Mre - Espagne : les clandestins plombent les transferts

15 mars 2006 - 10h22 - Economie - Ecrit par : Bladi.net

Les nouvelles destinations de l’immigration marocaine drainent de plus en plus de transferts. Elles risquent de détrôner les pays d’accueil traditionnels. L’Espagne, par exemple, où s’établit la deuxième communauté marocaine en Europe avec plus de 378.000 personnes, est devenue une source prépondérante de devises.

Les flux se chiffrent à 3,4 milliards de DH (392 millions d’euros), soit 13,65% du total des fonds transférés à partir de l’Europe (31,5 milliards de DH). A première vue, cette somme paraît dérisoire comparée à la taille de la communauté marocaine en Espagne. Mais elle occulte des fonds colossaux transférés par les émigrés clandestins. Pour autant, l’étude de la BEI (Banque européenne d’investissement) prévoit la recrudescence des transferts à partir de la péninsule ibérique, en raison notamment de la croissance rapide de la communauté marocaine. A terme, elle devrait dépasser celle de la France.

« Les Marocains font preuve de beaucoup de générosité et d’altruisme à l’égard de leurs familles restées au pays », constatent les rédacteurs de l’étude, qui consacre une partie entière aux transferts entre les deux pays voisins. En effet, chaque immigré envoie en moyenne entre 1.117 et 1.675 euros par an à sa famille, soit trois fois le salaire moyen mensuel en Espagne. Ce constat ne se limite pas aux premières générations établies en Europe depuis les années 60. Il s’applique également aux jeunes issus de l’immigration, et surtout aux immigrés récemment installés dans les nouvelles destinations (Espagne, Italie...). Les MRE se classent ainsi au deuxième rang en termes de transferts de fonds à partir de l’Europe après les Turcs, première communauté étrangère établie dans le vieux continent.
Les Marocains d’Espagne sont pour la plupart en âge d’activité (entre 25 et 32 ans), mais pour leurs transferts, ils recourent à des circuits informels. Résultats : l’économie marocaine ne profite pas de cette manne. Ainsi, 35% d’entre eux financent leurs familles par courrier ou confient leur argent à des personnes qui rentrent régulièrement au Maroc.

En dehors des circuits informels, les Marocains d’Espagne privilégient les organismes de transfert d’argent (MTO). Ils y voient un moyen rapide et sécurisé en dépit de son coût relativement élevé (entre 2,05 et 2,2% de la somme transférée). Les leaders incontestables de ce créneau sont Western Union et Money Gram, qui bénéficient de réseaux étendus dans les régions des deux royaumes. Ces entreprises partagent avec la Poste 49% de part de marché. Mais la Poste est boudée par la communauté MRE à cause de la lenteur et l’insécurité des transferts. Le coût du service postal se situe entre 1,1 et 6,3% de la somme transférée pour un délai qui atteint jusqu’à 6 jours.

Par ailleurs, la faible bancarisation des immigrés et leur situation généralement irrégulière ne leur permettent pas d’utiliser le circuit bancaire. Seuls 16% des interviewés lors de l’étude ont déclaré y avoir recours. Pourtant, les banques espagnoles offrent la possibilité d’effectuer des virements électroniques ou même téléphoniques. Mais seuls les Latinos-Américains en profitent. Ces services sont facturés entre 1 et 8,8% du transfert. Côté marocain, la Banque Populaire effectue 60% des transferts grâce à un réseau concentré dans les destinations traditionnelles. En Espagne, elle est liée par un partenariat avec la Caixa. Mais le réseau est peu exploité par la communauté marocaine.
Côté emplois, les transferts des MRE sont essentiellement destinés aux dépenses quotidiennes de consommation et au financement des études. La tranche investie est globalement destinée à la construction d’une résidence. Seuls 5% des fonds sont destinés à des investissements créateurs d’emplois et de valeur ajoutée.

Investir oui, mais...

EN matière d’investissement, la culture traditionnelle prime chez les MRE. Après de longues années de labeur, leur principal souci est de construire une habitation ou acheter un terrain agricole au bled. L’étude de la BEI révèle que 84% des dépenses d’investissement des MRE sont affectées à l’immobilier et 7,5% à l’agriculture. Cependant, les nouvelles générations expriment une volonté accrue d’investir dans des secteurs plus porteurs comme le tourisme, l’industrie et le commerce. Plusieurs success stories sont d’ailleurs à mentionner dans ces domaines. Cette communauté exprime même un intérêt pour la bourse ou les hautes technologies. Toutefois, ces jeunes sont encore réticents à investir dans leur pays d’origine. Une étude menée à l’Insea et reprise dans le rapport de la BEI indique que les principaux freins aux investissements des MRE sont d’ordre administratif (42% des interviewés). Les difficultés d’accès aux capitaux sont citées par 18%, la corruption et la fiscalité par 13% d’entre eux.

Nouaïm Sqalli - L’Economiste

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Immigration clandestine - Espagne - Transferts des MRE

Ces articles devraient vous intéresser :

Où va l’argent des Marocains du monde ?

Les transferts des MRE ont atteint des niveaux record ces dernières années, malgré la crise sanitaire du Covid-19 et la conjoncture économique. À fin 2022, ces envois pourraient s’élever à 100 milliards de dirhams, soit une hausse de 13% par rapport à...

Le Maroc veut augmenter la part d’investissements des MRE

Au Maroc, la part d’investissement privé provenant des Marocains du monde reste faible. Seulement 10 % des transferts des MRE y sont consacrés. Un dispositif incitatif se met en place pour mieux mobiliser les investissements de cette communauté.

Transferts de fonds des MRE : un record et une bouffée d’air pour le Maroc

Les Marocains résidant à l’étranger (MRE) contribuent fortement à l’économie marocaine à travers les transferts de fonds qui vont crescendo ces dernières années. Ces flux sont passés de 22,96 milliards de dirhams en 2000 à 93,67 milliards en 2021.

Les Marocains parmi les plus expulsés d’Europe

Quelque 431 000 migrants, dont 31 000 Marocains, ont été expulsés du territoire de l’Union européenne (UE) en 2022, selon un récent rapport d’Eurostat intitulé « Migration et asile en Europe 2023 ».

Transfert des MRE : le Maroc veut maintenir la dynamique

En vue de maintenir le flux des transferts de fonds de la diaspora, Bank Al-Maghrib (BAM), en collaboration avec les pouvoirs publics, a mené des actions pour diversifier les canaux de transmission et réduire les coûts de ces envois.

Des Marocains à la rue : la détresse d’une famille en Espagne

Un couple marocain et ses trois filles mineures âgées de 12, 8 et 5 ans sont arrivés clandestinement à Pampelune en provenance du Maroc il y a un mois, cachés dans une remorque chargée de légumes. Sans ressources ni aide, ils sont à la rue depuis...

Forte augmentation de demandeurs d’asile marocains en Europe

L’Union européenne a enregistré en 2022 un nombre record de demandes d’asile. Parmi les demandeurs, de nombreux Marocains dont le nombre a bondi.

Les Marocains du monde ont transféré 110 milliards de dirhams en 2022 (+16,5%)

Les transferts d’argent effectués par les Marocains résidant à l’étranger (MRE) ont connu une augmentation significative en 2022, selon les données publiées par l’Office des Changes.

MRE et l’OCDE : l’heure de la renégociation fiscale

Le gouvernement marocain affirme vouloir préserver les intérêts des six millions de Marocains résidant à l’étranger (MRE). Il entend engager dans les prochains jours des négociations avec l’OCDE pour revoir les conventions relatives à l’échange des...

Le dilemme des MRE : vendre leurs biens ou se soumettre à l’échange fiscal

Des Marocains résidant à l’étranger (MRE) appellent à la suspension de l’accord multilatéral sur les échanges de renseignement automatiques des comptes financiers.