Ces mesures prendraient alors différentes formes dont le relèvement du budget de l’Office national marocain du tourisme (Onmt) pour les années 2010 et 2011, et l’octroi par les banques de taux bonifiés aux investisseurs.
Il faut dire que même si le Maroc résiste par rapport à certains de ses concurrents méditerranéens (l’Egypte, par exemple, accuse une baisse de 30%), les chiffres officiels de la situation à la fin du mois de février sont plutôt inquiétants. Pour le deuxième mois de l’année, en effet, les nuitées dans les établissements d’hébergement classés ont chuté de 10% par rapport au même mois de l’année précédente, suite à la baisse de 11% de celles réalisées par les non-résidents. Plus grave, les arrivées de touristes étrangers, jusque-là stables, en dépit de la baisse des nuitées, se sont dépréciées de 2%. Une baisse heureusement amortie par les MRE dont le nombre a augmenté de 27%.
Toutes les destinations touristiques ont affiché des nuitées en baisse, à l’exception de Fès et Meknès qui ont terminé le mois de février avec des hausses respectives de 14% et 8%. Le plus grandes destinations touristiques restent cependant dans le creux. A Marrakech, les nuitées ont fléchi de 18% et Ouarzazate bat tous les records avec une baisse de 31%. Casablanca, Rabat, Tanger s’en sortent relativement mieux avec des pertes de 4, 8 et 11%. Quant aux principaux marchés émetteurs, la baisse n’en a épargné aucun. Les nuitées réalisées par les Français ont reculé de 9%, celles des Britanniques de 31% et celles des Espagnols de 11%.
Pratiquement la même configuration prévaut sur les deux premiers mois de l’année pris dans leur ensemble. Les nuitées ont baissé de 6%, comparativement à la même période de 2008, et le taux d’occupation moyen des hôtels classés plonge de 4 points, à 36%. Pour compléter ce tableau qui s’assombrit de jour en jour, les recettes voyages, elles, ont plongé de 24% au terme des deux mois, d’après les statistiques de l’Office des changes.
Cette conjoncture a évidemment déteint sur le comportement des opérateurs touristiques, notamment les hôteliers qui, pour parer au plus pressé, ont accordé des baisses de prix de 7 à 10% en moyenne, selon certaines estimations. Ils n’hésitent même plus à accorder des remises sur des tarifs déjà considérés comme promotionnels, avec des conséquences fâcheuses sur le chiffre d’affaires. Conséquence : le nombre d’opérateurs hôteliers dont le chiffre d’affaires accuse une baisse de 20% est de plus en plus important. Rappelons que c’est sur la base de ce critère de dégradation du volume d’activité que l’Etat a fixé l’éligibilité au plan d’urgence pour le textile, l’automobile et le tourisme.
Les tour-opérateurs deviennent plus exigeants
Pour éviter le pire, les opérateurs, avec l’aide du ministère de tutelle, sont désormais obligés d’aller eux-mêmes chercher les touristes. En ces temps de crise, les tour-opérateurs des pays émetteurs ont sensiblement réduit leurs budgets de promotion et se contentent de programmer les destinations qui sont sollicitées, au lieu d’inciter les clients à opter pour un pays donné. « Cette tendance va se poursuivre et, de plus en plus, les TO vont demander aux pays récepteurs de venir faire la promotion de leur destination dans les marchés émetteurs mêmes », explique Othman Chérif Alami, président de la Fédération nationale du tourisme (FNT).
Que faire dans ce contexte difficile caractérisé par un recul ou une mise en veilleuse des investissements - les difficultés du plan Azur en témoignent ? Selon le président de la FNT, il est nécessaire de réviser à la hausse le budget de promotion pour attirer le plus de vols vers le Maroc. S’agissant du plan Azur, tout en relevant qu’il connaît des retards et des problèmes de financement, M. Alami affirme qu’il « doit être sauvé par les investisseurs nationaux comme c’est le cas pour les stations de Saidia et Lixus, quitte à revoir certains variables comme le coût du terrain par exemple ». Mais il faut se rendre à l’évidence qu’en 2010 seulement 6% des lits prévus dans le cadre du plan Azur seront mis sur le marché, prévoit-il.
Cependant, les professionnels ne sont pas tous d’accord sur la nécessité d’un plan d’urgence. Ainsi, contrairement à ceux qui soutiennent l’idée, d’autres pensent, en revanche, qu’après une période de croissance exceptionnelle, le secteur du tourisme peut résister au moins une année sans mesures particulières. Ces derniers considèrent qu’il faut attendre de voir si la crise persistera dans les 8 mois à venir, c’est-à-dire l’été de 2009, avant de réclamer des mesures de soutien.
En tout cas, il est recommandé de mettre sur pied, dans la sérénité, des batteries de mesures à actionner par paliers selon la gravité de la crise qui, selon des experts, pourrait durer de un à trois ans.
Focus :Un problème de modèle économique également ?
Le marasme dont souffre le secteur hôtelier n’a pas pour unique cause la crise qui sévit en Europe. Les chiffres officiels parlent certes de baisse des nuitées, mais ces dernières concernent les hôtels classés. Combien de touristes étrangers vont dans les riads, séjournent chez des amis ou encore louent directement chez l’habitant ? Le ministère du tourisme, pour tenter de refléter le nombre réel de nuitées, pondère les chiffres fournis par les hôtels de 2 points à la hausse parfois trois. Mais le fait est que c’est le brouillard complet.
Selon un sondage effectué en janvier dernier par l’Observatoire du tourisme à l’aéroport de Marrakech-Menara, 50% des touristes étrangers débarquant dans la ville ocre ont affirmé ne pas se rendre dans un hôtel ! Séduits par des prix discount et des offres de dernière minute, les touristes ont délaissé les tour-opérateurs classiques pour acheter leur séjour directement sur internet auprès du propriétaire d’un appartement ou du gérant d’un riad. Or, peu d’hôteliers classiques ont investi aujourd’hui le champ de la vente par internet.
Source : La vie éco - Mohamed Moujahid