Au Maroc, les femmes continuent de subir toutes sortes de violence dont les cas enregistrés ne cessent d’augmenter au point d’inquiéter.
“Pss, Pss… Manchoufoukch azzine ?”. La formule est usuelle chez les dragueurs impénitents de la rue marocaine. Mais bientôt, ils devront tourner sept fois leur langue dans leur bouche avant de proférer pareilles sérénades. Un projet de loi veut en effet pénaliser le harcèlement sexuel sur la voie publique, la “drague” pour le commun des mortels. Selon ses (futures) dispositions, toute personne ayant
prononcé des paroles obscènes à l’adresse d’une femme dans un lieu public risque une peine allant d’un mois à deux ans de prison, assortie d’une amende variant de 1200 à 2000 DH.
Et personne n’est à l’abri : du collègue de travail indélicat au passant dans la rue à la main baladeuse, en passant par le gardien de la paix à la libido hypertrophiée. Et pour ce dernier, la “facture” prévue est encore plus lourde… Ce dispositif anti-drague constitue l’un des points phares du projet de loi relatif à la lutte contre la violence faite aux femmes. Un projet de loi que défend aujourd’hui, bec et ongles, Nouzha Skalli, ministre du Développement social et de la famille, mais dont l’initiative revient à sa devancière au même fauteuil, Yasmina Baddou.
C’est en effet l’actuelle ministre de la Santé qui avait, au sein du précédent gouvernement, lancé une réflexion sur le sujet, impliquant différentes composantes de la société civile marocaine (notamment les associations féminines), en s’inspirant de l’expérience espagnole, l’une des plus concluantes en la matière. Il faut dire que la violence contre les femmes a connu ces dernières années une évolution plutôt alarmante. Si une récente étude, évoquée par Nouzha Skalli, a démontré que 80 % de la population masculine marocaine n’est pas violente, les un sur cinq restants, en manque de punching-ball, ont la fâcheuse tendance à se défouler sur la gent féminine. Et souvent, cela se termine par un drame. Il y a quelques semaines, un ingénieur de Rabat a assassiné sa femme et manqué de faire de même avec sa fille. Emue en apprenant le drame, Nouzha Skalli, nous a déclaré : “Ce genre d’actes doit cesser rapidement. La femme ne doit plus être agressée, ni dans la rue ni chez elle”.
Une loi dissuasive
Le nouveau projet de loi devrait bientôt emprunter le circuit législatif. Un texte qui, selon la mouture actuelle, devrait donner au juge toute latitude pour décider l’éloignement du mari violent du domicile conjugal pour y faire revenir l’épouse et les enfants. Il pourra aussi interdire à celui-ci de s’approcher ou d’essayer de prendre contact avec eux.
Ce projet de loi à l’étude, plutôt novateur, a pourtant fait des insatisfaits dans les rangs des féministes du royaume. Pour beaucoup, en l’absence de protections suffisantes, qui épargneraient autant de violences aux femmes, une loi à but uniquement punitif ne serait pas la solution idoine. Ainsi, Nezha Alaoui, présidente de l’Union de l’action féminine (UAF), aurait souhaité que “la loi ne soit pas seulement dissuasive et qu’elle intervienne dans un cadre plus général : de l’étude du phénomène à la protection de la femme et enfin la sanction”. Son de cloche similaire du côté de Fatima Maghnaoui, présidente du Centre d’écoute et secours destiné aux femmes violentées. “Il faudrait d’abord instaurer une culture d’égalité entre les sexes, de droits de l’homme et de citoyenneté. Et ce rôle incombe aux parents, aux professeurs, aux médias et à la société civile, argumente-t-elle. Il faut se pencher sur la prévention d’abord, et pas seulement la sanction”. Et de citer l’exemple espagnol, où, dès leur plus jeune âge, les citoyens sont initiés, à travers des émissions pédagogiques, des livres scolaires et les médias, à l’égalité entre les sexes et à la stigmatisation de la violence faite aux femmes.
“Les Marocaines ne sont pas moins citoyennes que leurs homologues du sexe masculin. Elles sont à même de pouvoir défendre leurs droits”, réplique Nouzha Skalli, défendant mordicus la substance du projet de loi, avant d’ajouter que le texte élaboré par son département “est soumis au débat et reste ouvert à toutes les idées”. Quitte à retarder la promulgation de la loi ?
TelQuel - Abdelmajid Faraji
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