Ils ont raison : le statut personnel des Tunisiennes est en avance sur le statut personnel des Marocaines. Derrière cette différence, une approche politique a creusé les écarts, mais d’une manière trop peu souvent analysée. La femme en Tunisie fait partie intégrante de la politique du pays et ce, pour plusieurs raisons.
D’abord, pour le président fondateur Bourguiba, élever le statut de la femme, le rendre proche ou égal à celui de l’homme, faisait partie de sa conception de la modernité du pays mais aussi de l’Etat, celui-ci étant l’instrument de la modernisation.
Dans la conception tunisienne, avoir une population féminine instruite devait entraîner un meilleur fonctionnement de l’économie et des administrations pour un "petit pays qui avait de grandes ambitions".
Autre approche de la condition féminine en Tunisie, la santé. Tunis a toujours eu une politique de santé publique bien définie, orientée vers les fem-mes, nombreuses dans les professions médicales. Les campagnes de contrôle des naissances ont commencé très tôt, immédiatement après l’Indépendance. Elles continuent aujourd’hui bien que les Tunisiens commencent à s’interroger sur le vieillissement. Sur le plan du comportement démographique, le Maroc moins appliqué dans cette stratégie arrive à peu près au même niveau de réduction des taux de fécondité. Mais la différence se fait sur le point de la pauvreté : il y en a nettement plus au Maroc qu’en Tunisie. C’est ainsi qu’au Maroc, contrairement, les différences de taux de fécondité, de prévalence contraceptive… sont très marquées, selon le niveau socio-économique, selon que les femmes suivent en milieu urbain ou en milieu rural. En Tunisie, société plus égalitaire, les différences dans les situations de femmes sont nettement moins fortes. En Tunisie, 99,1% des filles de 6 ans sont inscrites dans une école.
Au Maroc, seul le milieu urbain parvient à un taux comparable. Cette stratégie a été poursuivie par Ben Ali, qui s’est aussi intéressé "aux zones d’ombre", lesquelles désignent la pauvreté. Même s’il y a des femmes dans le mouvement islamiste Ennahda (illégal), la femme est restée, aux yeux du gouvernement, la forteresse avancée contre l’islamisme radical.
Depuis quelques années, les Tunisiens misent beaucoup sur la femme entrepreneur. Environ 10% des entrepreneurs tunisiens sont des femmes. La section femmes du Syndicat patronal tunisien a été créée en 1990, sous l’égide de Laïla Khayat et est devenue très puissante. La même année, un secteur féminin a été créé au sein de l’Union des agriculteurs et en 1991, le Syndicat unique s’est aussi doté d’une section femmes.
On ne connaît pas précisément la proportion des femmes entrepreneurs au Maroc, principalement à cause du poids de l’informel, et c’est au cours de la réforme statutaire de l’année dernière que la CGEM a introduit une forme atténuée de quota féminin dans ses instances. Cette présence n’a pas été formalisée par une section spécifique. L’AFEM, association des femmes entrepreneurs au Maroc, présidée par Séloua Karkri, a été fondée en 2001.
La Marocaine