Les jeunes Marocains bousculent les interdits religieux

14 mai 2024 - 08h00 - Maroc - Ecrit par : S.A

Alors que la grande majorité des Marocains (99 % de la population) se revendiquent de l’islam, il existe de jeunes Marocains qui ne sont adeptes d’aucune religion et jouent la carte de la discrétion. C’est ce que révèle une étude menée à l’Université Radboud de Nimègue, aux Pays-Bas.

« Au Maroc, trois sujets sont tabous : Dieu, le roi et le Sahara. Par conséquent, la plupart des jeunes Marocains ne proclament pas ouvertement leur athéisme ou leur agnosticisme. Cela entraîne trop de conséquences sociales », estime l’anthropologue Lena Richter de l’Université Radboud de Nimègue aux Pays-Bas qui a mené une recherche sur le rôle central de la religion au sein de la société marocaine. En tout, 50 jeunes (âgés de 18 à 35 ans) athées et agnostiques instruits issus de la classe moyenne urbaine au Maroc et en Europe ont été interrogés dans le cadre de l’étude.

À lire : L’Islam visible, une hantise française ?

Il ressort des entretiens que les opinions non religieuses s’expriment principalement indirectement dans des actions subtiles qui ne s’alignent pas avec le modèle de comportement du bon musulman, défiant ainsi les normes établies. À titre d’exemple, « une personne peut choisir de se faire tatouer, de boire occasionnellement du vin, de fréquenter des bars, de ne pas jeûner pendant le ramadan ou de plaisanter sur l’islam sur les réseaux sociaux », explique Richter. Elle ajoutera : « Cela implique également l’abandon de certaines pratiques religieuses, comme ne plus prier ou ne plus fréquenter la mosquée ».

À lire :Islamophobie : l’UE décidée à « construire l’Europe de demain » (vidéo)

Malgré le manque d’appréciation pour les opinions non religieuses, ces violations mineures des règles, il existe une certaine forme de tolérance sociale et familiale envers ces pratiques. « Les opinions non religieuses ne sont pas appréciées, mais tant que la personne n’en fait pas grand cas, les membres de son réseau ne le feront pas non plus », explique encore la chercheuse. Selon elle, il peut dans une certaine mesure être plus facile d’être non-croyant au Maroc qu’en Europe. Au Maroc, un non-croyant opère à partir d’une position minoritaire. Mais en Europe – où les Marocains sont déjà une minorité et où les musulmans sont victimes de discrimination – les Arabes non-croyants sont fréquemment manipulés à des fins électorales par des partis de droite pour critiquer l’islam et le dénaturer, signale l’étude.

À lire : De la stigmatisation à la mobilisation : le combat contre l’islamophobie à Roubaix

Les débats autour de l’athéisme sont de plus en plus présents sur les réseaux sociaux, notamment parmi la jeunesse marocaine. « Sur les réseaux sociaux, on voit émerger des discussions sur la foi parmi les jeunes Marocains », fait remarquer l’universitaire. Elle a en outre précisé que les Marocains non religieux présentent diverses nuances, influencées par leurs origines familiales et leur propre parcours. Alors que certains conservent un lien avec l’islam à travers notamment la célébration du Ramadan en famille, d’autres adoptent des positions plus tranchées à l’égard de la religion.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Pays-Bas - Religion - Etude - Islam

Aller plus loin

Islamophobie : l’UE décidée à « construire l’Europe de demain » (vidéo)

La coordinatrice européenne chargée de la lutte contre la haine anti musulmane, Marion Lalisse, affirme vouloir donner un autre visage à la lutte contre l’islamophobie.

Tarn : condamné à 10 mois de prison pour des actes islamophobes

L’auteur des dégradations volontaires visant la communauté musulmane de Saint-Juéry (Tarn), a été condamné cette semaine à 10 mois de prison avec sursis. Il s’agit d’un...

De la stigmatisation à la mobilisation : le combat contre l’islamophobie à Roubaix

Constituée d’une forte population immigrée, la communauté musulmane de Roubaix est souvent victime de discriminations et d’islamophobie. Une situation vécue par les habitants...

Aux États-Unis, les musulmans continuent de lutter contre l’islamophobie

Les Américains sentent monter l’islamophobie qui affectent leur vie quotidienne. C’est ce que révèle un rapport du Conseil des relations américano-islamiques (CAIR).

Ces articles devraient vous intéresser :

France : le port du voile, un frein majeur à l’emploi

Une étude de l’Observatoire national des discriminations et de l’égalité dans le Supérieur (Ondes), parue cette semaine, met en évidence un obstacle majeur à l’emploi en France : le port du voile.

Une prière musulmane à l’aéroport de Roissy fait polémique

Augustin de Romanet, PDG d’ADP a réagi à une prière collective réunissant une trentaine de musulmans dimanche 5 novembre dans une salle d’embarquement de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, et qui a soulevé de vives polémiques.

Ramadan et menstrues : le tabou du jeûne brisé

Chaque Ramadan, la question du jeûne pendant les menstrues revient hanter les femmes musulmanes. La réponse n’est jamais claire, noyée dans un tabou tenace.

Maroc : les appels au Jihad dans les mosquées interdits

Ahmed Toufiq, ministre des Habous et des Affaires islamiques, a rappelé aux imams marocains les limites de leur rôle concernant la question palestinienne.

Nora Fatehi convertie au Christianisme ?

L’artiste marocaine Nora Fatehi a déclenché une vague de réactions sur Instagram après avoir publié un extrait vidéo la montrant portant un collier avec une croix.

La Premier League anglaise s’adapte au ramadan

Les footballeurs musulmans qui évoluent dans certains pays d’Europe sont autorisés à rompre leur jeûne pendant les matchs du soir tout au long du mois de ramadan qui court du 1ᵉʳ au 30 mars 2025.

Ramadan 2024 au Maroc : voici le montant de la Zakat

Le Conseil supérieur des Oulémas a fixé, il y a quelques jours, le montant minimum de la Zakat Al Fitr au titre de l’année 2024/1445.

Voici la date de l’aïd al fitr 2025 en France

Débuté le 1ᵉʳ mars dernier, le mois du ramadan touche progressivement à sa fin. Le Conseil théologique musulman de France (CTMF) a annoncé la date de l’Aïd al-Fitr, marquant la fin de la période de jeûne.

Aid Al Fitr au Maroc : mercredi ou jeudi ?

Les calculs astronomiques prévoient la célébration de l’Aïd Al fitr au Maroc le mercredi 10 avril 2024, comme de nombreux pays arabes et européens, mais l’observation de la lune reste pour l’instant l’option privilégiée par les autorités religieuses...

MRE : Du changement pour l’opération Marhaba 2024

Contrairement aux années antérieures, l’opération Marhaba marquant le retour des Marocains résidant à l’étranger (MRE) au Maroc va démarrer deux jours avant la date habituelle. La coïncidence avec l’Aïd al-Adha oblige.