Le roi Mohammed VI a adressé samedi, un discours à la nation, à l’occasion du son accession au trône. Le voici dans son intégralité
Aboubakr Jamaï est directeur de la publication du Journal Hebdomadaire (Maroc). L’éditorial de dernière livraison évoque la « réforme » d’un système où l’autorité monarchique est fondée sur la confusion entre les pouvoirs politique et religieux.
Cet hebdomadaire a déjà été interdit de parution en 2000 et son staff dirigeant bat les records de condamnations et d’amendes.
Le Journal Hebdomadaire a lancé, dimanche, un débat sur « l’immuabilité » du régime politique marocain et ses fondements religieux. Qu’est-ce qui a motivé cette « sortie » ?
Ce n’est pas une première. D’autres journaux ont parlé de l’immuabilité dans le pouvoir. Pour ce dernier éditorial, nous avons rebondi sur le changement du ministre des Waqf (affaires religieuses), qui avait tenu dans son poste pendant... 20 ans. C’était très significatif comme événement. Un bon prétexte pour aborder le sujet. Les gens doivent prendre conscience qu’il n’y a rien de magique, d’absolu dans le pouvoir. Que ce n’est qu’une affaire politique. C’est tout.
Les autorités ont retardé la parution de ce numéro quelques heures...
Les autorités ont les moyens de connaître la « Une » des journaux avant leur impression. Chose inadmissible et inacceptable ! La Une du Journal-Hebdomadaire de dimanche portait un grand titre : « Le Roi est Dieu ». Pour les autorités, il fallait bloquer la sortie du journal qui portait un tel titre. La mention de débat autour du principe du « commandeur des croyants » ne pouvait pas les laisser tranquilles. Samedi, la police secrète s’est déplacée chez l’imprimeur et le distributeur. Mais elle s’est rendu compte que l’éditorial n’était ni diffamatoire ni gratuit. Elle a alors lâché prise. Nous restons dans la limite de la loi marocaine, même si toute la presse est unanime à dénoncer la nouvelle loi sur l’information.
A part la « visite » des services secrets, quels ont été les échos après la parution de votre éditorial ?
Au Maroc, la presse prend un certain temps avant de réagir. C’est plutôt les lecteurs qui donnent ce feed-back. Les gens nous appellent de plus en plus depuis avant-hier. Le citoyen est conscient qu’il est libre. La question du pouvoir l’intéresse. Les autorités ne réagiront pas de manière directe ou officielle. Il faut décrypter les messages dans les déclarations et les interviews de hauts responsables. Des messages par allusions. C’est dommage. Je souhaite qu’il y ait débat autour de cette question.
Vous n’êtes pas à votre premier « coup » de force avec le pouvoir marocain. Ne craignez-vous pas des représailles ? Une fragilisation financière par exemple de votre journal ?
L’éditorial est l’identité même du journal. On ne peut la changer. Notre travail est de permettre au citoyen de mieux appréhender son environnement et ses enjeux. Le pouvoir politique est un enjeu important. C’est une priorité. On ne peut pas faire l’impasse sur ce sujet.
Quel regard portez-vous sur l’expérience médiatique en Algérie ? Peut-on comparer cette donne avec la donne marocaine ?
Je me méfie des comparaisons. Le mérite de la presse algérienne est d’avoir créé des espaces de liberté et de les défendre avec acharnement. Au Maroc, nous avons le journal satirique Demain qui se permet des choses vraiment fortes. Par contre, les médias audiovisuels marocains sont une calamité. Il règne en leur sein une telle répression de l’expression ! La presse écrite se porte mieux. Au Maghreb, la tendance va vers le gain de plus d’espaces de liberté. Dommage que cela se fasse sans l’aval des gouvernants.
Par Ad. M.
El Watan du 4 décembre 2002
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