Au Maroc, le nombre de femmes célibataires ne cesse d’accroître, avec pour conséquence la chute du taux de natalité. Quelles en sont les causes ?
Beaucoup de débats autour de la Moudawana et de son application. Avec la même conclusion : il faut réviser la loi. Des rencontres, séminaires et forums tenus sur les droits des femmes permettent de dresser un état des lieux de la situation tout en dégageant un certain nombre de recommandations pour combler le vide. Concernant d’abord le mariage des mineures qui intervient suite à des abus sexuels ou autres motifs, le code de la famille ne précise pas l’âge minimum mais laisse une large place au pouvoir du juge.
Ainsi, le taux d’acceptation des demandes de mariage de mineures avoisine les 90% en 2006 d’après le bilan du ministère de la Justice sur les questions de la famille. Certaines régions enregistrent cependant un net recul du phénomène. Il est de moins 12,65% à Ouarzazate et de 37,5% à Marrakech. Selon Zahra Azirae, coordinatrice du réseau de la Ligue démocratique des droits des femmes, LDDF-Injad, bien qu’en baisse, ce taux s’inscrit en contradiction avec l’esprit du code qui n’a conçu un tel recours qu’en termes d’exception. « L’exception devient ainsi la règle », dit-elle.
Au point que des tribunaux, notamment à Marrakech et Béni Mellal, ont, par jurisprudence interposée, fixé l’âge entre 16 et 16 ans et demi. Car certains juges se basent encore sur un diagnostic physique et non sur celui du médecin. Par ailleurs, les conditions dans lesquelles se déroulent les enquêtes ne permettent pas à la mineure d’exprimer clairement sa volonté. Plus encore, les bases considérées par les magistrats, hormis les traditions et la capacité physique, concernent aussi l’existence de liens de parenté entre les fiancés.
Dans la sphère familiale, la femme n’est donc pas encore libre de sa destinée. Mais le problème majeur se pose pour les cas d’abus sexuels. « Est-ce normal qu’une mineure abusée sexuellement soit contrainte d’épouser son violeur pour « régler le problème » plutôt que de le traduire en justice ? » s’indigne une militante des droits des femmes. « Il faudra également poursuivre les fraudeurs pour polygamie dans le mariage avec une mineure ». Cependant, la polygamie paraît s’inscrire en retrait. Sa part dans les mariages se stabilise, selon le ministère de la Justice, autour de 0,3% et s’affiche en baisse de 3,57% entre 2005 et 2006. Mais, bon nombre de cas ne fondent leur décision de se remarier que sur leur capacité financière en négligeant les autres éléments.
Par ailleurs, le partage des biens en cas de divorce ou de décès est sujet à discussion. La plupart des femmes ne demandent pas le droit du partage des biens car elle ne sont pas informées. Même la sensibilisation autour de cette question est quasiment absente, ainsi que l’implication des adouls. « Pourtant, l’article 49 est en soi une révolution quant à ses implications économiques puisqu’il reconnaît le travail au foyer en tant que composante des fonds de la famille », explique Azirae. Mais il est incomplet puisqu’il ne définit pas les critères pour évaluer le travail domestique et l’éducation des enfants.
D’où la difficulté d’estimer la compensation financière. Quant aux pensions alimentaires, les plaintes liées à la question arrivent au premier rang : lenteur du jugement dû au grand nombre de plaintes, non-réception par le mari de la notification de présence, difficulté de la procédure surtout dans les campagnes, montants dérisoires… Par ailleurs, certains maris demandent l’application de la réintégration du domicile conjugal sans que les juges ne s’assurent que ce peut être un moyen pour le mari de ne pas payer la pension.
Ou ils préfèrent aller en prison plutôt que de l’octroyer. « Ce qu’on recommande, c’est d’endosser la responsabilité au parquet général pour faire venir celui qui évite les séances de décision », réclame Azirae. Mais aussi que la pension doit continuer à être versée même dans le cas où l’épouse refuse de réintégrer le domicile conjugal.
Enfin, et non des moindres, la filiation paternelle en dehors de l’institution du mariage est difficile à attester. A cause d’une part, du coût élevé de l’expertise ADN (3.000 DH), et d’autre part, de l’incapacité d’attester dans le cas du refus du père de s’y conformer. Même si ce refus est en principe considéré comme preuve confirmant la filiation. Autant d’aberrations sur lesquelles il serait grand temps de se pencher. Et la liste est encore bien longue.
L’Economiste - Jihane Kabbaj
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