Suite à la directive de Bank Al-Maghrib (BAM) publiée le 25 septembre 2024, qui plafonne désormais le taux d’interchange domestique à 0,65%, le Centre monétique interbancaire (CMI) a été contraint de s’aligner.
Chaque enquête sur la pauvreté apporte son lot de surprises. La dernière en date nous révèle une réduction de l’effectif des pauvres. Bonne nouvelle. Cette observation ne va pas manquer de soulever les mêmes questions qui ont accompagné le constat de la recrudescence de la pauvreté lors de la précédente enquête.
Les critères de définition de la pauvreté sont-ils pertinents ? Le contexte de la bonne ou de la mauvaise conjoncture agricole ne biaise-t-il pas les résultats ? Les sources statistiques sont-elles fiables ? On peut comprendre la logique de ces interrogations. Mais, aujourd’hui, le débat sur le phénomène de la pauvreté doit porter moins sur les méthodes de sa mesure que sur l’évaluation des politiques de lutte contre la pauvreté. Plutôt que de compter, il faudrait s’efforcer de comprendre la permanence de ce fléau. Pour mieux agir.
Le Maroc dispose de bases de données d’enquêtes assez longues, lui permettant de procéder à des analyses poussées de la pauvreté. Le suivi de la pauvreté demandait que l’appréciation des caractéristiques de cet état de dénuetion le soit au niveau territorial le plus pertinent. Désormais, cette carte existe jusqu’au niveau des communes. La cartographie de la pauvreté joue un rôle essentiel dans des interventions ciblées, depuis les programmes ruraux anti-pauvreté jusqu’à l’implantation de services publics. Cet outil peut aussi assister les acteurs concernés pour la formulation et la mise en œuvre de stratégies de réduction de la pauvreté. Il peut enfin servir à suivre le changement, à réorienter géographiquement des interventions "anciennes/traditionnelles" ou aider à concevoir de nouvelles interventions plus efficaces.
Sur cet apport devraient venir se greffer des études qualitatives. L’équation simple qui supposait que la croissance économique conduisait mécaniquement à une réduction de la pauvreté n’est plus de mise. Pas plus que celle de l’injection de ressources publiques sans ciblage précis. La pauvreté est un phénomène infiniment plus complexe que ne veulent bien le faire croire les données les plus incontestées. Etre pauvre, ce n’est pas seulement, comme on le dit sottement, avoir un revenu monétaire inférieur à un certain seuil, c’est vivre dans la non-satisfaction des besoins socialement nécessaires, c’est ne disposer que de faibles moyens de défense ou de pression, c’est faire chaque jour l’expérience de l’indifférence ou du mépris des autres. Les aspects multidimensionnels de la pauvreté sont maintenant largement reconnus, grâce notamment aux travaux d’Amaryta Sen, prix Nobel d’économie en 1998. On peut distinguer cinq dimensions de la pauvreté. L’économique, qui se décompose elle-même entre la pauvreté monétaire, qui traduit une insuffisance du revenu, et la pauvreté des conditions de vie qui traduit des manques dans des besoins fondamentaux. La sociale qui se traduit par l’exclusion, la rupture du lien social. La dimension culturelle qui se traduit par une non-reconnaissance des identités. La politique liée à l’absence de démocratie ou de participation aux décisions. La dimension éthique, qui se traduit par une non-reconnaissance des droits de la personne, la violence et la corruption.
Pour chacune de ces dimensions, un individu ou un groupe va être confronté à deux problèmes : tout d’abord, à la difficulté d’accès à un certain nombre de biens, de services, d’informations ou à la participation aux décisions. On parle alors de pauvreté d’accessibilité. Ensuite, les individus peuvent pâtir d’un déficit d’accumulation dans les domaines de la santé, de l’éducation, des biens matériels ou des relations sociales. On parle ici de pauvreté des potentialités. En somme, la pauvreté doit être appréhendée comme une privation des capacités élémentaires, et non comme une simple faiblesse des revenus. La véritable problématique de la pauvreté doit donc être reformulée sur un autre terrain : elle nécessite que l’on prenne en considération le réseau d’interdépendance qui associe les libertés politiques à la définition des besoins économiques et à leur satisfaction. La carte de la pauvreté aidera-t-elle à mesurer ces multiples visages de la pauvreté ?.
Source :lobservateur.ma
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