La culture de l’avocat nécessite une importante quantité d’eau. Au Maroc, des voix s’élèvent pour appeler à l’interdiction de cette culture, en cette période de sécheresse sévère et de stress hydrique.
L’Atlas fait partie de ces régions du monde qui restent encore largement privées d’eau potable. Abandonnés par les services publics, car trop reculés, avec des points d’eau trop chers à entretenir, les douars - divisions administratives rurales en Afrique du Nord - marocains les plus isolés ne sont pas non plus attractifs pour les entreprises privées car trop marginaux.
L’ONG Orphelins sans frontières a choisi de s’y investir.
"Le fait de nous occuper d’enfants ne nous conduisait pas, a priori, à gérer les questions d’eau, mais la question s’est très vite imposée", explique Jacques-Henri Vienot, le directeur. Pourquoi ? Parce qu’en Afrique, la question des orphelins est très souvent intimement liée à celle de l’eau. Au Maroc, la démarche de l’association s’est appuyée sur une étude de la provenance des enfants des rues à Casablanca, "qui a montré que si l’on peut s’occuper d’eux simplement en les nourrissant, on peut aussi le faire en se demandant pourquoi ils sont dans la rue". En l’occurrence, la sécheresse entraîne un exode des villages les plus pauvres vers la ville, et les familles concernées, généralement malades et analphabètes, se concentrent dans des bidonvilles. Une situation qui amène rapidement les enfants à vivre par leurs propres moyens. "Fournir une eau de bonne qualité en amont, au fin fond des montagnes, peut ainsi non seulement freiner cette émigration, mais aussi permettre à ces familles de vivre de façon moins précaire, en les sensibilisant aux questions d’hygiène", précise Jacques-Henri Vienot. D’autant que la question de l’eau rejoint très vite celle de l’alphabétisation.
En effet, les plus vulnérables dans cet exode sont les jeunes filles. Ce sont généralement elles qui, dans les villages, sont chargées de la corvée d’eau, et leurs va-et-vient quotidiens jusqu’à la source la plus proche les privent d’école. "Seules 23 % des filles marocaines sont scolarisées, mais dans les montagnes, il n’y en a pratiquement aucune, explique le directeur d’OSF. Elles migrent donc sans jamais avoir été à l’école. Tout notre combat est de dire : il est impératif qu’elles sachent lire et écrire pour avoir une chance de s’en sortir." A partir de là, l’équation est simple : moins de temps passé à l’approvisionnement, c’est plus de temps pour la scolarisation.
Cette approche globale, qui consiste à remonter à la source d’une chaîne de relations de cause à effet demande au préalable un inventaire et un dépistage des fontaines dans la province, afin de déterminer les lieux d’intervention. Concrètement, cette action comprend l’aménagement de sources et de bornes-fontaines, ainsi que la construction de réservoirs de stockage permettant, notamment, de désinfecter l’eau si nécessaire. OSF veille à ce qu’il y ait une dalle de ciment propre et en pente autour de tout point d’eau, et que les animaux en soient tenus à l’écart afin de stopper la chaîne de contamination.
Mais toute intervention demande au préalable l’adhésion des populations concernées, car un projet ne peut être mené à bien sans la confiance et le soutien des villageois. "Nous nous adaptons complètement à leur culture, nous échangeons beaucoup et nous procédons par petites touches, en fonction de l’intérêt que suscite ce que nous faisons, dit Jacques-Henri Vienot. C’est ainsi que nous avançons, doucement." Ce qui implique une présence à long terme. "En fait, une fois que nous avons établi un contact, nous ne partons jamais ! Simplement, nos réseaux évoluent" Et s’élargissent.
"La prévention nous passionne, car elle peut éviter beaucoup de drames, même si, bien sûr, nous nous occupons des enfants seuls. Les problèmes sont parfois assez simples, mais ils s’enchaînent : intervenons avant qu’il ne soit trop tard", lance le directeur d’OSF. Evidemment, l’association ne peut pas travailler avec tous les villages marocains reculés, "mais parler de nos actions et montrer ce que nous arrivons à faire peut donner envie à d’autres associations de faire la même chose. C’est ainsi que les choses évoluent dans le bon sens."
Un mot sur Johannesburg ? "Très irrespectueusement, je dirais que des sommets comme celui de Johannesburg ne sont faits que pour informer les dirigeants... Et en l’occurrence, il n’est pas sorti grand-chose de cette grand-messe. Ne soyons pas dupes."
Emmanuelle Jardonnet pour lemonde.fr
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