Voici, en résumé, le contenu d’une vidéo d’animation en 3D, postée sur youtube.com depuis une semaine. Elle est l’œuvre d’un certain Rachid Jadir, designer graphique marocain de 24 ans, employé dans une agence de publicité de la place.
Chouf bla ma tkiss
Un emploi choisi par défaut, “car il faut bien manger”. Et d’enchaîner : “Les directeurs artistiques nous rabâchent toujours la même chose, ponctuant leur intervention par des interminables euuuh, pour faire semblant de réfléchir. Je les voix défiler avec leur bouteille d’eau, leur jeans à la mode et leur PC portable”, lance-t-il, narquois, et visiblement déçu par un métier “castrateur”. “Au final, je ne fais qu’exécuter des instructions, sans vraiment faire appel à un quelconque sens de la créativité”.
Le bol d’air de Rachid s’appelle Internet. Là, il peut lâcher la bride à son imagination, visiblement fertile. En une semaine, la première vidéo, intitulée Chouf bla ma tkiss (littéralement “Regarde, mais pas touche !”), a été visionnée plus de 70 000 fois sur le site de partage de vidéos youtube.com. Un chiffre record pour une vidéo “made in Morocco”, qui a encouragé le graphiste à poster deux autres créations, Oulad el blad, et Rass derb. “Je suis le premier surpris par ce succès. Et dire que l’idée de poster mes vidéos vient d’un ami”, s’étonne-t-il. Scènes du quotidien, langage cru et humour potache, tels sont les ingrédients préférés de l’artiste en herbe. “Il suffit de sortir de chez soi, il se passe forcément quelque chose d’intéressant dans la rue, dans les cafés ou encore dans les taxis”, ajoute le jeune homme au physique de premier de la classe, et le parcours qui va avec.
Rass derb
L’enfance de l’art
Quand les enfants de son âge se donnaient rendez-vous pour taper dans un ballon, Rachid préférait dessiner, encouragé par sa mère. “Elle me promettait 20 centimes à condition que je ne fasse pas de bêtises, lance-t-il d’un air enfantin. Je les utilisais pour acheter une feuille blanche sur laquelle je dessinais avec mon stylo à bille, qui reste à aujourd’hui mon outil préféré”. Et le moindre gribouillis faisait l’objet de félicitations familiales.
Depuis, le jeune homme a fait du chemin, accompagné par la technologie informatique. Après un bac option Arts plastiques dans un lycée casablancais, Rachid s’inscrit dans une école de modélisation graphique et ébauche déjà ses premiers story-boards. De stage en stage, le coup de crayon s’affine et le jeune homme finit par se lancer dans le graphisme en 3D. “Cela s’est fait naturellement, car les logiciels de 3D sont faciles à utiliser et offrent plus de possibilités en termes de création”, argumente-t-il. Son talent est rapidement remarqué par une agence de production qui lui offre son premier job dès la sortie d’école.
Oulad al blad
Parallèlement, Rachid participe à des concours de design qui lui ont valu une troisième place dans un concours international, organisé par un site Internet spécialisé dans la discipline, et même de recevoir plusieurs offres d’emploi de l’étranger, classées sans suite. “Cela viendra peut-être un jour, mais pour l’instant, je préfère perfectionner ma technique”, assure-t-il, affirmant passer la majeure partie de son temps libre dans les forums Internet, toujours à l’affût des dernières techniques. “Mon premier clip, je l’ai réalisé en dix mois, alors qu’aujourd’hui, cela me prend à peine quelques semaines, à raison d’une heure par jour”, affirme-t-il, ajoutant un inévitable “en dehors des horaires de bureau”, comme pour se justifier. En attendant de réaliser son premier long-métrage, son rêve, Rachid prépare sa prochaine vidéo. On vous le donne en mille : elle relate l’ambiance de travail dans une agence de pub. ça promet !
TelQuel - Youssef Ziraoui