Mohammed VI ouvre les chaînes

3 janvier 2005 - 12h03 - Culture - Ecrit par :

Si ce n’est pas elle, c’est son clone. Vingt-deux ans après le vote de la loi de 1982, qui vit l’audiovisuel français connaître la plus vaste refonte de son histoire - avec la lagélisation des « radios libres » et la création de la Haute Autorité - le Maroc en importe aujourd’hui les grandes lignes.

Comme si l’ombre de Pierre Mauroy, Premier ministre à l’époque, était venue planer sur cette réforme de l’audiovisuel mise en chantier il y a deux ans, à la demande du roi Mohammed VI.

« La démocratie ne peut se concevoir sans un système de communication performant »

Le Maroc, qui souhaite tourner la page des « années de plomb », s’apprête ainsi à libéraliser son paysage médiatique. Une première dans le monde arabe et un symbole de l’aveu même du souverain chérifien, qui expliquait, lors du discours du trône, en juillet 2004, que « la démocratie ne peut se concevoir sans un système de communication performant ». Après qu’il eut fait voter, en 2002, une loi abolissant le monopole d’Etat de la radio et de la télévision, et amorcé une réforme de la presse pour laquelle une charte d’éthique ainsi qu’un fonds de soutien sont à l’étude.

Plus qu’un simple entrebâillement, c’est donc d’une large ouverture qu’il s’agit. La radio, d’abord. L’institution étatique, une vieille maison du type ORTF, va être entièrement dépoussiérée. Outre la création de neuf stations régionales, c’est le mode de désignation de ses dirigeants qui est réformé. Comme les patrons de la télévision publique, ceux-ci seront désormais désignés par une haute autorité de l’audiovisuel dont le président et les membres (neuf, au total) ont été nommés par le roi, le Premier ministre et les présidents des deux assemblées. Un système calqué sur celui qui est en vigueur en France depuis vingt-deux ans.

L’autre réforme du paysage radiophonique concerne la FM. 90 projets de « radios libres » locales ou régionales ont été déposés. Financées par la publicité, elles verront le jour dans les mois qui viennent. Seule exception à cette ouverture, les radios dites « confessionnelles » : attentif - le mot est faible - aux activités de la mouvance islamiste, le pouvoir marocain a préféré les bannir du paysage, « par crainte de débordements et d’actions de prosélytisme », explique Mohammed Nabil Benabdallah, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement.

Le chantier suivant concerne la télévision. Les 2 300 salariés de la télé publique vont changer de statut. Le groupe qui les emploie sera non plus un appendice du gouvernement, mais une société d’Etat indépendante des rouages administratifs et politiques du pays : la fin des « années Peyrefitte », version marocaine... Néanmoins, l’élément le plus important de la réforme concerne le secteur privé. Les actionnaires (y compris d’origine étrangère) des chaînes à venir se verront accorder jusqu’à 51% du capital. Une disposition ultralibérale à laquelle vient s’ajouter une autre, non moins iconoclaste : l’obligation de voir les rênes de ces chaînes confiées à des opérateurs « qualifiés », c’est-à-dire à des groupes de médias. Une telle règle édictée en France aurait ainsi interdit au groupe Bouygues de se porter acquéreur de TF 1, en 1987. Trois projets de chaînes privées sont à l’étude. L’une régionale, la deuxième culturelle et la troisième internationale : un projet du type TV 5, destiné notamment aux 5 millions de membres de la diaspora marocaine.

Si le Maroc s’est largement inspiré pour sa réforme du cas français, c’est que les relations entre les deux pays, dans le domaine de l’audiovisuel, sont étroites. En témoigne le projet Médi 1 TV, mis sur pied au terme de quelques mois de discussions, après que Jacques Chirac et Mohammed VI s’en furent entretenus. Cette chaîne d’informations bilingues, créée à partir de la radio franco-marocaine Médi 1, se veut un contrepoids à des chaînes d’infos panarabes islamistes. Bâti par un Français - l’actuel patron de Médi 1, Pierre Casalta - ce projet, qui doit voir le jour dans le courant de 2005, aura pour principaux actionnaires la Caisse des dépôts et Maroc Telecom. Une passerelle entre Paris et Rabat et un pied de nez, au passage, au projet de la chaîne française d’informations internationales, une idée de Jacques Chirac encore bien abstraite.

Renaud Revel - L’Express

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Mohammed VI - Télévision - Radio

Ces articles devraient vous intéresser :

Mort de Naïma Samih : les paroles fortes du roi Mohammed VI

Le roi Mohammed VI a adressé un message de condoléances à la famille de l’artiste marocaine Naïma Samih, décédée samedi des suites d’une longue maladie.

Mohammed VI : un discours centré sur les MRE

Dans son discours à l’occasion du 49ᵉ anniversaire de la Marche verte, le roi Mohammed VI a annoncé une réforme dans le mode de gestion des affaires des Marocains résidant à l’étranger (MRE). Ceci, en vue de mieux répondre aux besoins de cette communauté.

Ramadan 2024 : le programme très marocain d’Al Aoula

La chaîne de télévision marocaine Al Aoula a concocté un programme alléchant pour ses téléspectateurs à l’occasion du mois sacré de Ramadan.

Lalla Khadija, la princesse discrète

À l’occasion de la visite d’Etat d’Emmanuel Macron au Maroc, la princesse Lalla Khadija a fait sa première apparition publique depuis cinq ans. La cadette du roi Mohammed VI était aux côtés de son père, de son frère, le prince héritier Moulay Hassan,...

Le roi Mohammed VI rend hommage à Mustapha Dassoukine

Le Roi Mohammed VI a adressé un message de condoléances et de compassion aux membres de la famille de l’artiste Mustapha Dassoukine.

Le roi Mohammed VI appelle à ne pas fêter l’Aïd al-Adha

Le Maroc fait face à une situation inédite. Dans un message adressé à la nation ce mercredi soir et lu par le ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, sur la chaîne Al Oula, le Roi Mohammed VI, Commandeur des croyants, a exhorté...

Réforme du Code de la famille au Maroc : vers une égalité parfaite hommes femmes ?

Le roi Mohammed VI a adressé mardi 26 septembre une Lettre royale au Chef du gouvernement, annonçant une révision approfondie du Code de la famille (Moudawana), près de 20 ans après celle opérée en 2004.

L’Espagne « fait un cadeau » au roi Mohammed VI

Le gouvernement de Pedro Sánchez s’active pour organiser une visite officielle au Maroc en vue de renforcer les liens diplomatiques entre les deux pays. Pour sa réussite, le président du gouvernement espagnol aurait accepté de faire un cadeau au roi...

Evincée, Salima Belabbas retrouve sa place sur RTL

Écartée de la présentation du JT de 19h sur RTL en janvier, Salima Belabbas revient en force en tant qu’animatrice de deux émissions phares de la chaîne privée.

Deux voitures uniques pour le roi Mohammed VI

Le roi Mohammed VI a acheté les deux uniques exemplaires du « Laraki Sahara », un véhicule haut de gamme produit par la société marocaine Laraki Automobiles SA. Le prix unitaire des véhicules est de 2,2 millions de dollars.