Un homme, un vrai...

28 août 2002 - 03h09 - Maroc - Ecrit par :

Chaque matin, je m’installe au volant de ma voiture. Vous savez, pour moi, une voiture c’est un klaxon avec un tas de ferraille autour.

Bon, me voilà face au tableau de bord ; il m’arrive parfois mais rarement, de nettoyer le bouton qui actionne les clignotants parce qu’il est couvert de toile d’araignée, puis je retire de son boîtier le cendrier que je vide sur le rebord du trottoir. Enfin, je démarre en faisant crisser les pneus comme je l’ai vu faire dans le dernier feuilleton américain, et j’accélère chaque fois que je vois un stop, un feu orange ou un piéton.
De la route, je connais tout, les accidents, les provisions, les compagnons ; tout sauf le code. Je règle à fond le volume de mon autoradio afin que les passants sachent que mon F.M. est stéréo avec dolby et je me promène tranquillement en refusant par-ci, par-là quelques priorité. Quand mon pouce est fatigué d’appuyer sur le klaxon, je me gare et je fais les cent pas sur le trottoir, histoire de me dégourdir les jambes.
Dès que je vois une jolie fille, je m’en approche et lui susurre à l’oreille en lui frôlant le bras : « toi, ma gazelle, tu vas me rendre fou ». Si elle esquisse un sourire, c’est que l’affaire est dans la poche, il ne me reste plus qu’à la mener vers ma voiture, le reste, vous le devinez. Du moment que cette créature à accepté d’y prendre place, c’est qu’elle n’est rien moins qu’une fille de rue qui ne vaut pas un crachat. Alors, je la traite comme elle le mérite. Car enfin, que feriez-vous dans mon cas ? Comment voulez-vous que je respecte une fille vêtue d’un chemisier au décolleté affriolant, fagotée de la façon la plus indécente dans une juge courte qui livre aux regards de tous la partie la plus charnue de ses mollets ? Une fille qui se rase impudemment les jambes et se maquille dans le but manifeste de séduire par des artifices les hommes qui la croisent ? Qui répond à mes avances bourrées d’arrière-pensées, quand je l’aborde, et qui m’adresse un sourire aguicheur qui n’est rien d’autre qu’une invite à la débauche la plus échevelée ? Pire que tout cela : quand je la caresse en un lieu d’intimité, elle se met à haleter comme une chienne en chaleur. Et vous me demandez de la respecter ! Depuis quand honore-t-on les filles qui se promènent seules, presque dévêtues et qui se laissent lever par ceux qui désirent les tomber ? Pourquoi n’est-elle pas à la maison , sagement occupée à aider sa mère dans ses pénibles tâches domestiques et à se préparer au rôle d’épouse docile, silencieuse et honnête pour lequel elle a été créée ? Au lieu de cela, elle traîne dehors à la recherche d’une aventure croustillante avec le premier venu, comme moi ! Des femmes de cet acabit finissent inévitablement dans le caniveau, c’est évident. Dans chacun de leurs gestes, la lubricité se voit aussi nettement qu’un togolais en deuil sur une banquise.
L’autre jour, j’ai vu à l’étalage d’un kiosque à journaux, un magazine avec en couverture une jolie femelle qui semblait ne faire aucun effort pour cacher ses genoux. Pour comble, la revue s’appelait « Femmes ». Je n’en croyais pas mes yeux : un magazine porno en vente libre chez nous ! Je l’ai acheté le plus discrètement possible et j’ai couru chez moi où je me suis enfermé dans les toilettes pour le feuilleter en toute volupté. Déception. Presque à chaque page, il y avait la photo en couleur d’une traînée outrageusement maquillée comme un clown. Toutes s’étaient déguisées en femmes habillées pour tenter en vain de masquer une nudité que suggérait le moindre détail. Mais ça ne prend pas avec moi, je voyais leur genou et même un petit peu plus haut. Le reste, tout le reste, elles me forçaient à l’imaginer par leur attitude lascive qui harcelait violemment ma rétine. Mon Dieu, que fait la censure ? Dans des articles, tenez-vous bien : rédigés par des femmes –je me demande ce que feraient leur maris s’ils venaient à l’apprendre- où il est question de divorces, de droit et c’est écrit avec un aplomb insoutenable. Si j’avais les moyens, j’aurais acheté quelques centaines d’exemplaires de ce mensuel monstrueux et je les aurais distribués à la sortie des mosquées en plein ramadan. Vous imaginez le tollé ? Dire qu’il ne s’est pas trouvé un seul député, pour demander l’interdiction de cette revue de femmes en chaleur sur papier glacé. Tous les barbus devraient défiler aux cris de « Femmes aux flammes ! »
Moi, quand je me marierai, j’épouserai une jeune fille vierge comme le casier judiciaire d’un pape et sérieuse comme lui. De celles qu’on voit raser les murs, mais jamais leurs jambes, portant un voile foncé qui ne laisse rien suggérer de leur rondeur. Elles font d’excellentes épouses, cuisinières, couturières et lessiveuses manuelles, sans compter qu’elles sont dociles à souhait, n’élèvent jamais la voix devant leur mari ou un membre de sa famille à lui, et trouvent qu’il est dans l’ordre des choses que leur maître les relègue à la maison, pendant qu’il parle de foot entre hommes dans les cafés ou qu’il tente l’aventure avec les filles légères. Quand j’aurai une femme pour moi tout seul, je m’en occuperai très bien ; enfant tous les deux ans, un petit bijou toutes les décennies, un compliment égrillard toutes les nuits et une paire de gifles retentissantes un matin sur deux, quand le petit déjeuner tarde à venir, ou s’il est servi trop tôt.
Bon, je n’en suis pas encore là, j’étais en train de faire un bout de footing quand l’envie m’est venue de vous exposer ma vision de la graine de #### et de l’épouse idéale.
Des fois, quand je courtise à ma façon une passante, il m’arrive de tomber sur une fille revêche qui s’oppose brutalement au frôlement de ma main sur l’un de ses quatre hémisphères, et qui me le fait savoir en termes rudes. Je déteste ce genre de grues et je sais comment leur faire regretter leur algarade. C’est simple, j’attrape l’apprentie suffragette par les cheveux et je lui expédie une volée de gifles sur le museau, plus quelques directs sur le nez et un ou deux coups de genou dans le ventre tout en la traitant de prostituée, comme sa mère. Les badauds se massent autour de nous pendant qu’elle meugle « au secours ! A moi ! ». Autant hurler dans le désert, personne n’intervient parce que dans notre société, il est inconvenant et surtout dangereux de s’interposer entre un homme et une femme en pleine bagarre. « Après tout, se dit chaque spectateur, si ce voyou administre une raclée à cette fille au milieu de la rue, c’est que quelque part, elle l’a cherché et donc mérité, il ne faut surtout pas que je me mêle de leur querelles sordides ». Voilà, je tiens ma supériorité de ce genre de réflexions que tout le monde fait, hommes et femmes, y compris vous qui me lisez. Les filles n’ont qu’à bien se tenir et me laisser subrepticement frôler leur corps en attardant ma main sur les zones les plus proéminentes, ça vaut toujours mieux pour elles que de larmes, claudiquant, le genou tuméfié, le nez éclaté, les lèvres boursouflées et un coquard à l’œil. Neuf fois sur dix, son père ou son frère la sermonneront sou une averse de postillons à la figure : « c’est bien fait pour toi, tu l’as mérité, je t’avais pourtant dit de porter le voile, mais tu m’en fais qu’à ta tête et voilà le résultat ! » Si elle a le malheur d’être mariée, son époux lâchera la sentence : « cette histoire est louche, d’où connais-tu cet individu qui se permet de te corriger comme si tu étais à lui ? Quoi qu’il en soit, même si ta version des faits est véridique, tu m’as déshonoré, retourne tout de suite chez ton père et laisse les bijoux où ils sont. »Le premier jour où elle est venue, elle apportait dans son trousseau un hymen plus un tas d’illusions. Vous rendez-vous compte, toute cette cascade de malheurs à cause d’une légère caresse ? Quel gâchis ! Les filles ont compris, ou bien elles affichent un air absent comme un cadre supérieur de la fonction publique à neuf heures du matin, et elles se laissent faire ; ou bien elles s’aventurent à mettre le nez dehors dans un accoutrement provocant.
On dit qu’il y a des hommes qui se laissent dominer par leurs femmes. Et on ose appeler ça des hommes alors qu’ils n’ont rien dans la culotte, ces omelettes sans œufs. Vous me direz : je suis impulsif et coléreux parce que je rudoie les filles qui me tiennent tête. Si vous me jugez ainsi, c’est que vous ne connaissez rien à la virilité. Demandez aux femmes, elles adorent ce genre de mâle, même les fillettes en rêvent derrière les barreaux de leur lit douillet. Quand une femme veut exprimer son admiration pour un homme digne de ce nom, que dit-elle ? Je ne vous apprends rien, elle s’écrie : « Rajel ! » C’est tout dire. Tandis que nous, nous disons « Al Mra ! » pour la faire accourir et lui donner nos directives. L’article « Al » est essentiel, il ne nous viendrait pas à l’esprit de dire d’une femme : « Mra » sur un ton admiratif, à supposer qu’on puisse en admirer une, ce qui me paraît saugrenu. L’admiration est un sentiment de femmes destiné aux hommes. Ce qui ne veut pas dire que je suis dépourvu de sentiments. Dans le fond, je suis un tendre, la preuve, il m’arrive d’avoir pitié des femmes et même de regretter ma brutalité quand elle est excessive. Oui, je suis sensible, c’est vrai, mais pas en arabe, attention !
Plus il y aura d’hommes virils et plus les femmes se voileront. Les voilées, je n’ose pas les courtiser, des fois qu’un barbu de leur famille soit derrière elles, dissimulé dans la foule et déguisé en imberbe. Du reste, je respecte les femmes qui occultent 99% de leur anatomie en portant le voile, c’est le cas de mes sœurs et de ma promise. Oui, parce que j’ai une future fiancée, j’ai oublié de vous le dire. C’est ma sœur cadette qui l’a choisie pour moi. Elle a 12 ans et pour l’instant, elle va encore à l’école, le temps que son corps mûrisse et qu’elle « arrive », comme on dit chez nous, qu’elle arrive à point pour la consommation comme les animaux de bouche. Quand on se mariera, je lui ferai beaucoup de garçons, et si elle ne me fait que des filles, je la répudierai, évidemment. Je ne suis pas très original, me direz-vous, mais je ne cherche pas à l’être, je suis comme pas mal de Marocains. Et comme vous le savez, le Marocain respecte toutes les femmes. Sauf la sienne, mais ça en fait si peu…

Par Lotfi Akalay

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