L’artiste marocain Hatim Ammor a informé ses abonnés sur Instagram qu’il se prépare à subir une intervention chirurgicale.
Entre Tawfik Ouldammar et le jazz, c’est une longue histoire d’amour, qui n’en finit pas de se renouveler. Une romance qui débute dans les années 70 : le jeune homme est alors un fan assidu de concerts de jazz régulièrement donnés dans les bases militaires américaines installées au Maroc, des soirées gratuites où les novices pouvaient se frotter à des musiciens plus expérimentés.
Il en gardera à jamais une passion pour la musique des la Nouvelle-Orléans, qu’il décide de satisfaire non seulement en tant que mélomane, mais aussi comme musicien. Et pour Tawfik, ce sera le piano, instrument-étalon sur lequel il jette son dévolu en autodidacte, s’exerçant sur ses coups de cœur en notes, de Petrucciani à Chick Corea, en passant par Herbie Hancock.
Des références du jazz classique et libre, qu’il emmène dans ses valises pour s’installer à Toulouse, en France, où il poursuit des études d’architecture. Dans la ville rose, il tâte quand même du jazz rock, vogue du moment, mais seulement “pour se faire un peu d’argent de poche”. Car en puriste, Ouldammar ne conçoit pas le jazz comme une musique festive, ni le piano, “instrument qui se suffit à lui-même”, comme un simple outil d’accompagnement.
Dès son retour au Maroc, en 1980, l’homme s’attelle à développer sa propre vision du jazz, qu’il veut à la fois minutieux et novateur. Hermétique aux clichés, il refuse ainsi que le piano soit étroitement associé aux rythmiques occidentales. Il n’hésite pas à en distiller des harmonies orientales et des musiques “exotiques”, sans céder à la tentation du faux métissage et du folklore facile. “Aujourd’hui, toutes ces musiques qu’on appelle fusion se résument à de simples collages. C’est malheureux : la musique n’est pas étudiée et on sent à l’écoute qu’il y a deux mondes qui jouent en même temps”, déplore le pianiste.
Sa quête, ce serait plutôt d’imbriquer les genres, de fondre les styles pour en faire une seule et même musique. Il se lance dans l’exploration des rythmes marocains, des Ahwash aux Issawa, des Gnawa à la musique andalouse, flâne dans un va-et-vient incessant entre les sonorités et les climats, dans le but de faire naître de nouvelles ambiances, couleurs et émotions. “J’œuvre à créer de la musique descriptive. Quand on l’écoute, c’est un peu comme si on lisait un livre”, détaille-t-il.
Tableaux sonores
Des tableaux sonores que Tawfik Ouldammar avoue préférer peindre en solitaire : “Le jazz est pour moi une musique personnelle”, argumente-t-il. Pour autant, le pianiste ne rechigne pas à se faire accompagner, de temps à autre, d’autres musiciens, notamment pour mieux approcher son public. “La présence d’un contrebassiste et de percussions aide les gens à mieux comprendre la musique, à la suivre plus facilement”, justifie-t-il. Il lui est ainsi souvent arrivé de papillonner, d’une formation à l’autre, le temps de développer un nouveau son, une nouvelle approche du jazz.
Après Jamaâ El Fna, enregistré en quartet, dans un style que ne renierait pas un Keith Jarrett, le pianiste se réfugie à nouveau dans sa tour d’ivoire, opérant un retour au sacro-saint instrumental. En naîtra un second album, 100% solo, intitulé Evasoudaya, que Ouldammar sortira bientôt en autoproduction. Au programme : de l’évasion, comme le suggère le titre, mais surtout une approche différente de l’écriture musicale et de sa complexité. Une musique conceptuelle, où le compositeur s’applique, en bon architecte, à construire tout un univers autour de son idée mélodique. Soucieux d’expliciter ses démarches, Ouldammar joint des commentaires écrits à ses pièces musicales et s’abandonne à des analyses quasi philosophiques. “La musique doit échapper à tout conservatisme et s’inscrire dans une démarche dynamique qui favorise le dialogue et stimule l’originalité”, écrit-il dans le texte de présentation de l’album. Des mots (“parce qu’on ne peut pas tout écrire en musique”, explique-t-il) qui accompagnent les partitions, comme pour exprimer avec le plus de justesse possible l’idée, l’émotion qu’il entend faire passer, avant de laisser parler la musique. “En matière de jazz, un enregistrement permet, contrairement aux partitions, de laisser sa trace. Une trace fidèle, que d’autres pianistes pérenniseront. Peut-être”.
Source : TelQuel - Ayla Mrabet
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