Les investissements français au Maroc : Un pays de cocagne ?

15 septembre 2008 - 17h21 - France - Ecrit par : L.A

L’image du Maroc souvent vendue à l’étranger, particulièrement en France, comme celle d’un pays de cocagne, est parfois à double tranchant. Les polémiques sur le dumping social se sont pourtant estompées surtout quand on regarde ce qui se pratique sur d’autres continents. Les soucis sont ailleurs, et pour les deux pays il s’agit de tirer leur épingle du jeu dans une conjoncture économique internationale très inquiétante.

Pour le Royaume le poids des relations économiques avec l’Hexagone demeure évidemment primordial. Ces deux dernières années, la France s’est par exemple accaparée près de 40% du total des Investissements Directs Etrangers (IDE). Ce résultat est dû essentiellement au rachat de la Compagnie Marocaine de Navigation (COMANAV) par l’armateur français CMA-CGM et à la poursuite des implantations françaises dans les secteurs de la sous-traitance (automobile et aéronautique notamment), de l’offshoring, du tourisme, de l’immobilier et des services urbains. Selon la mission économique de l’Ambassade de France, l’implantation en cours de Renault-Nissan à Tanger devrait, compte tenu des 600 millions d’euros d’investissements directs prévus par l’entreprise, sans compter les apports des sous-traitants, générer un flux d’IDE français record au cours des prochaines années.

La présence française profite donc à tous les secteurs de l’activité, comme le soulignent les expert de Bercy qui précisent "que les investissements français au Maroc suivent soit une logique de service du marché local (agroalimentaire, laboratoires pharmaceutiques, banque, assurance, environnement, énergie, tourisme, télécommunications, matériaux de construction, BTP, distribution), soit une logique de production pour l’exportation, notamment dans les secteurs des fruits et légumes, des équipements électriques et électroniques, de la sous-traitance automobile et aéronautique ou dans le textile-habillement." Ainsi, l’investissement colossal de Renault restera tourné vers l’exportation.

Le problème des ressources humaines

Bref, le marché français, bien que de plus en plus concurrencé, demeure le principal client du Maroc, son principal fournisseur et absorbe bon an mal an une large part (29% en 2007) de ses exportations C’est dire combien cette dynamique est capitale pour l’économie marocaine. La coopération économique avec Paris reste un axe fort que n’affaiblira pas, bien au contraire, le lancement de l’Union pour la Méditerranée.

Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État français chargé du Commerce Extérieur, le soulignait lors de la journée économique "Maroc Hexagone" qui s’est tenue le 21 mai dernier dans la capitale française. Au-delà des discours conventionnels, on retiendra surtout une affirmation. "Nous sommes prêts, assurait-elle, à accompagner le Maroc pour renforcer ses capacités commerciales dans le contexte actuel de libéralisation et de concurrence". Ce qui implique d’abord de relever le défi de la formation professionnelle. Le ministre français a indiqué que l’Agence Française de Développement (AFD) prévoit de consacrer plus de 22 millions d’euros au financement de huit centres de formation dans des domaines tels que l’audiovisuel, l’aéronautique, le bâtiment, l’automobile, l’artisanat, etc... Au moment où le Maroc doit affiner ses stratégies pour faire face à la crise internationale, c’est bien évidemment une donnée importante qui répond au voeu de Jean-René Fourtou, président du conseil de surveillance de Vivendi et coprésident du groupe d’impulsion franco-marocain, qui répète inlassablement : « il faut résoudre le problème central des ressources humaines au Maroc à travers le développement de la formation professionnelle ». Un problème qui pousse des entreprises (pas seulement françaises) à envisager le départ sous d’autres cieux.

Des nuages menaçants

D’autres nuages pointent à l’horizon. Le reflux touristique de la clientèle française, même s’il reste difficile à cerner compte tenu des changements intervenus dans le domaine des transports aériens, semble bien réel. En dépit du discours convenu affiché par les instances officielles, le très sérieux Cercle d’Etudes des Tour-Opérateurs (CETO) ne cache pas que les touristes français, en proie à des problèmes de pouvoir d’achat, optent de plus en plus pour la Turquie qui enregistre, pour cet été, une progression des réservations de 90% par rapport à la même période de l’année écoulée ou encore la Tunisie, l’Égypte et Dubaï. Or de ce secteur stratégique et de l’objectif des 10 millions de touristes en 2010, dépendent le maintien de la croissance et beaucoup d’investissements. " Il n’y a rien de catastrophique pour le moment mais il faut être vigilant "souligne un expert de la mission économique française qui ajoute "il faut se rappeler dans un autre domaine les fâcheuses conséquences d’une autre crise, celle de 2006 provoquée par la baisse enregistrée dans le secteur de l’habillement, les entreprises françaises ayant réorienté leurs commandes vers la Chine et les pays de l’Est." L’impact fut douloureusement ressenti, même au-delà de cette branche.

Mais la poursuite d’une bonne dynamique économique est également liée, on l’oublie trop souvent, à d’autres facteurs. Le 26 juin dernier, l’importante journée du Maroc organisée par la Chambre de Commerce de Lyon, en présence d’Ahmed Reda Chami, Ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies du Maroc, fut en partie gâchée par les évènements de Sidi Ifni et des manifestation de solidarité certes pacifiques. Les médias français s’en firent l’écho. Il serait facile de tout mettre sur le compte des fausses informations diffusées à cette occasion par la chaîne Al-Jazeera, mais l’image d’un Maroc économiquement attractif exige une politique de transparence dans la communication et surtout des progrès constants en matière de démocratie et de justice sociale. La leçon mérite d’être retenue au moment où le Royaume veut renforcer son arrimage à l’Europe.

Source : La Nouvelle Tribune - Alex Panzani

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