L’industrie du tourisme au Maroc connaît actuellement des changements majeurs dans le contexte de l’initiative "Vision 2010" destinée à attirer dix millions de touristes à l’horizon 2010. Alors que ce secteur se centrait traditionnellement sur le marché des vacances de plage, le Maroc a commencé à cibler le tourisme rural pour tenter de stimuler le renouveau économique dans les zones éloignées et d’encourager les Marocains expatriés à visiter et à investir dans leur pays d’origine.
Chaque année, le Maroc reçoit entre 150 000 et 200 000 touristes attirés par ce type de vacances. Ils se rendent dans les régions de l’Atlas, du désert et à la campagne. En juin 2003, le pays a lancé une initiative visant à développer ce secteur en préparant une feuille de route complète de développement des "artères de réception des touristes" dans des zones reculées telles que Chefchaouen, Ifrane, Imouzzer, et Ida ou Tanane, ainsi que dans des lieux connaissant déjà une forte activité touristique mais nécessitant une réhabilitation et un soutien, comme le Grand Atlas, le désert de Rachidia, Ouarzazate et Zagora.
Les projets de tourisme rural s’attachent à investir même dans des douars (villages) isolés, où des projets d’implantation de vingt nouvelles auberges rurales existent. Neuf de ces gîtes ruraux, à Taroudant, Tiznit, Ouarzazate, Haouz, Tata, Chtouka ait Baha, Rachidia et Zagora, ont déjà commencé à accueillir des visiteurs.
Ce projet de tourisme rural est le fruit de la coopération entre le Maroc et l’Agence Française pour le Développement. L’Union Européenne, aux côtés de plusieurs associations du royaume, apporte un soutien financier pour stimuler le développement rural et aider à revitaliser l’économie locale. L’objectif est de renforcer les opportunités pour les habitants des zones rurales, afin de les dissuader d’émigrer. Ce programme vise également à encourager les Marocains de l’étranger à revenir et à investir dans leur patrie.
L’Agence marocaine pour le Développement Social a assuré la formation des propriétaires de ces auberges. Mais leur fonctionnement quotidien reste l’affaire de leurs propriétaires, dont beaucoup sont des locaux rentrés au pays ou à la retraite.
Mohamed Lamine, un Marocain vivant en France depuis plus de vingt ans, explique : "Il s’agit de souligner le caractère des villages marocains, qui présentent de nombreux atouts et proposent un panorama superbe. Nous sommes désolés que seuls les étrangers, très amateurs de ce type de tourisme, en profitent. Il est de notre devoir aujourd’hui d’assurer de bonnes conditions d’accueil, qui renforceront l’importance de notre patrimoine et de nos trésors naturels."
La stratégie de promotion du tourisme rural consiste à équiper les villages de routes menant aux auberges, de l’électricité, de l’eau potable et de réseaux d’assainissement.
"Naturellement, cela ne bénéficiera pas qu’aux seuls touristes, mais contribuera aussi à améliorer les conditions sociales des habitants des douars dans lesquels se trouvent ces auberges ; cela renforcera la politique de l’Etat de lutte contre l’émigration rurale", explique Rachid Salah, un visiteur, à Magharebia.
L’auberge Agoudal dans le village d’Echmarin est l’une des success stories de ce projet de tourisme rural. Ses propriétaires, Mohamed et Abderrahman Marir, ont bénéficié d’une aide de l’Agence pour le Développement Social et de l’Agence Française pour le Développement pour reconstruire une ancienne maison tout en préservant son cachet traditionnel.
Comme toutes les auberges restaurées, Agoudal offre à ses hôtes une cuisine marocaine classique. Un touriste français a fait part de son admiration pour le tagine marocain, affirmant que si sa composition peut varier d’une région à l’autre, le même goût et les mêmes saveurs "vous rendent insatiables et vous font oublier tous les régimes". "L’environnement naturel et le grand air vous ouvrent l’appêtit à longueur de journée", ajoute-t-il.
Mohammed, un touriste originaire de Casablanca, a choisi de passer ses vacances entre vallées, collines et montagnes dans le sud, dont il rêvait depuis longtemps, mais qu’il n’avait jamais encore vu. "Dans ces sites enchanteurs, le touriste trouve tout ce qui repose l’esprit après une année de travail", explique-t-il.
L’endroit est également un véritable paradis pour les chasseurs de souvenirs. "Les touristes ne repartent pas les mains vides, parce que les gens y possèdent des talents manuels exceptionnels pour fabriquer les produits locaux traditionnels", ajoute-t-il.
"Ces auberges offrent également des emplois aux habitants de la région", explique Mohammed, soulignant que ces derniers emmènent les touristes pour des randonnées à dos de chameau ou leur proposent des visites dans des sites historiques qui abondent dans la région.
Le Maroc aide les populations locales isolées et marginalisées à gérer les recettes du tourisme et à redistribuer les profits générés par ces nouveaux visiteurs.
Ce développement de l’économie locale "préserve la dignité des Marocains, les met à l’abri du besoin et de la douleur de l’émigration en quête d’autres moyens de subsistance, loin de leurs familles et de leur village", explique Mohamed Lamine, un expatrié qui a vécu en France pendant plus de vingt ans.
"Ce projet a réhabilité une région montagneuse reculée et amélioré le niveau de vie des gens", reconnaît Abdalah Bahamu, le propriétaire de l’auberge Sirwa dans le village de Tagmoute.
L’auberge d’Amlen est située à quatre kilomètres de la région touristique de Taforalt. Son propriétaire explique qu’elle permet à sa famille de vivre, les aide à rester sur la terre où ils sont nés et crée des possibilités d’emploi pour les habitants d’Amlen.
Une autre vieille maison traditionnelle dans le douar d’Asrarak aide également son propriétaire à s’assurer une source de revenu stable pour lui et sa famille, maintenant qu’il a construit une extension pour accueillir les visiteurs. Lahcen est fier que son auberge, baptisée Noujoum, ait attiré plusieurs groupes de touristes depuis le mois d’avril.
Ibrahim, un habitant du douar, ajoute : "Nous avons pris conscience de notre rôle dans l’économie nationale, car un certain nombre d’entre nous travaillent pour l’auberge ou fabriquent des produits traditionnels que nous vendons aux touristes."
"Vous ne pouvez imaginer le bonheur d’une femme qui peut gagner un peu d’argent en vendant un produit qu’elle a fabriqué de ses propres mains, ni la joie d’un homme lorsqu’il présente les produits naturels de sa région, comme le safran, les olives et les amandes", explique-t-il à Magharebia.
"Nous sommes désormais conscients de notre importance en tant que citoyens actifs et productifs."
Source : Magharebia - Imane Belhaj