Face au boycott des produits américains, les détaillants demandent à leurs fournisseurs de s’approvisionner dans les pays comme le Maroc, l’Espagne, le Portugal et le Mexique. « On a des magasins qui nous ont acheté 10 boîtes de céleris qui viennent de la Californie, lundi. Normalement, ils achètent 10 boîtes tous les deux jours. Là, ils n’en ont pas racheté, car il leur reste la moitié des céleris. Le niveau du boycott, ils le découvrent au fur et à mesure qu’ils avancent. Quand on a une situation comme celle-là, il y a toujours une réponse rapide et forte. Après, ça s’atténue. Est-ce que c’est ça qui va se passer ? », a déclaré à La Presse, Guy Milette, vice-président exécutif de Courchesne Larose, grossiste et importateur de fruits et légumes.
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Les détaillants confirment une baisse notable de la vente des produits américains ces dernières semaines. Ceci, en raison de l’imposition de droits de douane par Washington sur les produits canadiens. De plus en plus de consommateurs canadiens préfèrent les produits locaux ou se ruer sur les poivrons marocains, les agrumes d’Espagne, ou le brocoli du Mexique. « Nos clients nous ont clairement fait part de leur souhait [d’avoir] des produits canadiens », a confié Michael Medline, président et chef de la direction d’Empire (IGA). Chaque année, Empire importe environ 12 % de ses produits des États-Unis. Mais depuis l’année dernière, « ce chiffre de 12 % a diminué et continuera de diminuer à mesure que nous adaptons notre offre pour répondre à la demande croissante de nos clients pour des produits canadiens et non américains », a-t-il ajouté.
Le constat est le même dans les supermarchés, confirment les grossistes en fruits et légumes. Ce boycott des produits américains devrait profiter aux entreprises canadiennes comme Canadawide et Courchesne Larose. « Courchesne a introduit au Québec la clémentine du Maroc en 1971. On est un peu un pionnier dans l’importation internationale et on fait déjà affaire avec plus de 45 à 50 pays. On a un très, très bon réseau », assure Milette. Et Mario Lalancette, directeur général de l’Association québécoise de la distribution de fruits et légumes (AQDFL) de renchérir : « Les grossistes ont toujours un plan A, B ou C. Même quand il n’y a pas de guerre commerciale, il y a toujours une inondation ou une sécheresse quelque part. Ils sont capables de se retourner sur un dix sous rapidement. »
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Par ailleurs, l’importation de produits américains revient plus chère. Il est recommandé par exemple de s’approvisionner en agrumes d’Espagne que de Californie. « Si je regarde les 10 dernières années, les produits d’Espagne sont entre 10 % et 35 % moins chers que les produits de la Californie. Un camion de la Californie, pour venir jusqu’ici, coûte entre 7 000 et 10 000 dollars canadiens, tandis qu’un conteneur qui vient d’Espagne va coûter entre 5 000 et 7000 dollars canadiens. Déjà en partant, on a 3 000 dollars de différence, donc 3 dollars par caisse », détaille Milette, craignant toutefois une pénurie pour certains produits comme le melon, ou une cherté et une mauvaise qualité pour d’autres comme le brocoli.
« Il va falloir que les gens qui veulent faire un boycott soient conscients que tout vient avec un prix », souligne en outre le vice-président exécutif de Courchesne Larose, assurant que le contact est maintenu avec les fournisseurs américains. « On ne brûle jamais nos ponts. Si on brûle nos ponts, on ne sera pas capables de rentrer à la maison. Les producteurs américains savent qu’on est dans une tempête. Ils comprennent. Ils ne portent pas la présidence actuelle dans leur cœur. C’est crève-cœur de délaisser certains producteurs. Mais on sait qu’un jour, le boycott va se terminer. »