L’espoir sur grand écran

15 décembre 2008 - 15h40 - Culture - Ecrit par : L.A

Le quartier de Sidi Moumen, à Casablanca, a mauvaise réputation depuis les attentats terroristes de 2003. Mais l’espoir renaît grâce notamment à l’école de cinéma qui s’y est installée, témoigne Io Donna.

Il y a quelques années encore, Sidi Moumen était simplement la banlieue. Puis vinrent les attentats, les raids de la police et une réputation qui, à Casablanca, au Maroc et dans le monde entier, désigne ce quartier comme un nid de fondamentalistes. "On ne parle de nous que pour les terroristes", regrette Nabil, 24 ans. "Mais ici il y a beaucoup de gens bien." Nabil sourit à tout le monde, il se faufile entre les maisons et connaît chaque coin de ce quartier éloigné du centre, éloigné de l’immense mosquée Hassan II et de la promenade de Casablanca où, tôt le matin, on fait son jogging comme à Miami ou à Tel-Aviv : "Tu vois ce garage ? C’était un café Internet, mais l’année dernière un garçon l’a détruit en se faisant sauter en l’air. Lui seul est mort." Les treize auteurs des attentats qui, le 16 mai 2003, firent 30 morts et plus de 100 blessés à Casablanca venaient d’ici. Et c’est d’ici que venaient aussi les terroristes du 11 mars 2004 à Madrid. "Mais il ne faut pas t’imaginer des choses, sourit Nabil. Dans ce quartier on se sent tellement bien que même ceux qui ont fait fortune continuent à y vivre."

A Sidi Moumen il y a de tout : 300.000 habitants, des maisons blanches, des baraques, beaucoup de problèmes et quelques points d’excellence. Comme le marka, un plat de poulet, de petit pois et de safran, que notre guide nous offre dans le salon de sa maison. Ou l’Ecole des métiers du cinéma que le roi Mohammed VI vient d’inaugurer boulevard Lalla Asma. "Du jamais-vu à Sidi Moumen", disent les jeunes qui attendent leur leçon de montage. "Ni même dans tout le Maroc." Le cinéma au Maroc, c’est de l’art, du travail, un futur. Une alternative au rêve européen pour ceux qui font la queue aux consulats ou tentent leur chance du côté de Gibraltar. Ces dernières années, l’Atlas et les villes impériales sont devenus Jérusalem pour Croisades de Ridley Scott, Babylone pour Alexandre d’Oliver Stone, Mogadiscio pour Ilaria Alpi, avec Giovanna Mezzogiorno, le Tibet, la Rome impériale, Bagdad pour les grosses productions hollywoodiennes qui recréent la guerre en Irak. La croissance est exponentielle : en 2005 les productions étrangères ont investi 24,7 millions d’euros, et sur les six premiers mois de 2008 on en était déjà à près de 73 millions.

Pour les professionnels du cinéma, le Maroc est un pays qu’il serait insensé de quitter. "Le problème, c’est que nous avons des réalisateurs et des scénaristes, mais nous manquons de cameramans, de monteurs et de maquilleurs", explique Hamid Basket, réalisateur et producteur, qui dirige l’école de cinéma de Sidi Moumen. L’idée est de lui, les 400 000 euros pour la réaliser ont été apportés par l’Istituto Luce de Rome (équivalent de l’INA). "Cela fait des années que nous produisons des films au Maroc", explique son président, Luciano Sovena. "Et depuis 2005 nous formons des techniciens dans nos studios de Ouarzazate." On va au Maroc parce que le pays est proche, les paysages sont à couper le souffle, la main-d’œuvre coûte deux fois moins cher. Mais pourquoi aller à Sidi Moumen ? "Parce que les autorités nous l’ont demandé, explique Sovena. Si tu veux vaincre la violence, tu dois offrir de l’éducation et du travail. C’est pour cela que nous sommes là."

C’est un quartier à risques, mais c’est une école d’élite : salles spacieuses, ordinateurs de dernière génération, micros, visionneuses, caméras. Les élèves se répartissent dans les classes de montage, son, maquillage, production et image. Ils étaient 500 à postuler, 75 ont été sélectionnés sans payer un dirham. "Tu sais pourquoi cet institut est vraiment spécial ?" nous dit Zakaria Zahrani, 20 ans, aspirant cameraman. Parce que rien ne manque et que tout est gratuit." Dans la salle des visionneuses, les élèves sont aux prises avec les 16 et les 35 millimètres ; dans la salle insonorisée, ils se familiarisent avec les bruitages. Quand retentit la sonnerie, nous nous arrêtons pour parler avec Khadjia Jamane et Asma Zouazi, qui étudient le montage. Elles sont gênées par nos questions sur le quartier des poseurs de bombes, mais elles nous confient qu’elles feront un documentaire sur leur quartier : "On parle beaucoup de violence et d’extrémisme. Mais même dans les bidonvilles il y a des jeunes qui s’engagent et obtiennent leurs diplômes.

Repère

Depuis la flambée terroriste de 2003, les services secrets et les programmes sociaux ont investi Sidi Moumen : 2,5 milliards de dirhams (225 millions d’euros) viennent d’être investis dans des réaménagements urbains, à côté des taudis ont surgi des maisons, des écoles, des terrains de foot, des centres pour les jeunes et les femmes. Mais il reste beaucoup à faire : à Sidi Moumen le chômage ne baisse pas, et à l’agence pour l’emploi on indique que "souvent le travail est si mal payé que les gens renoncent". Par ailleurs, la liberté, dans ce quartier, est une sinécure. "Maintenant nous sommes plus libres, mais nous ne sommes pas libres, c’est toute la nuance", précise un jeune homme qui a vécu en France.

Source : Courrier international / Internet World - Raffaele Oriani

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Cinéma - Casablanca - Terrorisme - Education - Tournage

Ces articles devraient vous intéresser :

Du nouveau sur le film Gladiator 2 tourné en partie au Maroc

Après une suspension due à la grève des acteurs de cinéma d’Hollywood, le tournage du film américano-britannique Gladiator à Malte reprend bientôt. Une partie du film a été déjà tournée à Ouarzazate, au Maroc.

Rachida Brakni n’a pas forcément apprécié son tournage au Maroc

Rachida Brakni a partagé son expérience mitigée sur le tournage du film « Lonely Planet » (Netflix) au Maroc. Ce projet, qui l’a vue donner la réplique à des stars internationales comme Laura Dern et Liam Hemsworth, s’est révélé en demi-teinte pour la...

Des conditions strictes pour enseigner dans le privé au Maroc

Le ministère de l’Éducation nationale a récemment autorisé les enseignants du public à donner des cours supplémentaires dans le privé, sous certaines conditions. Pour arrondir leurs fins de mois, ces professeurs devront obtenir une autorisation...

Coup de filet au Maroc contre une cellule terroriste planifiant des attaques

Cinq individus, âgés entre 22 et 46 ans, soupçonnés d’appartenir à l’organisation terroriste Daesh et de préparer des attentats contre des installations vitales et des institutions sécuritaires, ont été arrêtés par les forces de sécurité marocaines.

Maroc : un manuel scolaire aux couleurs "LGBT" fait polémique

Le Parti de la justice et du développement (PJD) a demandé le retrait des manuels scolaires dont les couvertures sont aux couleurs du drapeau LGBT.

La chanteuse Mariem Hussein au cœur d’une nouvelle polémique

Des internautes marocains se sont indignés des propos de la chanteuse et actrice marocaine Mariem Hussein sur l’éducation sexuelle.

Maroc : l’enseignement de l’anglais au collège généralisé

L’enseignement de l’anglais sera généralisé dans les collèges au Maroc dès la rentrée scolaire 2023-2024, a annoncé dans une note Chakib Benmoussa, le ministre de l’Éducation nationale, du préscolaire et des sports.

Terrorisme au Maroc : une lutte permanente depuis 2003

L’extrémisme islamiste au Maroc a été marqué par cinq moments forts, dont notamment les attentats de Casablanca en 2003 et 2007, le printemps arabe en 2011, et la création de l’État islamique (EI) en 2014. Pour lutter contre le phénomène, les autorités...

Jamel Debbouze déclare sa flamme à Mélissa Theuriau

Jeudi dernier, la journaliste Mélissa Theuriau a fêté ses 46 ans. L’occasion pour son mari, l’humoriste franco-marocain Jamel Debbouze de lui faire une belle déclaration.

L’actrice marocaine Fadila Benmoussa annoncée morte

Sur la toile, des rumeurs font état du décès de la célèbre actrice marocaine Fadila Benmoussa. Qu’en est-il réellement ?