De nombreux Marocains sont mécontents de la Société nationale des Autoroutes du Maroc (ADM). À l’origine de ce mécontentement, la mauvaise qualité des aires de repos et de la cherté de leurs produits et services.
L’exercice qui passait jadis pour un arrêt « fast-food » dans un centre (10 à 15 minutes au maximum) est en passe de devenir une vieille histoire. La « professionnalisation » des prestataires et le resserrement des contrôles sont les premiers signes tangibles du changement qui touche le contrôle technique. Ce « sérieux » a un prix : de 240 à 400 dirhams hors taxes, selon le poids du véhicule. Pour rappel, la visite technique est obligatoire après cinq ans pour les voitures neuves, avant de devenir annuelle à partir de la sixième année, à l’exception des véhicules de location qui doivent subir un check-up tous les six mois dès la mise en circulation.
Cette « mise à niveau » est l’un des bras armés de la politique de la sécurité routière, l’état mécanique des véhicules étant l’une des premières causes des accidents de la circulation. Le changement radical concerne l’agent chargé de la vérification technique du véhicule. Il engage personnellement sa responsabilité pénale en signant le PV de contrôle. Et, en cas d’accident, il peut donc être inquiété s’il s’avère qu’il a délivré un certificat de complaisance au véhicule mis en cause.
Deux spécialistes mondiaux, l’allemand Dekra et le Suisse SGS sont en train d’assainir toute la chaîne et l’effet de contagion que cherchait le ministère du Transport, est bien au rendez-vous. Comment faire une omelette sans casser les œufs, telle était l’équation. Au final, les contrats d’affiliation ont enlevé une épine du pied du ministre, tant le « recyclage » de toutes ces petites entreprises tournait à un casse-tête politique. En plus de leur expertise, Dekra et SGS sont censés tirer tout le monde vers le haut. Aujourd’hui, 96 % des centres de visite technique sont affiliés à l’une des deux enseignes sélectionnées au terme d’un appel d’offres international.
SGS a déjà rallié 70 centres à son enseigne auxquels il faut ajouter les 40 de son propre réseau dans lequel il va investir 200 millions de dirhams. Ce sont 300 techniciens qui seront bientôt recrutés et formés. La mise à niveau du secteur de la visite technique commence à porter ses fruits, constate Stéphane Bourquin, directeur de SGS Automotive Maroc. « L’évolution est très intéressante et des progrès significatifs ont été réalisés par les centres indépendants pour rendre la visite plus professionnelle ». Mais reste encore à faire, notamment sur la formation des agents visiteurs, la mise en place d’un système qualité répondant aux normes internationales, l’informatisation du système ou encore l’application effective des 77 points de contrôle.
« Pour s’assurer de l’authenticité du contrôle, un certain nombre de garde-fous vont être mis en place afin d’éviter d’éventuels abus », explique Bourquin. Les principaux sont l’informatisation du contrôle et la mise en place du PV sécurisé en remplacement des fameux carnets oranges. Le tout sera verrouillé par des audits périodiques.
Plus gros que son concurrent, Dekra Automotive Maroc injectera 400 millions de dirhams pour la création d’un réseau de 37 centres en plus des 107 qui ont rejoint l’enseigne au travers des contrats d’affiliation. La formation est la clé de la réussite de ce renouveau du contrôle technique. « Il s’agit d’abord d’une formation théorique sur les 77 nouveaux points de contrôle, et pratique où l’agent visiteur sera formé sur le déroulement réel d’une visite technique de véhicule en passant par chaque poste », explique Jaâfar Moumni, directeur des Opérations de Dekra, « L’étanchéité du dispositif tient au fait qu’aucun PV ne peut être imprimé sans l’enregistrement des mesures du passage physique du véhicule. Toutes les mesures prises sur l’état du véhicule par l’agent visiteur via un ordinateur de bord, seront transmises à l’ordinateur central : type de pneus, analyse du gaz d’échappement, freinage et suspension, etc. Ce « scanner » est censé limiter les risques de fraudes.
Les compagnies d’assurance ont-elles été associées à cette réforme ?
La réponse est non. « Nous souhaitions d’abord obtenir des résultats concrets, en lançant d’abord la réforme et mettre à niveau le secteur, pour ensuite entamer des discussions avec les assureurs », précise Abdelilah Khalifi, directeur adjoint, chargé du contrôle technique au Centre national d’essais et d’homologation (CNEH).
En effet, la mise à niveau du secteur pourra être, à moyen terme, un élément pris en compte par les assureurs dans leur politique de tarification. « Cette dernière tient compte d’éléments combinés, tels que le comportement de l’usager de la route, son historique et, bien sûr, l’état de son véhicule. Nous sommes donc sensibles à cette réforme. Cependant, son effet sur les statistiques sera observé progressivement », signale Slim Zegden, responsable des études d’actuariat chez Axa Assurance Maroc.
En tant qu’actuaire, toute lecture des statistiques par l’assureur se fait eu égard aux phénomènes qui les conditionnent dans la durée. « Théoriquement, l’impact de la réforme devrait être positif sur la sinistralité, et si le ratio sinistre/prime s’améliore, nous devrons en tenir compte dans nos tarifs », ajoute Zegden.
Tout est parti d’un constat en 2005
En la matière, on est parti de loin. Le diagnostic réalisé en 2005 par le Centre national d’essais et d’homologation (CNEH) était accablant : « Les véhicules au Maroc ne sont pas fiables car mal contrôlés, et à cela s’ajoute la contrefaçon de pièces de rechange ». « Dans sa configuration de l’époque, le contrôle technique était plus un facteur générateur d’insécurité routière », concède Abdelilah Khalifi, directeur adjoint, chargé du contrôle technique au Centre national d’essais et d’homologation (CNEH). Au moins 10% des accidents sont directement imputables à l’état mécanique du véhicule.
Le point de départ a consisté à geler les autorisations d’ouverture de nouveaux centres et faire un audit du réseau existant assorti d’un ultimatum pour la mise en conformité. Plusieurs centres défaillants ont été fermés ou se sont vu retirer le permis pour le contrôle technique des poids lourds. « Le coût de la mise à niveau d’un centre est estimé en moyenne à un million de dirhams », selon le responsable du CNEH. Pour tout le réseau, ce sont donc théoriquement 180 millions de dirhams qui ont été investis.
Un nouveau cahier des charges a été entièrement rédigé en 2006 : il introduit l’utilisation des nouvelles technologies pour garantir la traçabilité de la visite technique, l’adoption de nouveaux critères professionnels pour l’accès à la profession d’agent visiteur (une formation de technicien en mécanique).
Alors que le permis de conduire est toujours délivré à vie, la carte d’agent technique est renouvelable tous les trois ans. Cherchez l’erreur.
Source : L’Economiste - Jihane Kabbaj
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