Maroc : le marché des véhicules neufs face à une crise de l’offre
Le marché des véhicules neufs au Maroc fait face à une crise induite par un déséquilibre de l’offre et de la demande. La situation pourrait se rétablir au deuxième semestre 2022.
Il est des décisions gouvernementales immédiatement sanctionnées par les consommateurs. Celle du ministère des finances d’augmenter de dix points le taux de TVA sur les mensualités au titre de la location avec option d’achat (LOA) en fait partie. Déjà, les constructeurs qui commercialisaient le plus de véhicules par le biais de la LOA en font les frais. « Les gens s’estiment bernés », explique, désabusé, Younès Iraqi, DG des ventes de Toyota. Selon lui, la difficulté sur le terrain consiste à redonner confiance aux acheteurs. La marque japonaise commercialisait d’ailleurs quelque 50% de ses véhicules importés avec cette formule de crédit. M. Iraqi évalue la baisse des ventes à quelque 20% par rapport au rythme normal.
Même son de cloche du côté de Fiat, pour qui la formule LOA représentait 45% des ventes ! Les responsables voyaient ce phénomène se profiler depuis quelques mois. « Il faut bien faire la différence entre les clients particuliers et les entreprises », explique Rachid Lalaoui, à juste titre d’ailleurs, puisque la LOA est un mode de financement destiné exclusivement aux particuliers, les entreprises, elles, utilisant davantage des formules classiques comme le leasing et, de plus en plus, la location longue durée (LLD). Raison pour laquelle les ventes de véhicules utilitaires importés continuent sur leur trend haussier et ne sont pas concernées outre mesure par cette crise du marché automobile.
Selon un expert du secteur, le ralentissement des ventes est lié au surendettement des ménages
Pourtant, même les entreprises qui commercialisent un faible pourcentage de véhicules au moyen de la LOA ressentent les effets de sa réévaluation. Pour Hatim Bouazer, responsable de marque à Auto Nejma, on observe les effets sur les clients, « qui ne savent plus où ils en sont ». Il estime la baisse du rythme de vente à quelque 25% du rythme normal. Etant donné que cela donne à réfléchir aux clients, de nombreuses opportunités de vente ne se sont pas concrétisées.
Pour le moment, les spéculations vont bon train sur les mesures attendues du gouvernement pour remédier à la situation. Certains s’attendent à une suspension de la rétroactivité. D’autres à une hausse de la TVA de 5 points au lieu des 10 points annoncés. Mais certaines entreprises de financement ont déjà tiré les leçons du passé avec une nouvelle formule de financement comme Taksit, de Wafasalaf, qui est une déclinaison de Mourabaha.
Par ailleurs, la LOA devenant plus chère, elle restera surtout abordable pour les classes aisées. Or, comme le fait remarquer M. Iraqi, celles-ci disposent de cash et « les plus fortunés choisissent de financer leur véhicule au comptant » plutôt que de devoir payer un surcoût important généré par les intérêts des formules de financement classiques. D’ailleurs, chez Renault, on constate déjà une hausse de 10% sur les ventes au comptant.
L’autre phénomène que l’on constate est la prolongation de la durée du crédit de manière à baisser la valeur de la mensualité afin de la ramener à un niveau acceptable.
Du côté de la société de financement de Renault, RCI Finance Maroc, on essaie de pallier la difficulté grâce à des prix revus à la baisse et à des packages. « Nous travaillons sur des offres comprenant le financement du véhicule, l’assurance automobile, l’assurance décès du client et l’extension de garantie », expose Laurent Laffond, DG de RCI. ependant, ce responsable est réaliste : « Il est impossible de proposer une offre de financement basée sur la LOA aussi attrayante que l’année dernière ».
On assiste à un nivellement par le bas du marché automobile
On aurait également observé des annulations de commandes des consommateurs. « Cela est plus conjoncturel que lié à la LOA », explique un expert du secteur. Selon lui, le surendettement serait le principal facteur du ralentissement des ventes de véhicules. Les clients n’ayant pas la marge de manœuvre qui leur permettrait de supporter les charges, ils s’abstiennent.
Résultat : le malheur des uns fait le bonheur des autres. Ainsi, du côté de Renault, on affirme que les ventes se reporteraient des véhicules importés vers le montage local. Un nivellement par le bas, les consommateurs préférant des véhicules moins onéreux, donc moins prestigieux. Les autres gagnants seraient donc les véhicules d’entrée de gamme. Du côté de Suzuki, on assiste d’ailleurs à une rupture de stock sur l’un des modèles les moins chers du marché : la Suzuki Maruti. Enfin, les experts sont unanimes sur le report massif des intentions d’achat vers les véhicules d’occasion, un marché qui avait été mis à mal par la Dacia Logan et les utilitaires montés sur les chaînes de la Somaca, et qui retrouve une nouvelle vitalité. « Ce report sur l’occasion concerne davantage les clients de l’entrée de gamme, pour lesquels le prix est un facteur déterminant », explique un professionnel du secteur.
En tout état de cause, si l’effet LOA est indéniable, les experts du marché préfèrent attendre avant de se prononcer et mettent en avant deux arguments : d’une part, il y a déplacement de la demande vers le bas prix, donc les volumes resteraient relativement préservés, d’autre part, certains consommateurs attendraient la tenue du salon de l’auto (en mai 2008), période propice à des offres de prix intéressantes. En résumé, « il sera difficile pour le marché de l’automobile de réaliser une croissance à deux chiffres. Mais il continuera sur son trend haussier », analyse M. Laffond. Il faut dire que chez Renault, on a la Logan, et que les autres concessionnaires ne sont pas aussi optimistes.
Source : La vie éco - Noredine El Abbassi
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