L’investissement privé est en chute libre au Maroc. C’est du moins ce que révèle la banque mondiale dans son nouveau rapport de suivi de l’économie marocaine.
« Dans certains pays, comme la Gambie, une visite de Mohammed VI prend les allures d’une fête nationale. Le jour de son arrivée est même férié », raconte un diplomate. Une anecdote qui en dit long sur la popularité et la respectabilité dont jouit le royaume en Afrique de l’Ouest.
Une respectabilité que le Maroc doit, d’abord, à cette implication politique au plus haut niveau. Les investissements sont dictés par des considérations politiques plutôt que par une logique économique.
Divine surprise. Ainsi, la compagnie maritime Comanav (qui, depuis deux mois, bat pavillon CMA-CGM) a investi au Sénégal après le naufrage du Joola , qui a complètement coupé la Casamance du reste du pays. « Nous savions à l’avance que l’exploitation de cette ligne ne permettait pas de gagner de l’argent. Le but était de montrer nos compétences sur le terrain pour décrocher d’autres lignes plus rentables », confie le management de la société, qui avoue que « les ordres sont venus d’en haut ».
Idem pour Royal Air Maroc, dont l’investissement au Sénégal a été dicté par la volonté de sauver les centaines d’emplois de la compagnie aérienne sénégalaise qui s’était brisé les ailes. Divine surprise : la nouvelle compagnie Air Sénégal International, dont la RAM contrôle 51 %, a décollé. Dès la fin 2005, quelque 400 000 passagers l’avaient plébiscitée. La RAM déploie actuellement ses ailes sur toute la région, et ses tarifs taillent des croupières à Air France. La RAM n’est pas encore Emirates, ni Casablanca Dubaï, mais la compagnie montre qu’une entreprise du Sud peut s’imposer sur un terrain qu’elle connaît bien face aux mastodontes occidentaux.
Les groupes privés ont pris conscience du gisement de croissance que représente la région. Managem produit de l’or et du cobalt dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest.
Les banques ont elles aussi pris pied dans les pays constituant l’Union économique et monétaire de l’Ouest africain (UEMOA), avec Dakar comme porte d’entrée. La BMCE y a implanté sa banque d’affaires et s’est rapidement imposée comme un des principaux partenaires du gouvernement sénégalais dans ses montages financiers. La banque vient récemment de se payer une participation importante (35 %) dans Bank of Africa, très active dans la région. Sa concurrente Attijariwafa Bank a aussi créé une filiale au Sénégal. D’autres secteurs, comme les BTP, les nouvelles technologies ou l’industrie pharmaceutique, ne sont pas en reste.
Cette déferlante marocaine en Afrique de l’Ouest - et particulièrement au Sénégal - ne fait pas que des heureux. Le club des investisseurs français dans ce pays, réunissant une centaine d’entreprises, a même publiquement déclaré sa lassitude de voir les entreprises marocaines lui damer le pion.
Saga
Certains groupes français ont d’ailleurs su exploiter leurs filiales marocaines pour décrocher des opportunités sur le marché africain. Vivendi préfère ainsi envoyer, Maroc Telecom, affronter les géants du secteur dans des opérations de privatisation ou d’octroi de nouvelles licences. Une stratégie qui s’est révélée payante : Maroc Telecom a décroché le rachat de Mauritel en Mauritanie et d’Onatel au Burkina Faso. Et elle est donnée favorite dans l’appel d’offres en cours pour une licence au Sénégal. La saga marocaine en Afrique ne fait que commencer.
TelQuel - Fahd Iraqi
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