Le gouvernement d’Akhannouch revient sur les deux projets de loi sur l’échange de renseignements fiscaux et de données des Marocains résidant à l’étranger (MRE). Par la voix de son porte-parole, Mustapha Baïtas, il rassure une fois de plus les MRE.
Ainsi donc, l’attendu s’est produit. Une fois encore, une fois de plus, les responsables du dossier des Citoyens Marocains de l’Etranger « CME » ont laissé échapper une occasion pour mettre en place un véritable conseil au service de l’ensemble des CME. Après un ministère sans budget et sans vision, on leur sert un Conseil sans âme et sans contenu. Depuis l’annonce, les protestations d’une grande majorité des CME ne cessent d’affluer de par tout. Le dossier se trouve secoué une fois de plus par d’amples protestations sur la forme et le contenu de l’initiative.
Pire, la préservation de l’unité de la communauté des CME pourrait en souffrir : Une unité qui a traversée - pour des raisons qu’on sait- une dure épreuve le siècle dernier, risque d’en souffrir aujourd’hui avec la mise en place d’un conseil qui divise au lieu de rassembler. Un choc pour celles et ceux qui croyaient que de pareilles dérives ne seraient plus tolérées.
Ceci dit, sur la forme et à l’inverse de ce qu’on a pu entendre et lire jusqu’à présent, il me semble que dans l’ensemble, le choix qui parait obéir à première vue à ce qu’on peut appeler la « discrimination positive » est compréhensible au moins à mon sens. En tout cas, ce n’est pas le choix qui pose problème, mais la manière de le faire.
Il serait donc plus raisonnable de donner l’opportunité à ces personnes nommées de faire valoir leur compétence et leur savoir-faire, mais surtout leur capacité d’imposer leur point de vue dans un conseil qui semble verrouillé depuis la prise en charge du dossier par l’équipe du CCDH.
Sur le fond, il est incontestablement vrai que beaucoup de temps et de moyens ont été dilapidés pour nul résultat. Après une année de soi disant consultations du Ministère des CME, l’équipe du CCDH a nécessité une seconde année pour mener à son tour ses fameuses consultations. Consultations qui n’ont enregistrées aucune trace d’un débat productif sur la forme et le contenu du futur conseil. Pourtant, cela aurait pu constituer la base de toute consultation. Résultat, deux années de tapage médiatique pour rien.
L’installation aujourd’hui d’un conseil transitoire sur proposition de l’équipe du CCDH dont la direction est issue, est de toute évidence un échec pour cette dernière. Ce nouveau pas supplémentaire reflète à la fois l’incompétence de cette équipe et sa volonté d’hypothéquer pour quatre nouvelles années un conseil qui n’a rien de représentatif. Quel gâchis ! Pourtant, même si dans cette affaire, les analyses des connaisseurs du dossier ont été ignorées, remarques, craintes et propositions ont été exprimées dés le départ à travers divers articles, lettres ouvertes, mémorandum etc.
Si aucun contenu n’a été proposé et que les répartitions géographiques, sociodémographiques, socio-économiques, intergénérationnel ainsi que la parité ne semblent être respecté, il y a lieu de se poser des questions sur l’efficacité de la stratégie de l’équipe du CCDH, s’il en a une. En tout cas, les premières analyses révèlent des dysfonctionnements qui handicapent l’aboutissement d’une instance censée permettre aux diverses sensibilités des CME de s’exprimer et de s’épanouir. Il y a là certainement un manque de stratégie et, on est tenté de penser que la seule stratégie de l’équipe du CCDH était de ne consulter qu’amis, entourage ainsi qu’associations et personnes désignées par les services consulaires dont on connaît le passé.
Certes, faire l’unanimité n’est jamais chose facile, néanmoins contrairement à une idée reçue, il est possible de réunir une grande majorité de CME de différentes sensibilités politiques et culturelles à partir d’un concept fédérateur sans que personne ne se sente exclu. Mais nous le savons, en dehors de la volonté politique, c’est le choix des personnes et la mise en œuvre du projet qui posent problème.
En tout cas, l’équipe nommée n’a pas un discours audible. Elle sera sans doute incapable de proposer des mesures efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces d’une division prévisible entre la communauté des CME et entre celle-ci et le politique. Pire encore, elle ne voit pas ou ne veut pas voir venir cette menace. Il ne s’agit pas là, d’un procès d’intention, mais c’est une équipe qui se caractérise par l’insuffisance de vision tant politique que stratégique, ainsi qu’un manque d’intelligence pour interpréter correctement tant les propositions des élites des CME que les directives royales.
S’il est vrai que les CME constituent un gigantesque capital humain dont l’apport économique est de plus en plus important, il est vrai également qu’ils méritent un meilleur conseil aussi transitoire soit-il. En effet, un conseil sans objectifs clairs et sans stratégie pour les atteindre ne peut à mon sens que contribuer au cumul d’échecs. Un tel conseil pourrait mettre à rude épreuve la volonté des CME de continuer à jouer un rôle dynamique dans le développement du pays.
A nos responsables donc de donner la parade à cette tendance en introduisant un débat démocratique, serein, responsable et porteur d’alternatives.
Said Charchira
Directeur du centre européen des études et d’analyses sur la Migration
Ces articles devraient vous intéresser :