C’est une Marocaine de 43 ans, Najat Aquesbi, qui tient officiellement la responsabilité scientifique du futur musée. Yeux noirs pétillants gracieusement rehaussés par du khôl et cheveux sombres ondulés retenus en arrière lui donnent une allure « à l’européenne ». Elle n’a pas eu besoin de ses nombreux passages à Paris pour porter le pantalon, le tee-shirt et les baskets.
Née à Marrakech, elle passe une licence en biologie-géologie à Casablanca. C’est à Paris qu’elle obtient son DEA de paléontologie et évolution en 1986 et qu’elle soutient une thèse dont le sujet porte sur la paléontologie des dinosaures au Maroc.
Ce choix, elle le doit à Philippe Taquet, du Muséum national d’histoire naturelle, qui lui donne le virus. En 1995, elle devient chef du service du musée du ministère de l’Energie et des Mines à Rabat. C’est encore le paléontologue français qu’elle prévient lorsqu’en 1998 la gendarmerie lui remet un os fossilisé découvert à Tazouda par un habitant de la région d’Ouarzazate. L’examen de cet élément révèle qu’il s’agit d’un dinosaure herbivore (Tazoudasaurus naïmi), un sauropode ancêtre du fameux Atlasaurus (1), lui-même ancêtre des diplodocus, les plus gros dinosaures que la Terre ait jamais portés.
Acharnée au travail ? « Non », répond avec assurance cette jeune femme indépendante qui a su concilier l’activité de mère à de bonnes conditions physiques pour supplanter les hommes dans sa profession. « Mais prête à me battre. Tant pis si j’en gêne certains, parce que je suis une femme. » Sur le terrain, Najat reste professionnelle jusqu’au bout des ongles, qu’elle porte ras et naturels. C’est en effet plus pratique pour manier pioches, pelles et balayettes.
En tant que paléontologue confirmée, elle vient d’être décorée du Wissam Alaoui (l’équivalent de notre Légion d’honneur). Cette distinction, qui lui a été donnée au grade d’officier par le roi du Maroc Mohammed VI, la place dans le tiercé gagnant des femmes décorées de son pays. Un bel exemple de promotion pour les femmes arabes.
Pour préparer sa thèse sur les dinosaures du Haut Atlas du Maroc, Najat est venue au Muséum national d’histoire naturelle. En effet, le Maroc ne dispose pas de suffisamment de documentation étrangère à ce sujet. C’est pourtant à la faculté des sciences de Rabat qu’elle désire soutenir sa thèse. Là-bas, il n’y a pas encore de paléontologue dinosaurien. En attendant, elle a trouvé de nouvelles traces de dinosaures et un gisement prospère et riche en Tazoudasaurus.
Isabelle Brisson - Le Figaro