La pénurie de médecins persiste au Maroc. Par ailleurs, la réduction de la durée de formation en médecine suscite actuellement une vive protestation de la part des étudiants.
En 2003, tous les amazighophones ont crié victoire. La langue amazighe et le tifinagh seront enfin enseignés à l’école et généralisés les années suivantes à l’ensemble du territoire national. Le discours royal de 2001 et le partenariat avec le ministère de l’Education nationale signé en 2003 ont amplement contribué à concrétiser les choses. Enfin, la langue et la culture amazighes vont retrouver leur place au sein de la société. Mais très vite, les premiers espoirs font place aux déceptions.
Si aujourd’hui, l’enseignement de l’amazigh en est à sa quatrième année, sur le terrain, le bilan est loin d’être positif.
« Il y a beaucoup de problèmes. C’est l’anarchie totale. Les enseignants qui doivent en principe bénéficier des formations sont pour la plupart déjà en fonction et nous n’avons que 15 jours de formation par an pour les former et leur enseigner la langue. Ce qui n’est pas du tout suffisant. Par-dessus le marché, certains des enseignants sont arabophones et n’ont aucune connaissance de la langue amazighe... Dans certaines régions, ils représentent parfois 40 % des enseignants choisis par le ministère de l’Education nationale. Ce qui pose un problème puisque 70 % des séances de l’enseignement amazigh sont orales. Ils ne sont pas motivés et pour la plupart, c’est sur ordre du directeur d’école qu’ils assistent aux formations.
Et dire que nous avions convenu avec le ministère de choisir que des berbérophones. Alors, c’est soit un domaine qui échappe au ministère soit un désintérêt total », s’indigne Meryam Demnati, chercheur au centre de la recherche didactique et des programmes pédagogiques au sein de l’IRCAM, dont la mission est l’élaboration des manuels scolaires et des supports pédagogiques, et la mise en place de plans de formation pour les instituteurs et les inspecteurs.
Quant au rôle du ministère de l’Education nationale, celui-ci consiste à déterminer le nombre de professeurs qui devront assurer les cours d’amazigh ainsi que les écoles, l’élaboration des emplois du temps en intégrant la nouvelle discipline, la planification des programmes de formation, le choix de l’imprimeur et la distribution des manuels scolaires amazigh...
Or, suite aux différentes missions sur le terrain des responsables de l’Ircam, le constat est désolant. Les manuels scolaires restent introuvables sur le marché. « Le ministère a oublié d’inscrire le manuel amazigh dans la liste officielle des livres à acheter par les écoliers. Du coup, personne n’a pu se procurer les livres. L’année 2005/2006 a été une année blanche. Les manuels des premier, deuxième et troisième niveaux du primaire étaient introuvables. Et ce n’est pas la première fois. Déjà en 2004, le ministère avait annoncé que les manuels seront distribués gratuitement dans les écoles mais pendant toute l’année, il n’y a rien eu », continue Meryam Demnati.
Quant à l’emploi du temps et l’intégration de l’enseignement de l’amazigh, rien n’a été fait non plus.
Certains directeurs d’école refusent d’introduire l’amazigh, d’autres, au lieu de consacrer à cette langue trois heures, tel que cela a été stipulé par le ministère, ne lui dédient qu’une heure et demie.
« Les professeurs disent ne pas avoir assez de temps pour inclure cette matière. L’emploi du temps étant déjà bouclé », poursuit Meryam Demnati.
Autre obstacle à l’enseignement de l’amazigh, la discontinuité. En effet, les enfants qui ont bénéficié d’un tel enseignement en première année, s’étonnent que l’année suivante il n’y ait rien. Ils « sont passés » en deuxième, ensuite en troisième, mais leur langue maternelle peine à faire de même.
Selon Meryam Demnati, parfois les cours sont assurés pour la deuxième année alors que les élèves n’ont jamais étudié l’amazigh en première année. « Nous avons l’impression que l’enseignement de l’amazigh est pris à la légère. Je pense que s’il n’y avait pas eu le dahir et l’Institut royal, l’enseignement de l’amazigh aurait été reporté indéfiniment. On trouve des obstacles partout : les délégués, les enseignants, le ministère. Les choses ne sont pas encore claires et nous avons encore beaucoup de pain sur la planche », dit-elle.
En juillet dernier, l’Ircam et le ministère de l’Education nationale se sont réunis pour plancher sur ces problèmes et essayer de trouver des solutions. Ainsi, un document a été élaboré dans lequel sont établis les emplois du temps, les horaires à respecter quant à l’enseignement de la langue amazighe, des notes de services, des notes ministérielles... Ces directives devront en principe servir de feuille de route pour les directeurs d’école et les enseignants. « Cette année est décisive, si on ne s’attelle pas tout de suite à la tâche, on ne pourra plus rattraper le retard », conclut Meryam Demnati.
A l’heure où nous mettons sous presse, la réponse du ministère de l’Education nationale, nous est toujours pas parvenue. Normalement, d’ici 2010 tous les niveaux du primaire et du secondaire seront couverts par la langue amazighe. Plus que quatre ans pour relever le défi !
Propositions de l’Ircam
Selon l’Institut Royal de la culture amazighe (Ircam), pour relever le défi d’introduire la langue amazighe dans l’enseignement, de la généraliser et lui donner la même importance que l’arabe ou le français, il est impératif qu’elle soit intégrée et enseignée dans les centres de formation des instituteurs, à l’Ecole nationale supérieure et donc par conséquent à l’Université.
« Pour intégrer le CFI ou l’ENF, il faut être titulaire auparavant d’un Deug ou d‘une licence. Or l’Université refuse de nous ouvrir les portes. Les différentes discussions que nous avons eues avec le ministère n’ont abouti à rien du tout.
De notre côté, nous souhaitions qu’un département de la langue et de la culture amazighe soit intégré dans les universités. Quant au ministère, il nous propose de créer une filiale ou juste un module à cause du manque de moyens. Ce n’est pas normal », explique Meryam Demnati.
Le considérant comme une langue à part entière, possédant un alphabet, le tifinagh, qui existe depuis au moins 4.500 ans, les amazighophones exigent que l’amazigh soit considéré et traité de la même façon que les autres langues. Et au même titre que les professeurs d’arabe, de français ou d’anglais, les enseignants qui auront pour mission d’inculquer l’amazigh aux élèves doivent être formés à la base.
Car ce n’est certainement pas avec 5 jours ou même 15 jours de formation par an qu’ils réussiront à maîtriser tous les secrets de cette langue !
Dounia Z. Mseffer - Le Matin
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