La folie Maroc, un royaume dynamisé

31 mai 2008 - 23h18 - Maroc - Ecrit par : L.A

C’est l’événement people du mois. Le soir du 8 mai, 150 invités débarquaient d’un avion privé pour assister au mariage de Jamel Debbouze et de la journaliste Mélissa Theuriau : soixante-douze heures de fête dans la propriété de cinq hectares que l’humoriste possède à Marrakech, dans le quartier très chic de Targa. Le couple aurait été reçu pour l’occasion par le roi Mohammed VI, dont le jeune marié est un proche.

Riads, fêtes, célébrités : le Maroc s’affiche en couverture des magazines. Quand ce ne sont pas Jamel et Mélissa qui convolent à Marrakech, ce sont Cécilia et Richard qui se baladent en amoureux à Fès, dont Richard Attias, le nouveau mari de l’ex-madame Sarkozy, est originaire. Le roi lui-même, fan de Jet-Ski, amoureux des coupés Mercedes et ami de Johnny, cultive volontiers cette image un peu bling-bling.

Bien sûr, le Maroc est loin de se résumer à ce tableau d’opulence et d’excès. D’abord parce que la pauvreté, bien qu’en régression, y demeure préoccupante, surtout dans les campagnes. Ensuite, parce que le royaume chérifien reste une monarchie traditionnelle : pas question pour l’héritier de la dynastie alaouite, commandeur des croyants, de se transformer en roi « moderne » à la Juan Carlos. Il n’empêche, bien plus que son père, Hassan II, « M6 » se comporte en président du conseil de surveillance de son pays, surveillant de près la privatisation de Maroc Telecom ou la réalisation du plan Azur, qui vise à accueillir au Maroc 10 millions de touristes à l’horizon 2010. A cette date, le tourisme devrait représenter 20% du PIB marocain. Six stations balnéaires sont en construction, et les groupes français comptent bien profiter de ce boom. Accor, qui gère déjà 27 hôtels dans le pays, y a une quarantaine de projets de développement, tandis que Lucien Barrière ou Pierre & Vacances y font, en 2008, leurs premiers pas. Un enrichissement qui profite d’abord aux plus aisés.

Projets pharaoniques

L’explosion touristique a contribué à un boom immobilier sans précédent. Amplifié par la croissance démographique et une urbanisation accrue, il touche toutes les grandes villes : Marrakech, Essaouira, Casablanca, Tanger ou Rabat. Pour la première fois en 2007, le Maroc a franchi la barre des 120.000 logements. Certains commencent à craindre l’éclatement de la bulle. Ahmed Taoufiq Hejira, le ministre de l’Habitat, se veut rassurant : « Le pays doit résorber un déficit cumulé de 640.000 logements. » Le patron d’un groupe touristique français n’en est pas si sûr : « La surchauffe viendra de l’immobilier, notamment à Marrakech. »

Les stations balnéaires du plan Azur ne sont pas les seuls projets pharaoniques du royaume. A la porte de la Méditerranée, le gigantesque port de Tanger Med a ouvert partiellement ses portes. A proximité, la zone franche s’étale à grande vitesse : Renault-Nissan a prévu d’y installer une usine d’où devraient sortir 200.000 véhicules dès 2010.

Autre priorité stratégique : l’offshoring. Plus de 22.000 emplois ont déjà été créés dans le domaine des centres d’appels, et des milliers d’autres dans les services financiers, administratifs, ou dans l’industrie de l’information. A Casablanca, la plateforme de Casanearshore commence à accueillir ses premiers locataires. Non loin, un « aéropole » regroupe une cinquantaine de sociétés aéronautiques, dont Safran et EADS. Vivendi, Bouygues, Lafarge : les entreprises françaises jouent gros dans ces multiples développements.

Fracture sociale

Les retombées de ces projets ? Elles ne sont pas les mêmes pour tous. Il suffit d’aller sur la colline d’Anfa, le quartier chic de Casa où se sont ouvertes des boutiques Cartier et Dior, et où subsistent des bidonvilles. « Le Maroc vit à deux vitesses, rappelle Mohammed Madani, politologue à l’Université de Rabat-Agdal. Une classe de nouveaux riches a profité de l’ouverture du pays et du boom immobilier. A l’inverse, la classe moyenne n’arrive plus à se loger et entretient un mécontentement diffus dans la société. » Permettre aux Marocains de s’enrichir en limitant la fracture sociale : le roi doit trouver le juste équilibre, sauf à attiser les braises de l’islamisme. Un exercice plus difficile que le Jet-Ski au large d’Agadir.

Source : Challengers - Pauline Damour et Bertrand Fraysse

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Investissement - Destination - Développement

Ces articles devraient vous intéresser :

Un milliardaire marocain a de grandes ambitions en Afrique

Le milliardaire américain d’origine marocaine Marc Lasry, président directeur général d’Avenue Capital Group, investit depuis une dizaine d’années dans le domaine du sport. Après avoir été copropriétaire de l’équipe de basketball des Milwaukee Bucks de...

Maroc : Trop de centres commerciaux ?

Au Maroc, la multiplication des malls soulève des inquiétudes. Les fermetures de plusieurs franchises enregistrées ces derniers temps amènent à s’interroger sur la viabilité de ce modèle commercial.

Le Maroc, capitale mondiale de la chasse aux météorites

De 1999 à aujourd’hui, le Maroc est devenu la capitale mondiale de la chasse aux météorites. Plusieurs facteurs expliquent ce développement rapide.

Le Maroc facilite encore plus la création d’entreprise

Le gouvernement marocain a franchi un pas important vers la simplification des démarches administratives pour les entrepreneurs. Jeudi 30 mars, le Conseil de gouvernement a approuvé un projet de décret fixant les modalités et les procédures de création...

Immobilier en Espagne : les Marocains parmi les principaux acheteurs

Le marché immobilier espagnol reste un eldorado pour les investisseurs étrangers. Selon les dernières données, ces derniers ont acquis 15 % des logements vendus au cours du dernier trimestre, soit un point de plus qu’il y a dix ans. Parmi eux se...

L’ONCF séduit les investisseurs et prépare l’avenir du rail au Maroc

Le plan d’expansion ferroviaire séduit les investisseurs qui sont prêts à financer les projets marocains. En témoigne la réussite par l’Office national des Chemins de fer (ONCF) d’une levée de fonds.

Le Maroc mise gros sur les investissements des MRE

Le gouvernement met les bouchées doubles pour attirer les investissements des Marocains résidant à l’étranger (MRE). C’est ce qu’a affirmé Karim Zidane, ministre délégué chargé de l’Investissement, lors d’une séance de questions-réponses à la Chambre...

Immobilier au Maroc : attention à la TVA

Une nouvelle circulaire a été adressée aux conservateurs de la propriété foncière au sujet du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) relative aux biens d’investissement.

Bientôt une plateforme pour aider les MRE à investir au Maroc

Karim Zidane, ministre délégué chargé de l’investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques, encourage les Marocains résidant à l’étranger (MRE) à davantage investir au Maroc, soulignant la nécessité pour le royaume...

Investissement privé au Maroc : la banque mondiale sonne l’alarme

L’investissement privé est en chute libre au Maroc. C’est du moins ce que révèle la banque mondiale dans son nouveau rapport de suivi de l’économie marocaine.