Accusé d’avoir effectué une prétendue « prière musulmane et une minute de silence en mémoire au prophète Mohammad », trois collégiens ont été exclus définitivement de leur établissement à Nice après un conseil de discipline. « À Nice, on s’est rendu compte assez vite dans cette affaire que c’était une prière fictive. Ce n’était par le fait de musulmans pratiquants, si je puis dire. En réagissant de cette façon, Christian Estrosi (maire de Nice) parle à un électorat très à droite. Pap Ndiaye (ministre de l’Éducation nationale au moment des faits), beaucoup plus mesuré à mon avis, s’est trouvé contraint à réagir parce qu’il était sous pression et qu’il évoluait dans un gouvernement qui est peu clair sur la question du principe laïque. Au fond, c’est une manifestation de plus d’une hypersensibilité à la visibilité de l’Islam dans l’espace public français », a commenté Haoues Seniguer dans une interview accordée à Bondy Blog.
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Pour étayer ses propos, il évoque des raisons structurelles, historiques et plus contemporaines. « D’abord, il y a un mouvement de sécularisation que certains pensaient irréversible en France. On peut définir la sécularisation par la perte d’évidence sociale du religieux : dans l’espace public, vous ne voyez plus de signes de visibilité de la religion. Ce phénomène a été contrarié par l’émergence du voile et de ce que l’on a appelé l’affaire ‘des foulards de Creil’ en 1989 », explique le sociologue, ajoutant qu’il y a l’idée que la visibilité de la religion renvoie à une tentative hégémonique sur le pouvoir temporel. « La France a été la fille aînée de l’Église, ensuite, au XVIe siècle, les guerres de religions se sont succédé. Chez certains, il y a l’idée que si la religion redevient visible, il y a péril en la demeure. Il y a aussi des raisons beaucoup plus contemporaines qui sont liées aux attentats terroristes », a-t-il encore expliqué.
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Dans l’interview, Haoues Seniguer s’est également exprimé sur le port d’abaya dans les écoles. « Porter l’abaya peut être une manière pour ces adolescentes d’obéir à deux contraintes. Au lieu de voir une tentative de compromis, réussi ou non, entre l’attachement à une norme religieuse et les contraintes de la loi de 2004, certains y ont vu une tentative de subversion de l’ordre scolaire et laïque. Par ailleurs, cela reste un phénomène ultra-minoritaire. […] Tout ce qui touche à l’Islam conduit à des formes d’inconséquences au niveau des discours et surtout témoigne d’une méconnaissance du fait musulman », a-t-il commenté. Et de faire remarquer : « Depuis la fin des années 1980, il y a une obsession sur la visibilité de l’Islam dans l’espace public. Quand il y a visibilité ou manifestation, en lien plus ou moins avéré à l’Islam, il y a une levée de bouclier de personnes qui peuvent se réclamer de la laïcité. »