Au Maroc, certains présidents de commune, candidats à leur succession à l’occasion de la session d’octobre, sont accusés d’avoir commencé à acheter les voix de certains élus pour garantir leur réélection.
Premières élections communales sous le règne de Muhammad VI dans un contexte de violence islamiste et de dégradation sociale.
Une année, jour pour jour, après les élections législatives caractérisées par une percée des islamistes du PJD (Parti de la justice et du développement), le Maroc se prépare pour les élections communales, dont le coup d’envoi a été donné le 27 août, qui auront lieu le 12 septembre. Ce scrutin communal se déroule dans un tout autre contexte depuis que le Maroc a été frappé de plein fouet par les attentats islamistes de Casablanca. Le raz-de-marée islamiste annoncé n’aura pas lieu. En effet, le PJD, donné largement favori, a dû réviser en baisse ses ambitions. Il ne sera présent que dans les grandes villes et le nombre de ses candidats ne représente que le tiers de celui de l’USFP (socialiste) ou du parti Istiqlal (islamo-nationaliste). En effet, dans un climat de répression contre les islamistes radicaux - plus d’un millier d’arrestations et de procès contre les auteurs présumés des attentats - le PJD, qui focalise les attaques d’une partie de la presse et de la quasi-totalité des partis politiques - l’USFP a exigé publiquement son interdiction -, fait profil bas. D’autant que lors du discours du trône prononcé le 29 juillet, le roi Muhammad VI a dressé un réquisitoire en règle contre les islamistes et annoncé une prochaine loi " interdisant la constitution de partis ou de formations sur des bases religieuses, ethniques, linguistiques ou régionalistes ". Depuis lors, bien que les islamistes dits modérés du PJD aient condamné les attentats terroristes et exprimé leur attachement à la monarchie, ils sont dans le collimateur du pouvoir.
Quoi qu’il en soit, la campagne électorale, qui en est à son septième jour, se déroule dans une indifférence générale de la population. " Sur les écrans de la télévision marocaine, les représentants des partis se succèdent sans que personne ne leur prête attention ", assure un journaliste. Le quotidien le Matin du Sahara, proche du Palais, parle de " perte de confiance des citoyens dans les partis ". Malgré un effort certain pour se distinguer, les socialistes de l’USFP, à travers leurs deux quotidiens - Libération (francophone) et Itihad Ichtiraqui (arabophone) - et la mobilisation de tout l’appareil du parti, essaient de réveiller l’électeur de base. Cela suffira-t-il ? On peut en douter car le scrutin législatif de septembre 2002 a déjà été marqué par une abstention record, avec un taux de participation à peine supérieur à 50 %.
La GSU (Gauche socialiste unifiée), regroupement d’anciennes formations de l’extrême gauche marocaine, dont faisait partie Abraham Serfaty, ne présente que 3 004 candidats, soit à peine un peu plus de 2 % du total des candidatures. Ce mouvement, qui milite pour une monarchie parlementaire sur le modèle espagnol, est bien le seul à proposer une réelle alternative.
La désaffection des Marocains est donc bien réelle. L’espoir soulevé par " l’alternance " - alliance du trône et de la gauche socialiste - qui a gouverné le Maroc de 1997 à 2002, ne s’est pas traduit par l’amélioration des conditions d’existence de la majorité des Marocains. La paupérisation a gagné du terrain - le fossé entre riches et pauvres n’a cessé de s’accroître - le chômage dans les grandes villes touche près de 30 % de la population. Dans une ville comme Casablanca qui compte plus de six millions d’habitants, près de la moitié de la population habite dans les quartiers insalubres et les bidonvilles. Mêmes images dans les autres villes marocaines. L’absence de perspectives, l’échec social pour les diplômés issus des milieux pauvres - a rendu une grande partie de la jeunesse marocaine perméable aux sirènes islamistes. " Des socialistes aux nationalistes, écrit Ali El Safari, journaliste marocain dans le Monde diplomatique du mois de juillet, de la gauche à la droite, tous les partis politiques " laïques " sont rejetés par les Marocains, tandis que le palais, avec ses fastes et son opacité, n’a jamais paru aussi lointain. Le " roi des pauvres ", la " génération Internet " (pour qualifier les jeunes conseillers du monarque) : autant de slogans creux sortis de l’imaginaire de publicitaires et qui, dans le Maroc d’aujourd’hui, ne provoquent plus que haussements d’épaules et sourires entendus ". Qui plus est, les mesures de limitation de la liberté de la presse - condamnation du journaliste Ali Lamrabet à trois ans de prison, filatures et convocations de plusieurs autres journalistes par les services marocains - n’ont fait qu’accroître le ressentiment des Marocains à l’endroit de partis politiques qui, dans leur écrasante majorité, n’ont pas condamné cette répression annonciatrice d’un retour de l’autoritarisme des années soixante-dix et quatre-vingt. De plus, le rapprochement entre le Maroc et Israël, suite à la visite du ministre des Affaires étrangères israélien, Silvan Shalom, à Rabat, lundi et mardi passés, alors que les Palestiniens font face à une sévère répression, a mécontenté nombre de Marocains. Et ce malaise risque d’accroître encore les risques d’abstention massive.
Hassane Zerrouky pour http://www.humanite.presse.fr
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