
Le Maroc est en passe de surmonter la crise oléicole. Après années de sécheresse, la filière oléicole se remet doucement en ordre de marche, mais il y a à craindre d’autres risques et aléas.
Les Espagnols se ruent sur la production d’olives marocaine. Conjuguée à l’absence d’investissement dans le secteur, cette ruée crée une rareté sans précédent sur le marché marocain.
D’un produit de grande consommation, l’huile d’olive est en passe de devenir un produit de luxe, inaccessible aux consommateurs moyens. En effet, depuis le mois de novembre 2005, son prix a littéralement explosé : aujourd’hui, il est de 45 dirhams le litre pour les marques les plus connues du marché : Mabrouka, produit commercialisé par la société Lesieur, et Oued Souss, que fabrique les Huileries du Sud, société installée à Agadir. Autrefois, ces deux marques, largement consommées par la population marocaine, se vendaient au prix de 28 dirhams le litre seulement. Dans les grandes surfaces de distribution, qui ont l’habitude de consacrer des rayons entiers à ce produit, le consommateur n’en trouve que plus quelques bouteilles exposées dans un coin du supermarché et qui passent souvent inaperçues.
Cette situation, qui va encore durer pendant toute l’année 2006, s’explique par plusieurs facteurs, mais le plus important d’entre eux est provoqué par les importantes commandes d’achat de l’huile d’olive réalisées par des entreprises espagnoles.
Selon Youness Belhassen, chargé de la qualité dans la filière de l’huile d’olive à la société Lesieur, « ces dernières sont parties chez tous les producteurs de l’huile d’olive du pays et ont raflé 20 à 25.000 tonnes entre novembre 2005 et janvier 2006 ». Et comme le secteur est mal organisé, certains producteurs marocains ont vendu toutes leurs récoltes, car ils sont appâtés par l’importance du gain. Les prix qui leur sont proposés pour les olives varient entre 3,5 et 10 dirhams le kilo. Jamais, pendant toute son histoire, l’olive marocaine n’avait atteint ce prix-là. « Et c’est tant mieux pour le producteur », se réjouit, en revanche, le propriétaire d’une coopérative agricole. Seulement, les Espagnols n’ont pas arrêté d’acheter, ils continuent toujours de commander. Ainsi, « un autre contrat de 10.000 tonnes est en cours de signature entre des entreprises espagnoles et certains producteurs marocains », estime pour sa part Mohamed Agouzzal, vice-président de la société les Huileries de Meknès, filiale d’un groupe agroindustriel du même nom. Et d’ajouter : « Ils s’intéressent à toutes les régions productrices : le Souss, le Gharb et le Haouz ».
Son groupe produit depuis plusieurs années la célèbre huile d’olive Bab Mansour, elle aussi de plus en plus rare. Elle se vend à un prix excessif : 60 dirhams le litre.
Quant aux Espagnols, on se demande pourquoi ils sont devenus de gros demandeurs de notre huile d’olive ? Que s’est-il réellement passé chez eux ? Pendant la saison agricole 2005-2006, plusieurs pays d’Europe, notamment l’Espagne, l’Italie et la Grèce, qui sont classées parmi les premiers producteurs d’huile d’olive dans le monde, (l’Europe fournit 77% de la production mondiale), ont connu une gelée terrible qui a entraîné des dégâts considérables au niveau de la récolte des olives. Résultat : l’Espagne, dont la production atteint régulièrement 1,3 million de tonnes n’en a récolté cette année que 600 mille tonnes, soit un déficit de plus de 700 mille tonnes. Le même déficit, ou presque, a été constaté dans les autres pays européens. Naturellement, pour le combler, il n’y a pas que le Maroc qui leur procure les tonnages manquants. L’Europe se dirige également vers la Tunisie, la Syrie et la Turquie. Ces deux derniers pays sont mieux classés que le Maroc, car ils participent à hauteur de 7% chacun dans la production mondiale. Par rapport à la Tunisie, on est au même niveau : 2% de la production mondiale chacun. Si nos producteurs ont vendu une bonne partie de leurs récoltes aux entreprises espagnoles, il n’en demeure pas moins essentiel de signaler que la situation de pénurie dans laquelle se trouve aujourd’hui le Maroc est aussi attribuée à la mauvaise récolte de la saison 2005-2006. C’est ce que pensent de nombreux professionnels. Pendant cette saison, elle est de 60.000 tonnes alors qu’elle tourne régulièrement autour de 100.000 tonnes.
Ceci est dû à une chose : les producteurs ne renouvellent pas les plantations et se refusent à investir dans l’entretien de celles-ci. S’achemine-t-on alors vers un déficit structurel qui risque de frapper ce secteur pendant encore de longues années ? Selon un professionnel, « la crise actuelle de l’huile d’olive risque effectivement de se prolonger si les producteurs marocains n’investissent pas dans la création de nouvelles plantations ». Et l’huile d’olive deviendra un véritable produit de luxe, inaccessible aux consommateurs à revenus modestes.
Aissa Amourag - Maroc hebdo International
Ces articles devraient vous intéresser :