel sous la Manche, bien plus simple à construire, qui avait coûté l’équivalent de 150 milliards de dirhams (11,7 milliards de livres sterling) en tenant compte de l’inflation, le budget est colossal.

« Et avec un projet de cette envergure, des dépassements budgétaires sont inévitables, souligne l’expert. Des conditions géologiques imprévues, la fluctuation du prix des matériaux ou des blocages diplomatiques pourraient encore faire exploser les coûts. » Malgré tout, ce projet est réalisable. « En somme, c’est un projet envisageable, mais qui s’annonce comme un chemin semé d’embûches. Entre le coût, la diplomatie et les défis techniques, il faudra un engagement colossal des gouvernements espagnol et marocain ainsi que d’investisseurs privés pour espérer un jour voir ce tunnel devenir une réalité », conclut Bencker.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Afrique - Développement - BTP - Tunnel entre le Maroc et l’Espagne - Espagne

Aller plus loin

Tunnel Maroc-Espagne : Madrid-Casablanca en 5 heures

Le projet de tunnel devant relier Punta Paloma, en Espagne, à Punta Malabata, au Maroc, revêt d’une importance capitale pour les deux pays.

Du retard pour le tunnel Maroc-Espagne

Le tunnel reliant l’Espagne et le Maroc sous le détroit de Gibraltar ne sera pas construit d’ici 2030 comme prévu. Selon les experts, les travaux de ce méga projet, qui est...

Du nouveau pour le tunnel entre le Maroc et l’Espagne

Des doutes subsistent quant à la viabilité du projet de tunnel entre l’Espagne et le Maroc. En vue d’avoir toutes les données possibles sur la faisabilité de ce mégaprojet ainsi...

Un tunnel caché sous Sebta et le Maroc au cœur d’un trafic de drogue international

Un tunnel d’une profondeur de 12 mètres a été découvert à Sebta. La Guardia Civil soupçonne son utilisation pour introduire de la drogue dans la ville autonome depuis le Maroc.

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc 2030 : le chantier des infrastructures s’accélère

Le Maroc se prépare activement pour la Coupe du monde 2030 qu’il coorganise avec l’Espagne et le Portugal. Les autorités ont annoncé, au titre de l’année 2024, une augmentation de 42 % du volume des projets d’infrastructures pour un montant total de 64...

Le Maroc, un chantier à ciel ouvert

Au Maroc, le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) et celui des matériaux de construction devraient tirer profit de l’organisation la coupe d’Afrique des nations (CAN) 2025, la co-organisation de la coupe du monde 2030 ainsi que d’autres...

Internet au Maroc : des zones complètement oubliées

Certes, le Maroc a enregistré des avancées significatives pour garantir internet mais des défis majeurs restent à relever.

Copropriétés au Maroc : les impayés qui ruinent l’immobilier

Au Maroc, la copropriété fait face à de graves difficultés, notamment le non-paiement des cotisations. De quoi impacter négativement le secteur de l’immobilier marocain.

Un coup de pouce bienvenu pour les commerçants marocains

Suite à la directive de Bank Al-Maghrib (BAM) publiée le 25 septembre 2024, qui plafonne désormais le taux d’interchange domestique à 0,65%, le Centre monétique interbancaire (CMI) a été contraint de s’aligner.

Au Maroc, la fin des chantiers sans garanties d’assurance

Au Maroc, les assurances construction (Tous Risques Chantier et Responsabilité Civile Décennale) sont désormais obligatoires. La mesure vise à garantir une meilleure gestion des risques sur les chantiers en cours et futurs, et une couverture totale en...

L’ONCF séduit les investisseurs et prépare l’avenir du rail au Maroc

Le plan d’expansion ferroviaire séduit les investisseurs qui sont prêts à financer les projets marocains. En témoigne la réussite par l’Office national des Chemins de fer (ONCF) d’une levée de fonds.

Le Maroc en pleine métamorphose

Le Maroc s’active pour une organisation réussie de la Coupe du monde 2030, aux côtés de l’Espagne et du Portugal. Les chantiers s’accélèrent dans les six villes devant accueillir cet événement sportif mondial.

Aéronautique : le Maroc décolle et concurrence les géants européens

À l’heure où les constructeurs aéronautiques de l’Europe peinent à répondre à la demande, le Maroc travaille à devenir une plaque tournante de l’aérospatiale.

L’aéroport de Tanger fait peau neuve

Le projet de développement et d’expansion de l’aéroport Ibn Batouta, vise à contribuer au développement touristique et économique de la ville de Tanger. La commune apporte une contribution financière.