Une délégation du parti Les Républicains, menée par Éric Ciotti, a annoncé sa visite au Maroc du 3 au 5 mai prochains dans le but de poursuivre « une relation de fraternité et de responsabilité » avec le royaume.
Les responsables locaux du parti chiraquien n’ont pas tenu les promesses de Chirac. Placés en position inéligible, plusieurs Français d’origine maghrébine ont démissionné avec fracas
« Ils ont trahi Chirac », disent-ils pour se consoler. Ainsi soupirent les recalés de l’UMP, ces mal-aimés aux noms ostentatoires : les beurs auxquels le parti du président n’a pas fait de place. « Ils ont trahi Chirac. » Ils ? Les notables locaux de l’UMP, qui ont opposé leur poids et leurs habitudes à l’entrée de Franco-Maghrébins dans les assemblées régionales, rendant dérisoires les engagements publics du président, comme les commentaires médiatiques répétés depuis 2002 sur l’histoire d’amour entre la droite et les Français d’origine maghrébine. Aujourd’hui, les cris d’enthousiasme des jeunes beurs qui fêtaient Chirac le 5 mai 2002 sont étouffés par la tristesse et les démissions.
« Je n’ai aucun doute sur l’engagement réel du président, de Raffarin, de Juppé, ou de Sarkozy, affirme pourtant Amar Dib, sociologue lyonnais et membre du Conseil économique et social. Mais quand les petits potentats locaux composent les listes, ils casent le copain, la copine, l’affidé. Sans compter la peur de déplaire à l’électorat frontiste ou, ici, aux amis de Millon. » Dib, soutien de Chirac en 2002, proche de Jean-Louis Borloo, poussé par Paris, s’est vu fermer la porte par l’appareil rhodanien de l’UMP. Il ne cache pas son écœurement : « L’union pour un mouvement populaire devient l’union pour un mouvement populiste... » Qui accueille plus facilement un ancien lepéno-mégrétiste, devenu figure de la droite à Saint-Priest, dans la banlieue de Lyon, qu’un intellectuel français d’origine maghrébine.
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Le constat est cruel. La droite profonde n’a pas intégré l’évidence d’une France pluriethnique ou l’exigence d’égalité. Même le député Eric Raoult, défenseur, quand il était ministre de la Ville, de la discrimination positive, a chargé les militants beurs mécontents : « On ne fait pas de listes franco-maghrébines », a-t-il lancé, les renvoyant à leur supposé communautarisme. « La droite n’a pas changé, ironise Kader Arif, secrétaire national du PS. Elle n’a pas envie de faire avancer des Français d’origine maghrébine, c’est aussi simple que ça. »
Arif, dans le temps, évoquait devant ses camarades socialistes son malaise d’être le seul « Arabe » de la direction du parti. Aujourd’hui, il va mieux. Premier fédéral de Haute-Garonne, élu directement par ses militants, futur député européen, responsable, au PS, de l’altermondialisation, il ne doute plus de sa légitimité. Malek Boutih, star politique et médiatique, représente le PS dans les débats télévisés. La fabiusienne Bariza Khiari sera sénatrice à Paris. Dans les Bouches-du-Rhône, une jeune femme de 35 ans, militante depuis vingt ans, Samia Ghali, s’impose comme une évidence. Conseillère municipale, spécialiste de l’éducation, elle va entrer au conseil régional et ses amis rêvent pour elle d’une candidature législative dans les quartiers Nord. « Je n’ai jamais voulu jouer la carte communautaire, affirme-t-elle, ni entrer dans le jeu d’autres politiques beurs, qui voulaient monter des réseaux, travailler ensemble pour la construction d’une mosquée, agir en lobby... » Ghali et les autres ne prouvent pas que la gauche a retenu toutes les leçons du passé. Mais au total, le PS semble avoir appris la réalité. « En face, il n’y a pas de volonté. Et Tokia Saïfi ne pèse rien », ajoute Arif.
Pauvre Tokia ! La secrétaire d’Etat au Développement durable est la grande victime de la séquence. Saïfi théorisait l’assassinat du mouvement beur de 1983 par le PS, elle proclamait inéluctable la rencontre de la droite et des Franco-Maghrébins. Aujourd’hui, la trahison de l’UMP lui retombe dessus. « Tokia est casée, mais les autres sont plantés », médisent ceux que son ascension a agacés. Quel gâchis ! A peine devenue ministre, Saïfi s’est vue rattrapée par ses origines, considérée comme un symbole sans autre légitimité qu’ethnique. Qualifiée un jour de « ministre musulmane » par Laurent Fabius, Saïfi pensait que son propre camp, au moins, la considérait. Mais cette valorisation était un piège. Célébrant les vingt ans de la marche des beurs, Jean-Pierre Raffarin lui confiait ostensiblement la mission de trouver des Franco-Maghrébins pour les régionales. A l’arrivée, sa liste n’a même pas été retenue. Humiliée, Saïfi a fustigé son parti, a enfourché l’idée piégée des quotas de beurs, s’est rétractée, et depuis se tait. [... >
Nouvel Observateur
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