Trois ans de règne à tenter de moderniser le pays le plus pauvre du Maghreb

29 septembre 2002 - 20h18 - Maroc - Ecrit par :

Ce sont 14 millions d’électeurs marocains qui sont appelés ce vendredi à désigner les 325 députés de la Chambre des représentants. 26 listes sont en compétition dans un scrutin que le régime annonce comme le plus transparent de l’histoire du Maroc.

Retour sur trois années de règne de Mohammed VI, jeune roi à l’origine de cette ouverture.

« Ce roi est un beau rêve. » La confidence n’est pas d’une jeune Casablancaise émoustillée par le look parfois branché de Mohammed VI, mais d’un ancien détenu politique. Ali Kidrissi-Kaitouni a connu de 1982 à 1991 les geôles d’Hassan II. L’ancien roi n’avait pas apprécié l’un de ses poèmes. Aujourd’hui, Ali ne tarit pas d’éloges sur celui qui a accédé au trône le 23 juillet 1999 : « Il est démocrate, tolérant et l’on ne risque plus la prison pour des écrits jugés déplaisants. »

Qu’en est-il d’el badil (changement), ce mouvement initié par le jeune roi depuis trois ans pour rompre avec les années de plomb de l’ère Hassan II ? Les apparences plaideraient plutôt en la faveur de celui que les jeunes générations surnomment affectueusement M6. Une nouvelle image du roi et de la monarchie a émergé, humanisée, démythifiée. Ses sorties en public sont nombreuses, et la gestion approximative de son mariage avec Salma Bennani ainsi que le déroulement chaotique des festivités ont plu aux Marocains puisque c’est ainsi qu’ils unissent leurs fils et filles, dans un désordre très local. Le choix de la mariée, hors alliance politique, est une nouveauté et indique, souligne un sociologue, que « les impératifs politiques cèdent désormais le pas aux préférences individuelles ».

A Casablanca, la capitale économique, on arpente les trottoirs téléphone portable en main. Les jeunes cadres, y compris les femmes, déjeunent entre deux rendez-vous aux terrasses des cafés, délaissant le traditionnel repas en famille. Le roi s’est entouré de quadras bardés de diplômes et convaincus que les effets de la mondialisation seront un jour bénéfiques. Des technocrates ont pour mission d’impulser l’économie locale à l’image des 9 walis (préfets) que Mohammed VI a nommés en juillet 2001, sans demander l’avis du gouvernement que dirige Abderrhamane Youssoufi.

Mais les effets se font attendre, et le Maroc demeure le pays le plus pauvre du Maghreb. Le chômage est endémique, le taux d’analphabétisme est phénoménal (50%) et les bidonvilles croissent à la lisière des villes. Alors les Marocains quittent par vagues continuelles le pays en patéras (embarcations de fortune) ou en Boeing.

Si sa cote de popularité demeure élevée, Mohammed VI la doit en grande partie à son gouvernement. La vindicte populaire épargne le roi et se retourne contre l’exécutif accusé de tous les maux. A cet égard, ce que confie Aïcha Ech-Channa, figure emblématique de la lutte des droits de la femme, est édifiant : « Le roi m’a dit que seul il ne pouvait changer les choses et qu’il fallait que nous, société civile et associations, l’aidions. » La conversation tournait autour de la Mudawana (code de la famille) qui continue à faire des Marocaines d’éternelles mineures. Le roi a promis de la réformer mais ferait face à des réticences des forces conservatrices et des islamistes. A son actif cependant, une nouvelle loi électorale qui réservera au parlement 30 sièges aux femmes. Le Maroc passera ainsi de la dernière à la première place dans l’échelle de la représentation féminine des pays arabes.

Idem pour le dossier droits de l’homme : le roi a autorisé le retour au pays de l’opposant Abraham Serfaty, mais les négociations autour de l’inventaire du passé mené par l’un de ses proches n’aboutissent pas, certains mammouths craignant que ne surgisse un chapelet de crimes contre l’humanité. De son côté, le Code de la presse demeure restrictif. « Notre roi est sincère, mais sa marge de manœuvre est sans doute maigre », affirme Aïcha. C’est oublier que dépendent directement du Palais les fameux Ministères de souveraineté (intérieur, justice, affaires étrangères et religieuses) qui renvoient à une prééminence du roi sur beaucoup de secteurs. Puisqu’il s’agit décidément de protéger ce jeune roi au visage humain, on évoque ces figures rétives au changement qui refont surface, comme Driss Basri, l’ancien serviteur absolu de Hassan II, que Mohammed VI avait évincé sans ménagement.

Le Temps

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Croissance économique - Mohammed VI - Elections - Développement

Ces articles devraient vous intéresser :

Après leur exploit à la CAN U17, les Lionceaux reçoivent les félicitations du roi Mohammed VI

Le Roi Mohammed VI a adressé un message à l’équipe nationale, après la victoire du Maroc à la Coupe d’Afrique des Nations U-17 2025 organisée sur son sol.

Maroc : des villageois lancent un appel au roi Mohammed VI

Les habitants d’un village touché par le puissant et dévastateur tremblement de terre, sont en colère contre le gouvernement à cause de l’aide d’urgence qu’ils affirment ne pas avoir encore reçu. Ils appellent le roi Mohammed VI au secours.

En Espagne, l’appel du roi Mohammed VI divise

À Melilla et Ceuta, l’appel du roi Mohammed VI, commandeur des croyants, à ne pas sacrifier de moutons pendant l’Aïd Al-Adha cette année, reçoit un écho favorable mais certaines voix se font entendre.

Lalla Latifa : le palais royal réagit à l’utilisation de fausses photos

Le ministère de la Maison royale, du Protocole et de la Chancellerie met en garde contre l’utilisation de fausses photos de la princesse Lalla Latifa, veuve de feu Hassan II et mère du roi Mohammed VI décédée samedi à l’âge de 78 ans.

Moody’s note l’économie marocaine

L’agence de notation internationale Moody’s Rating a confirmé vendredi la note Ba1 du Maroc, notant que les perspectives économiques du royaume « restent stables ».

Un coup de pouce bienvenu pour les commerçants marocains

Suite à la directive de Bank Al-Maghrib (BAM) publiée le 25 septembre 2024, qui plafonne désormais le taux d’interchange domestique à 0,65%, le Centre monétique interbancaire (CMI) a été contraint de s’aligner.

Un projet du roi Mohammed VI concernant les MRE en souffrance

Annoncée en novembre 2024 par le roi Mohammed VI lors de la commémoration de la 49e Marche verte, la création de la Fondation Mohammedia pour les Marocains résidant à l’étranger peine à devenir réalité alors que les problèmes administratifs auxquels...

Emmanuel Macron prépare une visite officielle au Maroc

La relation entre la France et le Maroc, après une période de tensions, semble se diriger vers un apaisement et cela pourrait même aboutir à la visite au royaume du président Emmanuel Macron très prochainement.

Fitch Ratings note l’économie marocaine

Fitch Ratings, agence américaine de notation, a confirmé la note de défaut de l’émetteur à long terme du Maroc en devises étrangères (IDR) à ‘BB+’ avec perspectives stables.

Bientôt une plateforme pour aider les MRE à investir au Maroc

Karim Zidane, ministre délégué chargé de l’investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques, encourage les Marocains résidant à l’étranger (MRE) à davantage investir au Maroc, soulignant la nécessité pour le royaume...