
Au Maroc, la multiplication des malls soulève des inquiétudes. Les fermetures de plusieurs franchises enregistrées ces derniers temps amènent à s’interroger sur la viabilité de ce modèle commercial.
Dans son plan « Rawaj », le gouvernement a choisi de s’engager sur une vision globale. Plutôt que des opérations de mise à niveau chirurgicales, le plan préfère poser des normes de base du commerce ; normes auxquelles chaque commerçant adhère de manière naturelle et délibérée.
Il faut dire toutefois que « Rawaj » intervient un peu tard. Le commerce intérieur a connu d’importants changements sans qu’aucune planification n’en maîtrise l’évolution. Les commerçants ainsi que des consommateurs ont changé de comportement avec la naissance de nouvelles formes de vente : les supermarchés et hypermarchés dans le secteur de l’alimentation, suivis des grandes surfaces généralistes et spécialisées (bricolage, jouets…). Les galeries et les « malls » ont ensuite fait leur entrée, mais avec un succès mitigé. Les modes de gestion appropriés faisant défaut, plusieurs gros investissements ont été gâchés.
Les principales raisons sont justement l’absence de cadres réglementaire et organisationnel appropriés, ainsi que l’absence de données sur les secteurs. Conséquences : les investissements se sont basés sur des intuitions et non des études de marché exactes.
Le plan a quand même essayé de s’adapter à cette nouvelle configuration en dressant des cadres généraux propres à chaque de ces segments d’activité.
Trois plans sectoriels sont au programme : le commerce de proximité, la grande et moyenne distribution et les marchés de gros.
Le commerce de proximité est un segment à fort potentiel, selon le ministère. Ses principaux atouts sont l’accès, les facilités de paiement (le carnet de crédit), les horaires d’ouverture mieux adaptés et le contact personnalisé avec le commerçant. Le réseau de petits commerçants (majoritairement des épiceries de quartiers) a toutefois accusé un grand choc avec le développement des réseaux de petites supérettes et de franchise, notamment les magasins d’alimentation franchisés « Hanouty ». Le consommateur, qui est de plus en plus exigeant en termes de conditions d’hygiène, a trouvé en ces nouveaux espaces de vente une bonne alternative. Du côté de l’habillement, la situation est presque similaire et les clients préfèrent souvent payer plus pour la qualité de service et le grand choix.
Le plan « Rawaj » compte hisser le niveau de prestation à travers un programme de labellisation des petits commerces ainsi que la spécialisation et le regroupement au sein de réseaux pour augmenter la rentabilité et optimiser les moyens. Il prévoit également la création d’un mécanisme de financement dédié et d’un fonds de développement du commerce. Ce dernier servira, entre autres, à appuyer les nouveaux projets et à soutenir les actions communales en termes de sédentarisation des vendeurs ambulants.
La grande et moyenne distribution a aussi mérité un programme particulier. C’est un modèle très apprécié du grand public. Les responsables insistent sur son rôle dans la modernisation de l’appareil commercial et l’attrait des capitaux étrangers. Les grandes entraves au développement de ce segments restent la rareté du personnel qualifié, les difficultés d’approvisionnement en produits frais et autres produits qui passent en grande partie par le circuit informel.
« Rawaj » a les idées claires quant au développement de ce volet : en 2020, le Maroc devrait compter 600 grandes et moyennes surfaces dont 50 hypermarchés, 15 « malls » au sein desquels seront regroupés près de 3.000 magasins et 15 « Outlets » (solderies et magasins d’usines).
Pour traiter le problème logistique, il est proposé l’intégration en amont des grandes surfaces dans les filières de produits frais et le développement des marques de distributeurs qui naissent des partenariats entre ces derniers et les petites et moyennes entreprises.
Enfin, les marchés de gros de fruits et légumes, les abattoirs et halles de poissons forment le troisième segment sujet de mise à niveau. Le projet promet d’être laborieux. L’échec des nouveaux marchés, le refus des commerçants de se déplacer d’un quartier à l’autre… sont le lot de chaque tentative de réforme dans le secteur.
Le tort ne revient pas qu’aux commerçants, les communes sont en grande partie responsables de la dégradation de ces espaces. Le manque de contrôle laisse de grandes failles en termes d’hygiène et la concurrence du circuit informel ne fait qu’assombrir le tableau. Le plan apporte des recommandations d’ordre organisationnel, notamment la spécialisation des marchés en espaces de production et d’expédition, la suppression de l’obligation de passage par le marché de gros (pour les produits frais, c’est très contraignant). Le ministère veut également pousser les privés à s’intéresser à la gestion de ces marchés. Rappelons que les abattoirs de Casablanca ont toujours du mal à trouver un nouveau concessionnaire.
La première partie du chantier, à savoir le diagnostic et les recommandations, est assez complète. Ses objectifs sont, par ailleurs, assez ambitieux (voir infographie). Leur réalisation dans les délais annoncés, 13 ans, ne sera pas une tâche facile. Surtout avec le caractère transversal du chantier qui va nécessiter la collaboration et la bonne volonté d’un très grand nombre d’acteurs.
L’Economiste - Ichrak Moubsit
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