Le roi Mohammed VI a annoncé lundi, dans son discours de la Marche verte, son intention de « construire une flotte marchande nationale forte et compétitive », afin d’améliorer le commerce sur la côte atlantique.
Depuis son accession au Trône, le Souverain a régulièrement lancé de nouvelles idées, souvent annoncées à l’occasion de grands discours. L’une des dernières en date est la proposition d’autonomie pour sortir le dossier du Sahara marocain de l’impasse. En effet, la nouvelle approche pour une solution au conflit qui dure plus de 30 ans, basée sur la participation de toutes les composantes de la société, est considérée comme innovante et sérieuse par la communauté internationale. C’est pour cela qu’elle est soutenue par les grandes puissances.
Dans ce dossier comme dans d’autres, l’anticipation royale est incontestable. En effet, le Souverain a pris des décisions politiquement audacieuses. Elles constituent de véritables sauts qualitatifs qui remettent en cause des dogmes et des idées reçues considérées comme définitives. Loin d’être des décisions techniques, ce sont des avancées dont on ne perçoit pas encore aujourd’hui l’impact réel. Il faudra attendre des années pour mesurer l’ampleur des changements à venir. En d’autres termes, ces idées transforment en profondeur une société marquée par un conservatisme qui ne dit pas son nom.
Le statut de la femme ou le domaine social sont autant d’exemples. Quel est le chef d’Etat arabe qui a exigé la carte de la pauvreté de son pays, pour localiser les points noirs, les communes rurales les plus pauvres et les quartiers périurbains les plus démunis. Tout cela publiquement. L’engagement pour traiter le mal à sa racine a été fort avec notamment l’Initiative nationale pour le développement humain. Depuis longtemps handicapé et déboussolé par ses problèmes de pauvreté, d’éducation ou encore de croissance, le Maroc cherchait un grand projet de société mobilisateur il l’a trouvé. D’ailleurs, au début de son règne, le Souverain a été surnommé le « Roi des pauvres » par la presse française. Tout cela dénote d’un changement de nature du système de gouvernance, très bien perçu par le monde des affaires. Avec S.M. le Roi, les femmes ont pris du galon. Il avait ainsi placé des dames à la tête de grandes entreprises publiques.
Le summum de cette attention royale à l’égard des femmes sera la nomination de Zoulikha Nasri, conseiller du Souverain. Mais c’est l’adoption de la nouvelle Moudawana qui sera la révolution tranquille qui n’a pas encore révélé tous ses secrets. Ce poids lourd est qualifié de premier projet de société de l’Histoire du Maroc. Comme l’a souligné le Souverain dans son discours d’octobre 2003, le nouveau code « ne doit pas être perçu comme une victoire d’un camp sur un autre, mais plutôt comme des acquis au bénéfice de tous les Marocains ». Et c’est là toute l’avancée qui est imprégnée à la volonté de réforme.
Aujourd’hui, le Maroc est un chantier ouvert. Le tourisme, l’habitat, les infrastructures, le complexe portuaire Tanger-Med, l’aménagement de la vallée du Bouregreg, la corniche de Rabat… Pour tous ces projets structurants, c’est le Souverain qui donne l’impulsion. Et les investissements se comptent en dizaines de milliards de dirhams, souvent le fruit des visites royales dans les pays du Golfe. Ces montants injectés sont la preuve vivante de la confiance que les investisseurs étrangers placent dans le système politique en place. L’option franche de l’ouverture économique et la signature de l’accord de libre échange avec les Etats-Unis sont autant de décisions ayant une dimension politique. Cet accord a été conclu dans un contexte régional des plus hostiles aux Américains. Aujourd’hui, le Maroc a commencé par récolter les premiers fruits avec l’arrivée de grands groupes, notamment dans le domaine du textile, qui veulent profiter des opportunités que représente le marché américain. Là encore, c’est l’audace royale qui en a été le levier. C’est le Souverain lui-même qui avait nommé les membres et le chef de la commission chargée des négociations avec les Américains.
Autre idée novatrice : le nouveau concept d’autorité. Sa mise en œuvre avait commencé par la nomination de walis et gouverneurs ayant un nouveau profil. Souvent des managers, rompus à la gestion moderne et tournés vers le développement. Désormais, l’action des ces agents d’autorité est mesurée à l’aune du volume des investissements mobilisés et des infrastructures réalisés dans leurs régions. Dans ce même mouvement, les tournées royales à travers le pays, jusque dans les régions les plus reculées, ont l’avantage de s’accompagner de projets de toutes sortes. On l’a bien vu, le déplacement du souverain génère des investissements qui se comptent parfois en milliards de DH. S’il donne le coup d’envoi à un projet dans une ville, il reviendra sur les lieux l’année suivante, pour s’enquérir de l’état d’avancement. Dans la gestion des projets, le mode de gouvernance royale semble basé sur le suivi et l’évaluation, avec un respect strict du calendrier. Indirectement, c’est une pression qui s’exerce sur ceux chargés de la conduite des projets. Une nouveauté de taille à laquelle les Marocains, y compris l’administration publique, n’étaient pas sensibles. C’est pourquoi l’on remet les clés d’appartements, l’on ouvre des tronçons d’autoroute, des centres de santé dans les campagnes…
Les droits de l’homme en tête
A peine arrivé aux commandes, le Souverain donne le ton : retour d’Abraham Serfaty après 8 ans d’exil forcé en France, et levée de l’assignation à résidence du Cheikh Abdeslam Yassine, leader d’Al Adl Wa al Ihssane, qui aura duré 10 ans. La suite s’inscrira dans la volonté royale de clore définitivement le dossier des droits de l’homme. Avec la création de l’Instance Equité et Réconciliation (IER), c’est une nouvelle ère qui s’ouvre dans le règlement de ces affaires noires des Années de plomb.
Ainsi, les séances d’audition publiques des victimes des Années de plomb ont été des moments forts dans l’Histoire du Maroc moderne. Cette expérience, considérée internationalement comme une première dans le monde arabo-musulman, avait suscité l’adhésion et l’enthousiasme de différentes composantes de la classe politique. A cela s’est ajouté le processus d’indemnisation des victimes.
La question amazigh
Si en Algérie, on écrase la contestation kabyle, au Maroc, l’approche est différente. Le Souverain avait décidé la création d’un Institut royal de la culture amazigh. Depuis, l’amazigh prend de l’ampleur. Une chaîne de télévision amazigh en préparation sera lancée en octobre prochain. Auparavant, les partisans de cette cause ont finalement opté pour le tifinagh dans l’enseignement de la langue amazigh, qui n’est pas encore généralisé. Certains d’entre eux attendent l’introduction de l’amazigh dans la Constitution lors d’une prochaine révision.
L’Economiste - Mohamed Chaoui
Ces articles devraient vous intéresser :