Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les boissons alcoolisées ont fait leur entrée fracassante dans l’hémicycle du Parlement et c’est le groupe islamiste du PJD qui est à l’origine de cette irruption. C’est en vérité lors de la séance hebdomadaire des questions orales de mercredi à la Chambre des représentants qu’un député PJD a soulevé - ce n’est pas la première fois d’ailleurs - l’éternel problème de la vente et de la commercialisation des boissons alcooliques.
Le député islamiste a axé son intervention sur trois points : la hausse sans cesse grandissante des licences de débits d’alcools surtout dans des quartiers populaires, la généralisation de la vente des alcools dans les petits commerces, les super marchés et les grandes surfaces et enfin la publicité sur les alcools orchestrée par les super marchés qui bravent la charia islamique. Le député PJD en est arrivé à demander au ministre de l’Intérieur, présent à la séance des questions orales, les mesures prises pour parer à ces infractions.
Calme et courtois, Driss Jettou a, en réponse à la question assez embarrassante du député islamiste, su s’en tirer tout en ménageant la chèvre et le choux. Il faut remarquer dit-il "eu égard aux conséquences néfastes de la consommation excessive des boissons alcoolisées sur les individus et sur l’ensemble de la société sur les plans économique et religieux, en plus des répercussions négatives sur la sécurité et l’ordre public, les services compétents veillent à l’application des lois en vigueur et des licences de débit d’alcools...". Et pour répondre au deuxième volet de la question du député PJD, Driss Jettou fait valoir les efforts entrepris par les autorités dans ce domaine "... des mesures préventives et répressives sont prises à l’encontre des propriétaires de débit d’alcools qui commettent des infractions..."
Bien sûr, le ministre de l’Intérieur est conscient que les services compétents et l’autorité ne peuvent seuls éradiquer ce fléau qui ronge la société, aussi tient-il à impliquer l’ensemble de la société. "... les mesures préventives et répressives...", souligne-t-il "demeurent insuffisantes à elles seules. Il faut le concours de la société civile et des média dans la lutte contre les méfaits de ce fléau..".
Mustapha Ramid, président du groupe PJD à la Chambre des représentants ne laisse pas passer l’occasion d’envoyer une salve au gouvernement qu’il accuse ouvertement "... d’encourager ce fléau, en délivrant les licences de débit d’alcools et en permettant aux agents de la sécurité de monter la garde devant ces lieux...". Bien plus ajoute M. Ramid "... ceux qui sont épinglés en état d’ivresse ne sont passibles que de quelque deux cents dirhams pour être relâchés...". Et pour ne pas donner l’impression de trop enfoncer le clou, Ramid lance cette phrase conciliante à l’égard de M. Jettou "... permettez moi M. le ministre, vous êtes un homme respectable ; je conçois que l’on puisse permettre la vente des boissons alcooliques dans des lieux fréquentés par des chrétiens ou des juifs, mais de là à les vendre dans les hôtels ou les super marchés, c’est un blasphème (Hada Mounkar)...".
Réponse franche et directe, M. Jettou tout en gardant son calme olympien envoie au député islamiste Ramid : "... il n’existe pas un seul pays au monde ou l’alcool n’est ni vendu ni consommé... " et là le ministre de l’Intérieur tend bien la corde avant de tirer sa flèche "... même les pays qui en interdissent la consommation et la vente en consomment plus que notre pays, à travers la contrebande et la fabrication clandestine pour ne pas dire domestique...". Ceci étant dit M. Jettou rappelle que "... plus de soixante licences de débit d’alcools ont été retirées dernièrement...". Et pour mettre fin à ce débat qui dit-il est l’affaire de tous, le ministre de l’Intérieur annonce que le gouvernement a pris "... l’initiative de déléguer aux walis l’approbation de l’accord et du retrait des autorisations de débit d’alcools, pour qu’ils soient en mesure de suivre de très près leur utilisation.