Le marché automobile marocain a connu un début d’année 2024 en demi-teinte, avec une croissance encourageante en janvier suivie d’une baisse inattendue en février.
La Logan made in Maroc soulève une polémique qui frôle l’incident diplomatique entre le Maroc et l’Egypte. Celle-ci est catégorique et s’oppose à l’importation de cette voiture low cost fabriquée par Somaca à Casablanca. Une commission mixte devra se réunir dans les prochains jours au Caire pour tirer cette affaire au clair.
Pourtant, ce type d’importations est explicitement programmé dans les accords Quadra liant le Maroc à l’Egypte, la Tunisie et la Jordanie. L’ALE d’Agadir signé, rappelons-le, par le Maroc avec ces pays est en principe en vigueur depuis avril 2007. Aujourd’hui, son application est presque paralysée à l’occasion des premières tentatives d’exportation à droits nuls vers l’Egypte des Logan made in Maroc.
Signalons que les exportations vers ces pays arabes étaient un argument fort des pouvoirs publics pour plaider en faveur d’investissements dans un site compétitif de montage Logan à Casablanca. Aujourd’hui et malgré moult tractations, ce problème reste insoluble.
Il y a deux semaines, Larbi Belarbi, PDG de Somaca, a fait le déplacement au Caire pour plaider la cause de la Logan. Des tests statiques et dynamiques ont été effectués sur place pour démontrer la fiabilité et la qualité de ce véhicule. Pour le constructeur, Renault Maroc, sa position est claire : « Renault garantit la qualité du produit. Preuve en est que cette voiture s’exporte très bien sur des marchés très exigeants et matures tels que l’Espagne et la France ». C’est le meilleur argument qui puisse exister, lequel est en passe de devenir un gage de qualité du made in Maroc.
Quant au problème lié à l’export vers l’Egypte, le management de Renault estime qu’il relève plutôt des accords signés à Agadir et de la compétence du ministère de tutelle.
De l’avis d’un professionnel du secteur automobile proche de ce dossier, ce n’est pas tant la fabrication au Maroc ou l’argument qualité qui sont invoqués par les Egyptiens. Mais plutôt une mesure protectionniste pour « défendre les intérêts des 6 à 7 unités de montage local que compte le marché égyptien ». A elles seules, ces chaînes de montage se départagent un marché jusque-là surprotégé à hauteur de 40.000 unités chacune.
C’est dire que le lobbying des six chaînes de montage made in Egypte est tellement fort qu’il a fini par rallier la position officielle du pays des pharaons. « A la limite, la décision politisée des Algériens d’importer des Logan de Roumanie au lieu du voisin de l’ouest se comprend. Mais la position égyptienne est tout sauf cohérente », poursuit une source proche de Somaca.
A noter au passage que l’Egypte (70 millions d’habitants) compte avec un marché de 60.000 voitures neuves par an. El Nasr Automotive Manufacturing Company est l’un des plus importants constructeurs locaux depuis 1960. Il fabrique sous licence la marque Fiat Shahine dans l’usine de Helwane.
La seule entreprise opérant dans l’automobile et dont les capitaux sont étrangers est Nissan. D’autres marques sont présentes telles que BMW, Mitsubishi, Fiat, Peugeot, Mercedes, Citroën, Hyundai… Elles bénéficient de droits de douane avantageux sur le CKD.
Selon un expert, les conditions actuelles de qualité et de prix en Egypte ne permettent pas d’exporter vers ce marché extrêmement protégé. La politique du gouvernement, qui vise à réduire la dépendance vis-à-vis de l’étranger, favorise amplement la production locale. Le protectionnisme égyptien est allé loin, à telle enseigne qu’il vient de repousser le démantèlement tarifaire, dans le cadre de ses accords avec l’UE, jusqu’à l’an… 2016.
Le rejet de la Logan se justifierait aussi par cette décision. Car « en Egypte, l’on reproche au Maroc de vouloir introduire des produits européens indirectement via l’accord Quadra », signale un expert dans le secteur automobile. La faible valeur ajoutée des composants locaux pâtira inéluctablement des standards Logan.
Le principal enjeu est là. Car l’Egypte compte préserver les parts de son marché domestique. Mieux, dans l’automobile, ses ambitions consistent à développer une industrie locale à même d’approvisionner le juteux marché du Moyen-Orient. Forte de sa situation géographique, l’Egypte compte, au-delà de la capacité de développement de sa zone, jouer le rôle de plateforme entre son espace et l’Asie.
Protectionnisme
Forte d’un parc roulant de 2,9 millions de véhicules, l’Egypte a sa propre conception de la politique économique et industrielle. Le mot d’ordre est de réduire le maximum possible la dépendance vis-à-vis de la production étrangère et, par ricochet, favoriser le tissu local. Une démarche protectionniste qui se décline à travers la « limitation des importations de véhicules avec l’instauration de pics tarifaires sur l’import CBU et le resserrement de la réglementation à l’importation.
Autre particularité, l’encouragement de la production locale avec une législation visant de maximiser le taux d’intégration local, passé à 45% contre 40% auparavant. Du coup, les droits de douane sont dégressifs au fur et à mesure que la part égyptienne augmente.
Source : L’Economiste - Amin Rboub
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