Alors que le Maroc subit actuellement sa sixième année de sécheresse consécutive, le gouvernement envisage de prendre des décisions radicales pour rationaliser l’eau potable.
On la gaspille. On la pollue. Dans certaines régions, à cause des sécheresses et de la surexploitation, il n’y en a même plus. L’eau est de plus en plus rare et plus que jamais menacée. Une meilleure gestion de cette ressource vitale s’impose.
“C’est quand le puits se tarit que nous nous rendons compte de la valeur de l’eau”, écrivait le penseur et diplomate américain Benjamin Franklin. Faut-il attendre de voir le fond des puits marocains pour réaliser la nécessité impérieuse de sauvegarder cette ressource de plus en plus rare ? C’est une des questions que se sont posées les participants du 1er Festival sur l’écologie et le développement durable, réunis sous le dôme des conférences vendredi 30 mai 2008.
Or, cette question doit être appréhendée à partir d’un état des lieux de nos ressources en eau. Les chiffres sont à ce titre éloquents : le volume disponible d’eau par an par habitant est passé de 2.500 m3 en 1960 à 750 aujourd’hui, et pourrait baisser à 460 en 2010. Actuellement, le volume disponible est déjà de 30% inférieur à la norme internationale en dessous de laquelle un pays est considéré en situation de “stress hydrique”.
Les apports pluviométriques ne cessent de chuter. La plupart des cours d’eau et des nappes phréatiques du pays se sont asséchés. On estime que 50% des zones humides (lacs naturels, lagunes, marais…) ont été perdus durant les 50 dernières années. Celles qui restent sont dans un état de pollution très avancée.
Lors de sa présentation de l’état global des ressources en eau du Maroc, Belkassem Dhimi, représentant le Secrétariat d’Etat chargé de l’Eau, a soulevé quatre problèmes : l’eau est mal répartie (dans le temps et dans le territoire), fortement sollicitée (par l’agriculture notamment), menacée par les pollutions diverses (par les phosphates principalement), et sous-valorisée auprès de la population. À ces constats, il faut aussi ajouter l’impact du changement climatique. Ainsi, la sécheresse au Maroc est devenue structurelle depuis une dizaine d’années.
Sachant que l’agriculture absorbe plus de 80% des eaux mobilisées, les agriculteurs sont les premiers touchés par cette pénurie. La chute de leurs récoltes a atteint 60% certaines années. C’est d’autant plus inquiétant quand on sait qu’en raison de modes d’irrigation obsolètes, plus de 60% de l’eau utilisée par l’agriculture est gaspillée. L’urgence est là, car si la raréfaction de l’eau risque bien de devenir à terme un frein au développement, elle peut aussi conduire à des catastrophes humanitaires. Dans certains coins reculés des montagnes du Rif, on voit déjà surgir des conflits liés aux ressources en eau de la région. On y parle même d’une future “guerre de l’eau”.
Face à l’urgence de la question, le secrétariat d’Etat chargé de l’Eau, par la voix de M. Dhimi, a listé une dizaine d’orientations, qui vont de l’exploration de nouvelles nappes à la construction de petits, moyens et grands barrages, en passant par des projets plus abstraits tels que « la reconnaissance des valeurs stratégiques et économiques de l’eau » ou « la préservation de l’eau contre les pollutions »… Sachant que sur 141 pays comparés sur la qualité de leurs eaux, le Maroc ravit la triste place de 141ème (selon une enquête du Reader’s Digest), il faudra bien plus que de grandes idées pour lutter contre la pollution de l’eau.
Les Marocains n’ont, pour la plupart, pas encore conscience de la nécessité de faire attention à l’eau. Chacun doit pourtant mesurer l’ampleur du problème et prendre ses responsabilités pour l’avenir de tous. Qu’il s’agisse du commerçant qui nettoie avec zèle son trottoir au jet d’eau, de l’enfant qui laisse couler l’eau en se brossant les dents, ou de l’Etat lui-même, qui continue de cautionner la construction de golfs à Marrakech.
Surtout lorsqu’on sait qu’un golf de 18 trous consomme en moyenne 5.000 m3/jour. L’équivalent des besoins quotidiens d’une collectivité de 12.000 habitants…
Source : Maroc Hebdo - Charlotte Alix
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