En chiffres, les estimations que révèle le ministère de la Santé sur la situation épidémique oscillent entre 15.000 et 20.000 séropositifs (vivants avec la maladie). Tandis que 3000 nouvelles infections sont enregistrées chaque année.
Côté caractéristiques sociales, il semble que ce sont les adultes entre 30 et 39 ans qui sont les plus touchés par la maladie surtout dans le milieu urbain et par un mode de contamination majoritairement hétérosexuel. La séroprévalence des personnes à risque englobe les femmes enceintes avec un taux de 0,12%, les tuberculeux avec 0,50% et les consultants pour des maladies sexuellement transmissibles (0,09%).
A cela, l’on ajoute que la femme est de plus en plus infectée par le sida “étant donné sa vulnérabilité double, socio-économique et biologique”. La situation au Maroc ne peut vraiment pas se limiter à ces quelques chiffres et estimations, car il ne faut pas oublier qu’il s’agit là seulement du recensement des cas déclarés. On peut, sans difficulté, imaginer que la situation réelle pourrait bien être beaucoup plus grave qu’il ne semble. D’autant plus que la situation à travers le monde - chiffres à l’appui - est en train de prendre les allures d’une véritable hécatombe.
Le programme national de lutte contre le Sida est né en juin 1988, deux années après l’apparition du premier cas. Quatre ans plus tard, a été introduite à ce programme la lutte contre les MST que l’on considère comme principal mode de transmission de l’infection à VIH. Une stratégie de prévention et de contrôle a été mise en place et destinée plus spécifiquement aux populations dites vulnérables.
Le programme est censé être doté de techniques nécessaires à la gestion de l’épidémie pouvant réduire sa propagation, mais aussi, à la formation des professionnels de la santé. Cependant, cette stratégie ne semble pas avoir atteint ses objectifs, car depuis son instauration, peu de campagnes de prévention ont été organisées, peut-être par manque de ressources. Il pourrait s’agir aussi du respect des mentalités conservatrices qui confirment le sida au rang des tabous et empêchent les médias, la télévision plus particulièrement, d’être un véritable support de sensibilisation à la prévention.
La doctrine conservatrice ne fait qu’aggraver les choses et condamne même cette maladie à devenir plus virulente qu’elle ne l’est à présent. Si la journée mondiale du sida en cette année porte le slogan “Stigmatisation et discrimination... Vivez et laissez vivre !”, c’est bien pour réagir au plus vite et avec autant de partenaires contre la pandémie. Les malades ont droit au traitement et à la prise en charge sur le plan médical et social.
Un rapport de la Banque Mondiale récemment publié sonne l’alarme contre le manque de prévention et ses répercussions sur les ressources humaines et économiques. Intitulé “VIH/Sida dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord”, ce rapport dénonce l’indifférence à laquelle se retrouve confrontée une maladie aussi grave que le Sida sous prétexte d’un conservatisme religieux. Ne serait-il pas temps de jauger les situations à l’aune de leur gravité ?
Libération