Interpellé par un groupe parlementaire sur le droit des Marocains résidant à l’étranger (MRE) à participer aux élections au Maroc, Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur a répondu sans détour.
Avant même que le débat ne s’instaure réellement, le gouvernement de Jacques Chirac a mis habilement fin à un problème susceptible de provoquer une belle polémique au sein de sa majorité.
Cette fin de non recevoir - qui vaut jusqu’à 2007, c’est à dire jusqu’à la fin de son mandat - a été diluée tout aussi promptement dans la « politique d’intégration » annoncée par le président français et présentée le 24 octobre par son premier ministre Jean Pierre Raffarin. Cette politique tient en deux mots : « contrat d’intégration », proposant cours de français, formation professionnelle et apprentissage des droits et obligations civiques aux quelques 100 000 nouveaux étrangers rentrant légalement en France chaque année. Et elle s’incarne en une institution : un « Haut conseil à l’intégration », chargé de conseiller le gouvernement en la matière et formé de dix huit membres reflétant un savant équilibre droite/gauche/intellectuels/société civile.
Un discours officiel encensant une « société de tolérance » ou une France « portant le métissage dans son coeur » crédibilise une avancée, même relative, sur ce problème. C’est bien le moins au moment où, faits divers et dérives médiatiques aidant, l’assimilation « arabe = banlieue = délinquant ou islamiste » élargit sans cesse le fossé entre Français et Français nés musulmans. Ou quand le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, pressenti par Paris pour diriger le futur Conseil français du culte musulman (CFCM), qualifie « l’islam des banlieues » d’« islam des excités ».
C’est aussi le moins quand le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, tout en affirmant que la France « a besoin des immigrés », fait passer des mesures liberticides pour caresser dans le sens du poil ceux qui crient à l’insécurité, alors que la France dispose du code pénal le plus sévère d’Europe. Comme si la droite courrait deux lièvres à la fois : s’emparer des idées de la gauche, en nommant à de hautes fonctions de personnalités issues de l’immigration - ce que les socialistes n’ont pas eu le courage de faire en cinq ans de gouvernement - et séduire les couches populaires qui ont fait défaut au premier ministre socialiste.
Reste qu’au delà de ces manœuvres politiciennes, les mesures « d’intégration » annoncées sont loin de répondre à la gravité de la marginalisation des populations immigrées. Loin d’être anecdotiques, certains faits illustrent cette situation : la difficulté à parler simplement de Français, et plus de « jeunes maghrébins » ou de « beurs » - termes qui génèrent l’exclusion - quand on en est à la troisième ou quatrième génération... Alors que la société française est d’ores et déjà métissée et trouve dans la diversité culturelle richesse et dynamisme, on s’obstine encore à parler d’intégration - et pas d’insertion - à ceux qui sont pourtant là depuis deux ou trois générations. Comment enfin crédibiliser une volonté de « mieux intégrer les étrangers » sans une présence significative - en en position éligible - de Français issus de l’immigration sur les listes électorales ? Et surtout quand on exclut des urnes une communauté de quatre à cinq millions de personnes ?
José Garçon pour l’observateur
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