Les exportations marocaines d’oranges ont considérablement chuté au cours des huit premiers mois de 2023, s’établissant à 30 000 tonnes contre 109 000 tonnes en 2022.
L’euro ne cesse de s’apprécier, il a atteint 1,52 dollar la semaine qui vient de s’écouler. Dans la mesure où l’essentiel des flux commerciaux et financiers du Maroc est réalisé avec la zone euro, quelles conséquences cette appréciation produit-elle sur l’économie nationale ?
Contrairement à certains pays du Golfe, qui vivent de sérieux problèmes d’inflation en raison notamment de l’indexation de leur monnaie au dollar - dont la valeur est inversement proportionnelle à celle de l’euro - le Maroc, lui, ne semble pas affecté outre mesure par le renchérissement de la monnaie unique. Il suffit d’ailleurs d’observer le comportement de l’inflation pour s’en rendre compte : 1,7% en janvier 2008, contre 2,7% une année auparavant ; et 2% pour l’ensemble de l’année 2007, au lieu de 3,3% en 2006. Bien sûr, n’oublions pas l’intervention de l’Etat à travers la Caisse de compensation qui permet de neutraliser la hausse des produits pétroliers et alimentaires, dont les cours ont atteint des sommets, le baril de pétrole, par exemple, se négociait à 103 dollars. Le budget de l’Etat s’en trouve lesté plus qu’il n’en peut, c’est une évidence, mais cela est une autre affaire.
Mais si l’on met de côté les considérations de politique économique, le faible impact (au sens négatif du mot) de la hausse de l’euro par rapport au dollar sur l’économie marocaine, s’explique d’abord par le fait que la valeur du dirham est adossée à un panier de devises qui reflète convenablement la structure du commerce extérieur du pays : en gros, l’euro y représente 80% et le dollar 20%. On pourrait penser qu’ainsi, la hausse de l’euro ne manquerait pas d’entraîner une baisse du dirham et, par suite, l’importation de l’inflation de la zone euro avec laquelle le Maroc réalise 50% de ses importations. « En fait, explique Karim Al Aynaoui, directeur des études et des relations internationales à Bank Al Maghrib, entre 2005 et 2007, le dirham, en termes réels, est resté quasiment stable, et depuis 2001, il s’est déprécié de 6% à 7% par rapport aux pays partenaires ». Entre janvier et février 2008, précise encore M. Al Aynaoui, le dirham s’est apprécié de 1,30% par rapport au dollar et déprécié de 0,20% par rapport à l’euro.
Atonie des exportations : le taux de change n’y est pour rien
Sur les trois dernières années, indique la Banque mondiale, la monnaie marocaine a gagné quelque 20% sur les marchés de la zone dollar. Logiquement, cela est de nature à affecter la compétitivité des produits marocains sur ces marchés. Il se trouve que, bien au contraire, sur ces marchés, le Maroc n’exporte pas (sauf les phosphates et dérivés) mais importe : le pétrole notamment, mais aussi des produits de consommation en provenance de l’Asie. « Avec la dépréciation du dollar, le prix du baril de pétrole, exprimé en monnaie nationale, s’en trouve réduit d’autant. Idem pour les produits de consommation », explique Karim Al Aynaoui. S’agissant des exportations, en revanche, celles-ci se trouvent favorisées par la dépréciation du dirham face à l’euro. Mais, pourra-t-on rétorquer, pourquoi alors le rythme d’évolution des exportations marocaines reste bien en deçà de celui des importations ?
Rien à voir avec le taux de change, répond la Banque mondiale. « Le taux de change réel [du dirham, NDLR] correspond approximativement aux fondamentaux de l’économie », souligne l’Institution de Bretton Woods. Celle-ci attribue l’atonie des exportations « au régime protectionniste et aux incitations qu’ont les producteurs de vendre sur le marché intérieur plutôt que sur les marchés internationaux ». Et cela, poursuit la banque, « empêche la concurrence de jouer et réduit les gains de productivité ». A cette explication, on pourrait ajouter une autre : la faible teneur en valeur ajoutée des produits marocains, d’une part, et, d’autre part, la concurrence accrue sur le marché européen au profit des autres pays émergents, en particulier asiatiques, dont les monnaies sont rattachées au dollar.
Mais les canaux de transmission des effets du renchérissement de l’euro (par rapport au dollar) ne se limitent pas aux flux commerciaux. Il y a aussi les flux financiers, et essentiellement la dette extérieure. Comme l’expliquent des responsables à la Direction du Trésor et des financements extérieurs (DTFE) du ministère des finances, la dette extérieure « est gérée de telle façon que les risques de change sont fortement minimisés ». Dans la mesure où, pour l’essentiel, la valeur du dirham est rattachée à l’euro, afin d’épouser la structure du commerce extérieur, la dette, explique-t-on, est retraitée de telle sorte qu’elle reflète cette configuration. C’est la gestion active de la dette poursuivie depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, le stock de la dette est constitué à plus de 72,5% de l’euro, le reste se répartissant entre le dollar (10%), le yen (5,4%) et les autres monnaies comme le dinar koweitien notamment (12,8%). Par ailleurs, la dette est à 100% à moyen et long termes et elle est assortie de taux d’intérêt à 75% fixes (4,4% à taux semi fixes et 20,6% à taux flottants). « Avec cette architecture, les variations de l’euro par rapport au dollar ne nous affectent pas vraiment ; il y a une sorte de compensation de ce produit avec la hausse de l’un et la baisse de l’autre », conclut-on à la DTFE.
Source : La vie éco - Salah Agueniou
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