Motif : lorsque la France a vendu une FREMM au Maroc en octobre dernier, c’est justement La Normandie qui a été attribuée au royaume, afin de ne pas repousser la livraison à une date trop reculée. Le rythme de production du chantier de DCNS à Lorient a été prévu pour 1,7 frégate FREMM par an, pas une de plus... Le futur navire amiral marocain sera baptisé Mohamed 6, du nom de l’actuel souverain du royaume chérifien.
Mais à ce jour, un certain nombre de problèmes n’ont pas encore été réglés. Le premier est d’ordre financier. Si le contrat de 470 millions d’euros est bel et bien signé entre la France et le Maroc, les premiers sous ne sont pas encore entrés dans les caisses de DCNS. "Il n’y a rien d’étonnant à cela", dit-on tant chez l’industriel qu’au gouvernement : ces affaires prennent du temps, il n’y a rien d’inquiétant. En fait, les Marocains finaliseraient actuellement un crédit, pour lequel plusieurs banques et établissements financiers seraient encore en phase de négociation. C’est dans le cadre de cet emprunt que la banque retenue fera appel à la France pour qu’elle apporte sa caution financière, la Coface garantissant que les traites seront honorées. Or, pour cela, il faut un accord que Bercy rechigne un peu à donner.
Un manque de techniciens d’excellence
Selon une source bien informée, "si Bercy traînait trop les pieds, par exemple si la Coface estimait que le Maroc a dépassé les seuils d’endetement acceptables vis-à-vis de la France, des instructions politiques seraient données au Trésor pour passer outre ces réticences". Le second problème est plus surprenant. Quand un pays vend un navire de guerre, il vend également la formation de l’équipage qui le fera fonctionner. Depuis des années, la France s’est dotée d’un outil paraétatique chargé de cette fonction quand il s’agit de matériel naval, NAFVCO. Or, la marine marocaine exige que NAFVCO soit mise hors circuit, et que la formation soit assurée par la marine nationale française, gratuitement de surcroît. Sachant que la formation d’un équipage coûte de 30 à 50 millions d’euros, c’est un gros cadeau que le Maroc exige du contribuable français. À la marine nationale, on se veut compréhensif : "Nous sommes prêts à cet effort, si tel est le prix de l’attachement de la marine marocaine à la France !" Là, encore, l’avis de Bercy sera déterminant.
Enfin, dernière difficulté que les Français n’admettent que du bout des lèvres : il semble que la marine marocaine aura le plus grand mal à trouver des techniciens, officiers comme sous-officiers, pour faire fonctionner ce navire d’une extrême complexité. Les Français, eux-mêmes, ne savent pas comment ils vont pouvoir former des techniciens d’excellence à la conduite d’une machine aussi perfectionnée, et envisagent de faire concevoir des logiciels spécialisés dans l’apprentissage des systèmes de conduite et de combat des FREMM. Or, au Maroc, lancé dans la course au développement, tous les secteurs réclament des techniciens de haut niveau, que les entreprises ont déjà du mal à trouver... Renault-Nissan, qui investit un milliard d’euros dans la région de Tanger, est précisément confrontée à ce problème.
Source : Le Point - Jean Guisnel