Les transferts des Marocains résidant à l’étranger se maintiennent à la hausse, selon les derniers chiffres dévoilés par l’Office des changes.
A la tête de la Fédération des banques françaises depuis septembre dernier, le patron des Caisses d’Epargne estime que le travail accompli par les banques françaises, en matière des services financiers transfrontaliers notamment destinés aux migrants, reste insuffisant. Charles Milhaud, auteur du rapport sur « l’intégration économique des migrants et la valorisation de leur épargne », estime que c’est une première expérience vers ce qu’il appelle le codéveloppement.
Les banques françaises sont-elles toujours réticentes envers les migrants ?
L’opération baptisée « Méditeranéo » constitue une bonne nouvelle pour nos clients et revêt, à bien des égards, un caractère symbolique pour le groupe Caisse d’Epargne. Les banques ont été depuis longtemps réticentes à s’engager sur le marché des services financiers transfrontaliers notamment destinées aux migrants. On assiste, effectivement, depuis quelques temps à l’apparition de stratégies commerciales plus volontaristes envers cette clientèle. C’est le cas de la Caisse d’Epargne qui a fait le choix de renforcer son engagement sur ce marché en proposant des services financiers adaptés.
C’est la résultante d’une réflexion au sein de notre groupe qui compte parmi ses clients près d’un quart des résidents maghrébins en France. Une réflexion a commencé lorsque j’ai exercé mes fonctions à Marseille et que j’ai formalisé à l’occasion dans un rapport que m’avait confié Nicolas Sarkozy l’année dernière sur l’intégration économique des migrants et la valorisation de leur épargne. L’offre Méditéranéo est donc le fruit d’une réflexion initiée à l’occasion de ces travaux mais aussi d’un travail de recherche et d’innovation qu’a mobilisé les équipes de la Caisse nationale, de la Cepac, en collaboration totale avec les équipes du CIH. Je tiens à saluer le travail accompli par les deux équipes pour construire cette offre et qui témoigne d’une collaboration réussie entre nos deux groupes. C’est de bon augure pour les projets qu’on envisage de développer.
Pourquoi le Maroc ?
C’est au Maroc que nous avons choisi de nous implanter l’année dernière aux côtés d’un acteur majeur de l’économie marocaine : la CDG. Je profite de l’occasion pour saluer son DG Mustapha Bakkoury. Le groupe Caisse d’Epargne, à travers sa filiale Oceor, s’est engagée en juillet 2006 dans un partenariat capitalistique et industriel avec la CDG pour développer le CIH. C’est donc naturellement dans le cadre de ce partenariat avec le CIH que nous proposons cette première offre. Mediteranéo concrétise de façon opérationnelle la mise en œuvre d’une première synergie forte entre nos deux établissements.
De quoi s’agit-il au juste ?
La mondialisation et le progrès technologique sont en mesure d’offrir à chacun de nouvelles conditions de mobilité et d’échange, au point que la rupture qui se produisait autrefois entre l’immigré et son pays d’origine ne l’est plus. Ces conditions favorisent le développement des flux financiers et les allers-retours des personnes. Cette évolution favorise l’apparition du comportement de consommateur et d’investisseur chez les migrants en France cherchant un équilibre entre le pays d’accueil et le pays d’origine.
Dans un contexte où les transferts d’argent sont le plus souvent pour la consommation courante au pays, l’étude des comportements financiers des migrants nous a permis de constater une attente toute particulière. Il s’agit d’un besoin de constitution d’un patrimoine en relation avec le pays d’origine et de la nécessité de promouvoir des opportunités d’investissements correspondants. Par ailleurs, l’offre des services financiers en France, permettant aux migrants d’entretenir des liens avec leur pays d’origine et de préserver ce double attachement, reste aujourd’hui insuffisant. Enfin, cette proximité géographique et les conditions de déplacement facilitées incitent nos concitoyens à investir hors de nos frontières, notamment au Maroc.
Quel est le point fort de ces offres ?
Véritable produit clé en main, Méditeranéo permet à nos clients français ou marocains depuis la France de financer un projet d’investissement immobilier au Maroc dans le cadre d’un programme de biens sélectionnés et quelque soit l’objectif choisi (secondaire, investissement locatif…) Je sais que, pour bon nombre de nos clients marocains en France, c’est une avancée significative, car Meditéranéo permet de répondre à des difficultés auxquelles ils sont souvent confrontés. Il permet d’employer ses revenus et/ou son épargne en France pour investir dans un bien au Maroc en ayant la possibilité d’accéder au crédit sur place. Il permet aussi de gérer cet investissement immobilier à distance à travers un partenariat avec des promoteurs marocains de qualité. Enfin, il permet de bénéficier de l’efficacité de la bancarisation des flux d’argent liée à l’opération et de la compétence reconnue des professionnels de l’immobilier tant au niveau de la vente que de la labellisation des garanties, ce qui procure un haut degré de sécurité et de fiabilité à ces investissements.
Le nom Meditéranéo illustre bien la spécificité de ce produit qui prend racine de part et d’autre de la Méditerranée au Nord et au Sud, un pied sur chaque rive.
Quelles sont vos ambitions pour le Maroc et le Maghreb d’une manière plus globale ?
Pour moi en réalité, ce n’est qu’un point de départ pour la réalisation de nos ambitions en matière de développement de services financiers adressés aux migrants. Si la distribution du produit en question est exclusive à la Cepac choisie comme banque « pilote », il sera commercialisé par les Caisses d’Epargne qui le souhaitent partout en France dès la fin de l’année. D’autre part, son champ de destination aujourd’hui limité au Maroc sera étendu aux autres pays dès lors que ce sera possible, en particulier ceux du Maghreb. Cette offre constitue le premier produit d’une gamme complète adaptée aux différents univers des besoins spécifiques des migrants : banque, assurance, prévoyance… en relation avec le pays d’origine.
Il s’agit bien de proposer ici des services innovants susceptibles d’assurer le financement des différents besoins localisés là-bas. Bien sûr, cela comprend les services bancaires de transfert d’argent moins chers que ceux qui sont vendus par les organismes de transfert non bancaire.
Les enjeux selon Milhaud
La bancarisation des transferts et donc l’utilisation de circuit formel permettent aux migrants d’accéder à des services plus innovants et plus efficaces qu’une simple opération de transfert. « Je vous réserve la surprise d’une nouvelle offre d’ici à la fin de l’année dans ce domaine. Notre volonté est de développer des services financiers transfrontaliers qui s’inscrivent dans un champ plus vaste de structuration et d’intermédiation des flux financiers entre l’Europe et le Maghreb », déclare Milhaud. L’enjeu est simple : il s’agit de construire les bases d’un système financier composé des passerelles, des circuits et des partenariats permettant d’assurer les flux d’une rive à l’autre. Et qui associe les opérateurs banquiers privés pour jouer un rôle clé au service du développement du bassin méditerranéen.
L’economiste - Said Mabrouk
Ces articles devraient vous intéresser :