Consciente de son pouvoir de séduction, cette jeune femme en voulait encore plus. Elle cherchait à atteindre la perfection. L’image que lui reflétait son miroir ne lui plaisait pas. Son vilain défaut était son corps empâté. Mais, surtout, sa culotte de cheval. Comment s’en débarrasser, elle qui aime la bonne chaire et force sur les bons petits plats ? Les régimes alimentaires, elle les a tous essayés. Sans aucun résultat. Ils sont restrictifs et elle n’arrive jamais à les mener à terme. Ce qu’elle désire est une solution rapide et radicale. Un reportage vu sur une chaîne de télévision arabe satellitaire lui donne une idée. Pourquoi ne pas avoir recours la chirurgie esthétique ?
De cette trouvaille, elle en parle à une amie intime. Cette dernière l’encourage. Se croyant de bon conseil, elle lui indique même l’adresse d’un médecin à Casablanca. C’est le dermatologue Ahmed Bourra. Elle lui avoue que même si ce médecin est spécialisé dans les maladies de la peau, des cheveux et des ongles, il réussit à 100% les opérations de chirurgie esthétique. Une erreur monumentale. Cette confusion vient peut-être du fait que Ahmed Bourra est dermatologue esthétique. Une branche en dermatologie qui permet de corriger les effets du vieillissement cutané et des dermatoses défigurantes.
Dans le numéro 511 de Maroc Hebdo International, à l’occasion de la création de l’Association marocaine de dermatologie chirurgicale, médecine esthétique cosmétologie (Dermastic), dont il est président, Ahmed Bourra relève la différence. « Nous soignons la peau sans faire usage de bistouris... il y a bien lieu de faire le distinguo entre la dermatologie esthétique et la chirurgie esthétique... ».
Karima Errafi n’est pas apte à faire cette distinction. Tout ce qui importe pour elle est de gommer son défaut disgracieux. Elle se rend chez le docteur Ahmed Bourra. Leur première entrevue est concluante. Ils se donnent rendez-vous le samedi 9 février 2008. Le premier pas est franchi. Impossible de faire marche arrière.
Le jour J, la jeune fille se réveille aux aurores. Elle fait ses ablutions avant de faire sa prière de l’aube. À sa petite soeur, elle confie qu’elle se rend à Casablanca pour subir une liposuccion. Elle lui exprime aussi son inquiétude, mais se ressaisit. « Tout compte fait, ce n’est qu’une intervention de quelques minutes. Rien de bien grave. » Une autre erreur de Karima Errafi. À six heures du matin, accompagnée de son père, elle se dirige vers la station routière de Fqih Ben Saleh pour prendre l’autocar à destination de Casablanca.
À ce moment-là, sa seule appréhension est de ne pas arriver à l’heure au rendez-vous de son médecin. Elle ignore qu’elle a rendez-vous avec la mort. À neuf heures du matin, elle est au cabinet de Ahmed Bourra. Qu’est-ce qui s’est réellement passé là-bas ? Deux versions circulent. Son entourage affirme que Karima Errafi est décédée sur la table d’opération et accuse son médecin d’avoir voulu dissimuler sa mort puisque sa famille n’en a été informée que trois jours après.
Quant à Ahmed Bourra, il nie tout en bloc. Selon lui, la jeune femme est venue pour une consultation dermatologique et est décédée dans son cabinet. Les autorités ont été informées aussitôt. Le cadavre de Karima Errafi a été, ensuite, transporté à la morgue de Hay Hassani de Casablanca. Pour déterminer les circonstances de ce décès, une autopsie a été ordonnée par le procureur. Les premiers résultats montrent que la défunte porte des cicatrices au niveau des cuisses et des hanches. Ce sont les analyses finales qui révéleront si oui ou non il y a eu liposuccion. Si c’est le cas, Dr Ahmed Bourra aurait pratiqué une opération chirurgicale en l’absence d’un anesthésiste et d’un réanimateur. En plus, dans un cabinet médical et non pas dans un bloc opératoire.
De l’avis d’un professionnel de la santé, les conditions préopératoires ne seraient pas non plus favorables. « Avant de subir une opération chirurgicale, le patient doit être en repos. Alors que Karima Errafi a fait un voyage de quelques heures. Un stress non sans conséquences. »
Des questions se posent aussi sur l’état de santé de la patiente. Son bilan préopératoire comportait-il des contre-indications ? L’ a-t-elle au moins effectué avant l’intervention ?
L’affaire Karima Errafi n’a pas encore livré tous ses secrets, mais elle a le mérite de lever le voile sur la banalisation de la chirurgie esthétique.
Dans un monde où le culte du corps et la suprématie de l’apparence règnent, il n’est plus permis d’être gros et laid. Même être beau ne suffit plus. Il faut être le plus beau. Les stars du show-biz en donnent l’exemple. Les chanteuses libanaises se livrent une bataille acharnée pour rester la meilleure au top ten. Et qui dit la meilleure dit corps svelte et jeune, visage sous forme de coeur, pommettes hautes et narines à peine visible. À force de coups de bistouri, elles vont finir par avoir toutes la même tête. Quand on sait que Nancy Ajram, l’idole de la jeunesse arabe, a subi dix-sept opérations esthétiques sur tout son corps, l’étonnement n’est plus de mise devant une adolescente qui rêve d’une poitrine aguichante et mûre alors que ses seins bourgeonnent à peine. Et, lorsque qu’on voit l’hystérie que déclenche Haïfa Wehbi, plus besoin de topo pour comprendre que les lèvres pulpeuses et boudeuses sont un atout incontournable de séduction. Dans cette course du beau et du mince, la vieillesse n’a pas non plus sa place. La soixantaine désigne actuellement l’âge mur et pas le troisième âge puisque Pamela Anderson joue encore, à 40 ans, les lolitas effarouchées. Pas plus loin que le 14 février 2008, la star de la série télévisée Alerte à Malibu a fait des émules à Paris avec son spectacle de nu.
Et, que l’on ne se trompe pas, la quête de l’éternelle jeunesse et la minceur ne touchent pas seulement les sociétés occidentales, mais aussi les sociétés arabo-musulmanes. Les Marocains n’en sont pas exclus. S’il n’y a pas réellement de chiffres exacts, on estime quand même que 20.000 actes de chirurgie esthétique sont réalisés chaque année au Maroc. La liposuccion vient en tête. De l’avis des spécialistes, la chirurgie n’est plus le privilège d’une élite.
Elle concerne toutes les catégories socio-professionnelles. « Si une jeune fille trouve qu’elle un vilain nez, même si elle touche 3.000 dirhams par mois. Elle n’hésitera pas à faire des économies ou à contracter un crédit à la consommation afin de payer les frais d’une intervention chirurgicale pour corriger son défaut, comme elle ferait une épargne pour acheter un bijou. Le souci du bien-être passe avant tout » témoigne un praticien.
Les tarifs d’un acte de chirurgie esthétique sont fixés par le médecin et dépendent, bien sûr, de la nature de l’intervention. À titre indicatif, le prix d’une liposuccion du ventre varie entre 12.000 et 25.000 dhs. Contrairement aux idées reçues, la gent masculine a aussi recours à la chirurgie esthétique, particulièrement, pour traiter la calvitie et supprimer les poignées d’amour. À les voir, ils veulent tous devenir des enfants de Zeus et de Léto, parents d’Apollon.
Aujourd’hui, le plus surprenant est que faire appel à la chirurgie esthétique n’est plus un tabou. La carte de la discrétion n’est plus de rigueur. Il n’est pas rare de croiser dans un salon de coiffure une femme avec encore ses pansements sur le visage en train de louer les dons de son chirurgien esthétique.
Cette obsession du beau, aidée par la banalisation de la chirurgie esthétique, fait oublier qu’une liposuccion ou un lifting est avant un acte chirurgical comportant un risque. Beaucoup l’apprennent à leurs dépens. Karima Errafi en fait partie.
Loubna Bernichi
Le botox engendre des effets dangereux
L’agence américaine du médicament tire la sonnette d’alarme sur le Botox. Dans un communiqué rendu public, le 15 février 2008, la Food and Drug Administration rapporte que l’usage de la toxine botulique, commercialisée sous le nom de Botox, pourrait avoir des effets dangereux, voire mortels. La FDA a eu connaissance de rapports portant sur des réactions graves qui affectent l’appareil respiratoire, en particulier. L’autorité américaine de surveillance du médicament ne va cependant pas jusqu’à interdire cette substance utilisée par des millions de personnes dans le monde pour gommer leurs rides de vieillesse. Le Dr Russell Katz, qui dirige la division des produits neurologiques de la FDA, a précisé qu’aucun patient ayant utilisé du Botox à des fins esthétiques ne figure parmi les victimes recensées, mais il a demandé la plus grande vigilance tant de la part des médecins que de leurs patients. Les cas d’intoxication les plus sérieux se sont produits chez des patients à qui la toxine botulique a été injectée à des fins thérapeutiques, c’est-à-dire à des doses beaucoup plus élevées qu’en usage cosmétique.
Il est à rappeler que le Botox est injecté par une fine aiguille pour paralyser les muscles des zones traitées et la peau paraît immédiatement plus rajeunie et plus lisse. En général, l’effet dure 3 mois. Malgré son succès planétaire, ses effets secondaires restent encore inconnus surtout quand on multiplie les injections.
Source : Maroc Hebdo - Loubna Bernichi