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Les sondages d’opinion pullulent sur les sites web des partis politiques. Ce nouveau moyen de tâter le pouls des internautes marocains sur l’actualité n’est pas d’une rigueur à toute épreuve.
Début décembre, le site Internet du PJD faisait son retour sur la Toile, après avoir été piraté plusieurs mois. Sur la page d’accueil, un sondage invitait les internautes à se prononcer sur “les évènements de Ksar El Kébir, en rapport avec la déviance sexuelle”. Les internautes devaient choisir entre trois réponses : “Une question de liberté personnelle qu’il
faut respecter”, “Une maladie qu’il faut soigner” et “Un complot pour détruire les valeurs de la société”. Résultat du “sondage”, quelques jours plus tard : sur les 700 votants qui se sont prêtés au jeu, les trois quarts ont cautionné la “théorie du complot”, alors que 20% ont estimé que l’homosexualité relevait de la maladie.
Des réponses orientées ?
Le sondage sur le Web n’est pas l’apanage du premier parti islamiste du royaume. Le MUR (Mouvement unicité et réforme), antichambre du PJD, s’en est même fait une spécialité. D’autant que la tâche est aisée : “Les logiciels libres de droit offrent des solutions simples qui ne nécessitent pas de développement informatique, d’où les nombreux sondages qui pullulent sur le Net”, affirme cet ingénieur informaticien. Ainsi, depuis quelques années, alislah.org, le site officiel du MUR, propose régulièrement des sondages “à chaque fois que l’actualité l’impose”, nous apprend l’un de ses dirigeants. Un des derniers sondages, en date du mois de novembre, demandait aux internautes de pointer les raisons de “la médiocrité du dernier Festival du film de Tanger”. “C’est l’exemple type de ce qu’il ne faut pas faire en matière de sondage, oppose Brahim Boubkry, directeur au sein d’un institut d’études marketing et de sondages d’opinion. Les questions ne doivent pas être orientées, sans quoi, l’opinion du sondé est biaisée d’emblée”.
De ces subtilités, les internautes feront peu de cas : 85% ont rejeté la responsabilité (de la prétendue “médiocrité du Festival de Tanger”) sur le Centre cinématographique marocain. À la mi-décembre, le MUR, toujours aussi assidu, proposait un sondage se rapportant à l’Aïd El Kébir, actualité oblige. À la question : “Si vous ne disposez pas de suffisamment d’argent pour acheter le mouton, renoncerez-vous à l’acquérir ?”, 73% des internautes ont répondu par l’affirmative. Question : à quoi sert, au final, cette flopée de sondages ? “Il s’agit pour nous de sortir les internautes de passivité”, argumente Mustapha El Khalfi, membre du MUR et nouveau directeur du quotidien Attajdid. “Le plus intéressant, c’est d’interagir avec les visiteurs et de leur permettre de s’exprimer anonymement, mais il est difficile de dégager une quelconque tendance de ces résultats”, reconnaît-il.
Chez le grand frère qu’est le PJD, on ne l’entend pas de cette oreille. Courant septembre, le parti mettait en ligne un sondage demandant l’avis des internautes sur sa participation (alors d’actualité) au (futur) gouvernement. Plus de la moitié des sondés se sont dits y être opposés. Faudrait-il en conclure que ces quelque 2000 internautes sont un panel représentatif de la population marocaine ? “Difficile de trancher”, nuance Lahcen Daoudi, avant de botter en touche : “En fait, ce type de sondages vise à encourager les internautes à visiter plus fréquemment notre site. Et sur 1000 visiteurs, il y en aura forcément qui s’attarderont un peu, et qui finiront par consulter notre programme politique. C’est une manière comme une autre de communiquer”. Mais pour cet autre responsable du PJD, il ne s’agit pas que de décorer la vitrine : “Un sondage auquel n’ont répondu qu’une vingtaine de personnes n’est certes pas représentatif. Mais avec un plus grand échantillon, il est possible de dégager des tendances d’opinion”. Brahim Boubkry, quant à lui, reste dubitatif : “La taille de l’échantillon n’a pas grand-chose avoir avec la pertinence des résultats obtenus. Il faut au préalable choisir sa cible : le citadin de plus de vingt ans, la ménagère en milieu rural… Or, dans le cas des sondages sur Internet, c’est le sondé qui choisit de participer ou pas à tel ou tel sondage”.
Des considérations dont on ne s’embarrasse pas au Parti de l’Istiqlal. La formation de Abbas El Fassi a, à son tour, cédé à la sondomania, puisque début octobre, la version arabophone du site maison proposait un sondage relatif aux attentes des citoyens par rapport à la Loi de Finances 2008. “Certes, cela ne vaut pas un sondage réalisé sur le terrain. Mais les résultats nous permettent de mieux cerner les demandes des citoyens. Nous en tenons compte pour rationaliser notre discours.
Cela sert même lors des réunions avec le comité exécutif”, nous souffle cette source au sein du service de communication du parti… alors que seulement 27 internautes ont jugé utile de répondre au sondage. “Dans un pays où le taux d’équipement des ménages en Internet frôle le zéro, les résultats obtenus sur le Web sont d’autant moins parlants”, affirme Boubkry.
(Gué)guerre des sondages
Parlants ou pas, ces sondages servent parfois à asseoir certains raisonnements, de l’aveu même de ce dirigeant du PJD : “Les sondages nous permettent de vendre certaines décisions au bureau politique”, affirme-t-il. Et de nuancer : “Le hic, c’est que nous sommes nous-mêmes, au PJD, très partagés sur la pertinence de ces sondages. Il est déjà assez difficile de se prononcer sur des résultats électoraux. Alors, sur ceux d’un sondage…”. De plus, on a beau tenter de limiter la “triche”, “en restreignant le nombre de votes par adresse IP par exemple, une personne motivée peut toujours se rendre au cybercafé du coin”, argumente cet informaticien.
Sous d’autres cieux, on préfère plutôt recourir à des instituts spécialisés, les décideurs ayant compris que les sondages sur le Web n’intéressent que ceux qui y participent. Le PPS en a fait l’amère expérience, il y a quelques mois. Le parti proposait aux visiteurs de son site de se prononcer sur l’opportunité d’une participation du PJD au gouvernement. Les premiers votes ont plébiscité le non. Renversement de vapeur quelques jours plus tard. La raison ? “Les islamistes ont eu vent de l’existence de ce sondage et se sont mobilisés en faveur du oui”, croit savoir cette source au PPS. Les troupes d’Ismaïl Alaoui décidèrent de couper court à cette guéguerre, en supprimant le sondage de la discorde de leur site Internet. Aux autres de s’en inspirer maintenant…
Florilège : On sonde comme on peut
Sur Internet, les sondages se suivent mais ne se ressemblent pas. La sondomania s’est même emparée du commun des mortels, avec la floraison de sondages sur des blogs personnels. Sur Larbi.org, un sondage invitait les internautes à se prononcer sur le parti qu’ils choisiront lors des législatives de septembre 2007. Le résultat donnait le PJD largement gagnant, avec plus de 47% des suffrages. Sur un autre site marocain, les questions en rapport avec la politique n’intéressent que peu les internautes : la question “Allez-vous vous inscrire sur les listes électorales ?” n’a drainé qu’une centaine de votes. Alors qu’ils étaient deux fois plus nombreux à répondre à l’interrogation existentielle : “Pendant ce ramadan, qu’allez-vous faire après le ftour”. Etrangement, le sondage qui a attiré le plus d’internautes concerne… le choix de l’épouse parfaite. À la question “La préférez-vous voilée ?”, un peu moins de la moitié des quelque 1000 votants ont répondu oui. Il y a quelques mois, c’était au tour d’un opérateur téléphonique d’y aller de son sondage. Entre deux questions sur les vertus suprêmes de la double recharge, on vous demande “Que pensez-vous de l’amitié fille-garçon”. Allez, le résultat, juste pour le plaisir : 58% pensent que c’est possible !
TelQuel - Youssef Ziraoui
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