Le projet de reconversion de la zone portuaire de Tanger Ville prend son envol. Le port de la « perle du Nord » sera bientôt transformé en un port de référence pour l’accueil des bateaux de croisière et de plaisance au niveau de la Méditerranée.
« Le tourisme est porteur de richesse, mais il est aussi dangereux quand il n’est pas soucieux des équilibres environnementaux, culturels et socioéconomiques ». C’est en ces termes que Ouidad Tebbaa, professeur universitaire et membre de l’association Place Jemaâ El Fna patrimoine oral de l’humanité, a introduit son intervention lors du colloque international tenu du 9 au 11 juin à Marrakech.
Placé sous le thème « Tourisme et pauvreté », le colloque a été organisé à l’initiative de l’équipe de recherche culture, patrimoine et tourisme de la faculté des lettres et des sciences humaines de Marrakech, en partenariat avec le Laboratoire des études et de recherches sur les montagnes atlasiques (Lerma). Il a réuni pas moins de 70 participants entre chercheurs, professeurs, anthropologues, sociologues et opérateurs nationaux et internationaux venant de 10 pays.
Objectif : réfléchir sur la manière dont le tourisme peut contribuer à la lutte contre la pauvreté et promouvoir des actions concrètes et plus ciblées en faveur des populations les plus vulnérables, a indiqué Tebbaa. Et d’ajouter, « si le tourisme doit vraiment changer la situation, il faut d’abord orienter les bénéfices de cette branche d’activité vers les pauvres ». Pour ce professeur, le tourisme a des retombées sur le secteur d’artisanat. Ce type d’activité, bien que provenant souvent de l’économie informelle, ne bénéficie pas toujours aux plus pauvres, mais souvent à des intermédiaires. « Il faut amorcer une réflexion sur les moyens pratiques pour s’assurer que les revenus des ventes réalisées directement auprès des touristes puissent bénéficier le plus possible aux populations les plus démunies », a assuré Tebbaa.
Aussi, l’un des principaux sujets débattus lors de cette rencontre est la place Jemaâ El Fna entre pauvreté et mercantilisme. Pour ce professeur, « la place favorise l’expansion des commerces ou de la restauration au détriment du spectacle ». Le développement du tourisme, ces dernières décennies, a eu des répercussions directes et immédiates sur les pratiques en usage sur la place. « C’est le devenir de la place et de son patrimoine qui est donc aujourd’hui en jeu et le tourisme, loin d’être une panacée, a sans doute largement contribué, entre dénuement et appât du gain, à un appauvrissement de l’art et à une prolifération du folklorisme.
A qui profite le tourisme à Marrakech ? Une question délicate qui nécessite une mise au point et à laquelle a répondu Rachida Saigh Bousta, professeur et opérateur privé. Dans le secteur hôtelier, la vision des jeunes par rapport au monde du travail se résume par une baisse des salaires, un manque de valorisation des diplômes, une absence de visibilité du plan de carrière et une difficulté à se projeter dans l’avenir... Et d’ajouter que la forte concurrence des tarifs des TO (Tour-opérateurs) qui tire les prix vers le bas a engendré des répercussions sur les salaires. Avec à la clé une détérioration du pouvoir d’achat et la multiplication des CDD (Contrat à durée déterminée) constituant des freins de la gestion des carrières... Ce qui a encouragé l’expatriation des jeunes diplômés marocains vers d’autres destinations touristiques.
Par ailleurs, le développement actuel du tourisme à Marrakech a des impacts sur la population des zones d’activité en termes de culture, de prix à la consommation, d’emploi et de modification de l’environnement. « Les populations fragiles et vulnérables auront tendance soit à adopter une attitude de soumission et de subordination ou faire usage d’une certaine agressivité pour s’approprier avec force certaines « richesses », a dit Bousta, ajoutant, « les jeunes seront parfois sacrifiés sur l’autel du tourisme sexuel »...
En conclusion, Bousta a rappelé que le tourisme à Marrakech a conduit à une surenchère sur les produits de première nécessité. « Dans la médina, les métiers de proximité, dont le premier bénéficiaire est l’autochtone, ont tendance à céder la place à des métiers ou commerces qui s’adressent au touriste.
Débats et visites
Le colloque a duré trois jours, dont une journée a été dédiée à des visites sur le terrain, notamment à Essaouira et région. L’objectif est d’évaluer l’impact de certaines coopératives opérant dans des domaines en liaison avec le tourisme. Les deux premiers jours ont été consacrés à diverses thématiques axées sur l’existant et les perspectives offertes au secteur.
Source : L’Economiste - Hanane Hassi
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