Trois députés marocains viennent d’être déférés devant la justice pour corruption. Déjà une vingtaine de parlementaires sont poursuivis en justice pour des faits de corruption et dilapidation des deniers publics.
Les isoloirs démontés et les urnes rangées, la campagne électorale vient de nous laisser son lot de tripatouilleurs, de “ tract…eurs ”, de rabatteurs, de détourneurs de voix, de distributeurs d’argent sale…
Certes, cette fois, le nouveau concept de l’autorité a fait quelques pas dans la réalité. Même si des observateurs se sont étonnés de ne pas voir le ministre de la Justice donner aussitôt suite aux cas de flagrant délit d’infraction au code électoral. En peine campagne, quelques remises à l’ordre auraient beaucoup dissuadé.
C’est ainsi que, bien avant la campagne officielle, certaines autorités ferment les yeux sur les détournements d’ouvriers syndicaux vers le soutien d’un candidat annoncé, sur les premiers péages pour s’assurer l’ouverture de certains quartiers par des membres de conseils communaux décidés à monnayer “ leurs ” circonscriptions. Sur les recrutements de “ rabatteurs ” dans les quartiers populaires et dans les bidonvilles, véritables fonds de commerce des acheteurs de voix.
Après la “ correction ” de certains agents de l’autorité publique atteignant pour la première fois le grade de gouverneur, les tentatives “ d’orientation ” des précédentes élections viennent surtout du côté des candidats et leur entourage.
Jugez-en !
Scène un : beaucoup de candidats-présidents de Conseils communaux se sont largement servis des moyens du bord. Notamment l’exploitation à ciel ouvert de plusieurs agents, voire des chefs de services de proximité, auxquels ils ont offert un congé suffisamment opportun pour coïncider avec toute la période de campagne électorale.
Scène deux : après l’abandon de l’ancien système électoral qui favorise le contrôle du vote au comptage des bulletins de couleurs des concurrents, pour vérifier le résultat de l’argent avancé pour l’achat des voix, certains candidats n’ont pas hésité à user du sermon en faisant poser sur le Coran la main des électeurs “ acquis ” à leur cause. Faisant ainsi entrer “ l’islam politique ” par ses voix (avec un x) pénétrables !
Scène trois : parmi les “ techniques utilisées, on a aussi noté le recours de certains candidats à l’achat de cartes d’électeurs sympathisants de leurs concurrents, pour neutraliser tout risque de vote dans la direction opposée.
Au risque de gonfler le rang des abstentionnistes qui, le cas échéant, prouvent qu’ils ne sont pas tous aussi désintéressés qu’ils en ont l’air.
Scène quatre : des candidats plus proches des milieux professionnels ont largement promis de monnayer leur appartenance aux commissions de recensement fiscal pour faire obtenir quelques abattements aux électeurs consentants. Quand d’autres se sont servis de leur appartenance à une Chambre professionnelle pour promettre de meilleures dispositions d’un organisme bancaire dans l’octroi des prochaines crédits.
Dans l’activité artisanale, beaucoup de produits viennent de la contrefaçon. Le mal atteint certaines activités industrielles. Des lois, des contrôles et des sanctions arrivent parfois à limiter les dégâts. Ce n’est pas le cas de l’offre politique. Quand l’offre politicienne propose des partis dont personne ne connaît le véritable profil, ni leurs capacités à s’installer, sans “ contrefaçon ”, dans la prétention de représenter les citoyens.
Si, votant davantage pour un bateau, une gazelle, un lion ou un sabre, le consommateur-électeur n’est pas suffisamment connaisseur du produit, ce n’est pas une raison pour lui refiler des candidats frelatés, à grands défauts de “ fabrication ”, tant par le niveau des compétences que moralité.
On a tellement parlé de la guerre des têtes de liste dans certaines circonscriptions stratégiques, qu’on est passé à côté de la médiocrité du choix des candidats dans beaucoup d’autres. Un peu comme si, sur le partage “Maroc utile- Maroc inutile", on a calqué celui de l’élu utile- l’élu inutile !
Ainsi, certains coordinateurs locaux ont été réduits au rôle de “ rabatteurs ” lancés à la recherche de n’importe quel candidat à n’importe quelle circonscription, parfois à quelques heures seulement de l’expiration du délai de dépôt des candidatures.
Des accréditations ont été distribuées dans des patelins sacrifiés au seul gonflement statistique avec une telle légèreté et une telle rapidité qu’elles n’ont pu éviter la comparaison entre la facilité de briguer la représentation de la nation et les difficultés que doivent surmonter les candidats à l’obtention d’un visa. Il est aujourd’hui plus aisé d’obtenir le droit de fouler le sol européen ou américain que celui de légiférer pour le quotidien des Marocains !
“La démocratie, avait dit un président brésilien, c’est l’art de faire ses valises ! ” Pour beaucoup des nôtres, une démocratie à vendre ne peut être qu’un moyen de les remplir. Sur tatamis, un sportif des arts martiaux peut perdre pour passivité. Combien de nos partis, à en juger par leurs faibles performances d’encadrement lors de la précédente campagne électorale, perdraient tout droit à la représentativité pour … manque d’assiduité ?. Trop peu ! Sans commune mesure avec la montée inflationniste des 26 participants.
Pour fonder une démocratie représentative, il faut que les intérêts économiques et sociaux soient représentables par des organes présentables.
Le rendez-vous du 27 septembre, par le niveau des partants et des nombreux arrivés prouve que beaucoup reste à faire.
Hormis une prise de conscience somme toute salutaire et des gestes hautement solidaires, la lutte contre la pauvreté, contre toutes les pauvretés, devra constituer le credo quotidien des choix politiques à même de favoriser les initiatives économiques. Pour que, au bout du compte, s’en ressentent de profondes améliorations sociales. Dans le cas contraire, à coup de traitement caritatifs des symptômes, “ la charité, écrit Abdekbir Khatibi, qui est un bienfait se paie cher et ne produit, hélas, que l’appel redoublé, multiplié à la charité. C’est à la fois un bienfait et un piège ”. On vient de le voir dans plusieurs agglomérations “ populaires ” ou bidonvilloises, où des mains se sont tendues plus vite pour prendre un billet que pour lire un tract.
On ne peut parler d’honneur, de dignité ou de patriotisme, à quelqu’un dont le ventre est vide ”, disait un chef de guerre. A condition d’éviter de donner juste pour s’acquitter de sa culpabilité ou pour avoir sa tranquillité, reportant des problèmes pour moins les affronter. Il s’agit avant tout “ d’ancrer l’action de solidarité en tant que comportement et en tant que culture ”.
A condition que les politiciens cessent de faire ressembler le social à … la confiture, généreusement étalée sur le pain rassis des discours.
Moins pour servir à améliorer le quotidien des populations que pour se servir de leurs besoins, s’assurant un électorat réduit à tendre la main avant de faire entendre sa voix. Il fut un temps où, sous d’autres cieux ? Seuls les riches avaient droit aux votes. Chez nous, encore une fois, les riches ont eu droit aux votants.
Entre les deux, autorité administrative et dirigeants des partis, c’est le citoyen qui constitue le plus important chaînon manquant. Les partis y sont pour beaucoup. Certains de leurs adhérents circonstanciels confondent l’immunité politique avec leur impunité économique et commerciale. Quand ils donnent beaucoup d’argent pour se faire élire c’est parce que, une fois élus, une campagne facile, même chère, peut leur rapporter gros.
Le départ de Driss Basri fit couler du thé et beaucoup d’encre.
Remettant la pendule à l’heure de vérité, Khalid Jamaï nous demande dans une interview à un hebdomadaire arabophone de “ réfléchir en toute logique :si tout le monde rend Driss responsable de tout ce qui s’est passé en 20 ou 30 ans dans ce pays, cela signifie qu’il en était le roi et que Hassan II n’avait aucune autorité. La réalité atteste du contraire… Nous devons avoir le courage de juger la manière dont s’exerçait le pouvoir ”.
A condition que soit jugée la manière dont les partis exerçaient leur pourvoir… de tantôt s’opposer, tantôt participer. Alors que certains d’entre eux n’hésitaient pas à faire un va et vient permanent entre les deux états d’âme. Fustigeant les quotas après en avoir bénéficié et remettant en cause des partis de “ l’administration ” pour aussitôt gouverner avec eux.
A la veille du rendez-vous électoral du 27 septembre 2002, la presse privée ou partisane, dans l’opposition ou la majorité, la classe politique et la société civile mettaient en garde contre “ les ennemis irréductibles de la démocratie ”. Certains redoutaient même le retour de la mainmise du “ parti clandestin ”. Ils n’avaient pas tort. Sauf que cette fois le nouveau parti clandestin recrute dans l’analphabétisme, l’ignorance et la pauvreté.
Beaucoup d’électeurs, faute d’encadrement des partis, sont allés voter en toute méconnaissance de cause.
Par : Abderrahim El Badaoui pour le reporter
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