Et au Rassemblement national des indépendants, on savoure tranquillement, mais non sans un bonheur manifeste, la confirmation du RNI, ce parti qui a le vent en poupe. « Nous étions toujours convaincus que notre parti pouvait représenter une alternative, une sorte de troisième voie. Le 25 juillet, nous le prouvions une fois de plus », avance un membre fondateur du RNI.
Selon toute évidence, les partis de Abbès Al Fassi et de Ahmed Osman sont les grands gagnants de ces élections qui, il faut le dire, n’ont pas, par leur caractère à la fois technique, indirect et professionnel, suscité l’engouement de l’opinion publique, plutôt la tête en vacances et les pieds dans l’eau. Ainsi, l’Istiqlal remporte 317 sièges, toutes chambres confondues, talonné de très près par le Rassemblement national des indépendants, aujourd’hui fort de 288 sièges répartis dans les quatre professionnelles. A regarder de plus près la répartition des sièges entre ces deux partis qui peuvent facilement être catalogués – et à raison – de réceptacle de la petite bourgeoisie et d’une presque classe moyenne émergente en terre marocaine, quelques différences peuvent retenir l’attention des observateurs et férus d’analyses socio-politiques.
Ceux qui pensaient par exemple que l’Istiqlal était une formation politique citadine et urbaine en ont pour leurs frais. Avec les 100 sièges remportés à la Chambre d’agriculture, occupant ainsi la première marche du podium, faisant mieux que la galaxie « haraka », les istiqlaliens démontrent leur implantation dans le secteur primaire. Le Mouvement populaire confirme une réputation qui n’est pas volée, mais à une seconde place, avec ses 93 élus aux Chambres de l’agriculture. Du côté des Chambres de commerce, d’industrie et des services, c’est le RNI qui joue les premiers rôles. 135 de ses candidats y seront en effet élus alors que l’Istiqlal y sera représenté par 119 élus.
Les SAP, troisième parti au Maroc
Et si les Sans appartenance politique (SAP) constituent, à l’occasion de ces consultations électorales professionnelles, le troisième parti du pays (275 sièges), ils se taillent toutefois la part du lion au sein des Chambres du commerce, de l’industrie et des services. 141 SAP y siègent désormais. « Les Chambres de commerce, de l’industrie et des services regroupent les commerçants, les petits patrons, la petite bourgeoisie, tous ceux qui à petite, moyenne ou grande échelle créent de la richesse. Il faut ici constater et se demander pourquoi les partis politiques ne séduisent pas cette catégorie de la population qui préfère aller aux élections sans l’étiquette partisane.
A moins de considérer que l’économique à travers les professionnelles et, donc, les chambres, ne sont pas une affaire de politique », tente d’analyser un jeune patron. L’écart est encore plus révélateur et parlant au niveau des Chambres des pêches maritimes. Les SAP y sont aux premières loges avec 59 sièges, loin devant l’USFP (12 sièges), le RNI (9 sièges), l’Istiqlal (8 sièges). « C’est une corporation qui va au scrutin pour défendre ses intérêts. Il ne faut pas s’y tromper. C’est cela aussi la démocratie », soupire un politique.
L’USFP, au coude-à-coude avec l’Istiqlal lors des législatives du 27 septembre dernier, est aujourd’hui en quatrième position –après le PI, le RNI et les SAP- sur le tableau du scrutin professionnel. Plus présent dans les Chambres de commerce et d’industrie (84 sièges), le parti aux destinées duquel préside l’ex-Premier ministre, Abderrahmane Youssoufi, a fait du 10,50% et arraché au total 227 sièges. Les usfpéistes n’en sont pas pour autant prêts à broyer du noir. L’heure est plus à l’analyse et à l’interprétation des résultats. « L’USFP confirme son identité de parti socialiste qu’il a toujours été. Traditionnellement, comme partout ailleurs, ce sont plus les partis dits de droite qui remportent de telles élections », indique un usfpéiste pur et dur, même s’il n’est pas prompt à revendiquer clairement une recomposition du champ politique avec un Istiqlal assumant son identité « à droite », plus proche du RNI que la Koutla.
Faut-il voir dans les résultats des élections professionnelles un indicateur de la tendance qui se dessinera aux communales le 12 septembre prochain ? Pas vraiment. Même si des enseignements peuvent d’ores et déjà être tirés, il est difficile de conclure à un renversement de majorité, à moins d’une grosse, très grosse et mauvaise surprise. La mobilisation n’a pas été réellement le maître mot de ces consultations tandis que la couleur de l’argent a occulté celle des bulletins de vote. « Les élections communales seront éminemment déterminantes pour l’avenir de ce pays. Ce ne sera pas un simple scrutin local, et il s’agira plus d’un test pour la majorité. Le 12 septembre prochain, les Marocains se prononceront sur un modèle de société. Et c’est bien cela que les partis politiques ne doivent pas perdre de vue », conclut un haut responsable.
Lematin.ma