Le Maroc, pays en situation de stress hydrique

14 juin 2008 - 09h15 - Maroc - Ecrit par : L.A

On la gaspille. On la pollue. Dans certaines régions, à cause des sécheresses et de la surexploitation, il n’y en a même plus. L’eau est de plus en plus rare et plus que jamais menacée. Une meilleure gestion de cette ressource vitale s’impose.

“C’est quand le puits se tarit que nous nous rendons compte de la valeur de l’eau”, écrivait le penseur et diplomate américain Benjamin Franklin. Faut-il attendre de voir le fond des puits marocains pour réaliser la nécessité impérieuse de sauvegarder cette ressource de plus en plus rare ? C’est une des questions que se sont posées les participants du 1er Festival sur l’écologie et le développement durable, réunis sous le dôme des conférences vendredi 30 mai 2008.

Or, cette question doit être appréhendée à partir d’un état des lieux de nos ressources en eau. Les chiffres sont à ce titre éloquents : le volume disponible d’eau par an par habitant est passé de 2.500 m3 en 1960 à 750 aujourd’hui, et pourrait baisser à 460 en 2010. Actuellement, le volume disponible est déjà de 30% inférieur à la norme internationale en dessous de laquelle un pays est considéré en situation de “stress hydrique”.

Les apports pluviométriques ne cessent de chuter. La plupart des cours d’eau et des nappes phréatiques du pays se sont asséchés. On estime que 50% des zones humides (lacs naturels, lagunes, marais…) ont été perdus durant les 50 dernières années. Celles qui restent sont dans un état de pollution très avancée.

Lors de sa présentation de l’état global des ressources en eau du Maroc, Belkassem Dhimi, représentant le Secrétariat d’Etat chargé de l’Eau, a soulevé quatre problèmes : l’eau est mal répartie (dans le temps et dans le territoire), fortement sollicitée (par l’agriculture notamment), menacée par les pollutions diverses (par les phosphates principalement), et sous-valorisée auprès de la population. À ces constats, il faut aussi ajouter l’impact du changement climatique. Ainsi, la sécheresse au Maroc est devenue structurelle depuis une dizaine d’années.

Sachant que l’agriculture absorbe plus de 80% des eaux mobilisées, les agriculteurs sont les premiers touchés par cette pénurie. La chute de leurs récoltes a atteint 60% certaines années. C’est d’autant plus inquiétant quand on sait qu’en raison de modes d’irrigation obsolètes, plus de 60% de l’eau utilisée par l’agriculture est gaspillée. L’urgence est là, car si la raréfaction de l’eau risque bien de devenir à terme un frein au développement, elle peut aussi conduire à des catastrophes humanitaires. Dans certains coins reculés des montagnes du Rif, on voit déjà surgir des conflits liés aux ressources en eau de la région. On y parle même d’une future “guerre de l’eau”.

Face à l’urgence de la question, le secrétariat d’Etat chargé de l’Eau, par la voix de M. Dhimi, a listé une dizaine d’orientations, qui vont de l’exploration de nouvelles nappes à la construction de petits, moyens et grands barrages, en passant par des projets plus abstraits tels que « la reconnaissance des valeurs stratégiques et économiques de l’eau » ou « la préservation de l’eau contre les pollutions »… Sachant que sur 141 pays comparés sur la qualité de leurs eaux, le Maroc ravit la triste place de 141ème (selon une enquête du Reader’s Digest), il faudra bien plus que de grandes idées pour lutter contre la pollution de l’eau.

Les Marocains n’ont, pour la plupart, pas encore conscience de la nécessité de faire attention à l’eau. Chacun doit pourtant mesurer l’ampleur du problème et prendre ses responsabilités pour l’avenir de tous. Qu’il s’agisse du commerçant qui nettoie avec zèle son trottoir au jet d’eau, de l’enfant qui laisse couler l’eau en se brossant les dents, ou de l’Etat lui-même, qui continue de cautionner la construction de golfs à Marrakech.

Surtout lorsqu’on sait qu’un golf de 18 trous consomme en moyenne 5.000 m3/jour. L’équivalent des besoins quotidiens d’une collectivité de 12.000 habitants…

Source : Maroc Hebdo - Charlotte Alix

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Eau - Environnement

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : des coupures d’eau envisagées

Alors que le Maroc subit actuellement sa sixième année de sécheresse consécutive, le gouvernement envisage de prendre des décisions radicales pour rationaliser l’eau potable.

Autoroutes du Maroc : un nouveau projet passe mal

Anouar Benazzouz, directeur général de la Société nationale des autoroutes du Maroc, a annoncé le lancement d’un projet de reboisement des abords des autoroutes marocaines.

Du nouveau pour la culture de pastèque au Maroc

Le gouverneur de la province de Zagora, au Maroc, a récemment pris une décision pour réglementer la culture de la pastèque rouge et jaune, afin de préserver les ressources en eau. Cette mesure, qui restreint les surfaces cultivables et interdit la...

Pastèque et sécheresse : le casse-tête marocain

Faut-il continuer à produire de la pastèque rouge qui nécessite une importante quantité d’eau et épuise les sols, alors que le Maroc connaît la pire sécheresse depuis quatre décennies ? La question divise les producteurs, exportateurs et...

Malgré l’interdiction, les sacs plastiques persistent au Maroc

Malgré une loi qui interdit les sachets plastiques, les déchets continuent de polluer les rues du royaume. Leila Benali, ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, appelle à un engagement collectif pour relever ce défi...

Plages au Maroc : l’embarrassante absence de toilettes publiques

Au Maroc, la plupart des plages sont dépourvues d’infrastructures sanitaires (toilettes, douches, centres de secours…). Une situation qui crée des désagréments aux touristes et aux MRE, surtout pendant la saison estivale.

Le FMI va accorder un important prêt au Maroc

Le Fonds monétaire international (FMI) s’apprête à débloquer, à partir du nouveau fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité, un énorme prêt au Maroc, afin de renforcer la résistance du pays aux catastrophes liées au climat.

Les Marocains vont-ils manquer de dattes pour le Ramadan ?

À quelques semaines du mois sacré de Ramadan, des doutes subsistent quant à la disponibilité des dattes en quantité suffisante et à des prix abordables.

Maroc : le diesel a de beaux jours devant lui

Alors que les importateurs et concessionnaires de voitures neuves se félicitaient de la mise en application de la norme environnementale européenne Euro 6, pour l’homologation des véhicules neufs commercialisés sur le marché marocain, le gouvernement...

Maroc : bonne nouvelle pour les amateurs de hammams

Au Maroc, le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit a donné de nouvelles instructions aux walis et gouverneurs des régions concernant la décision de fermeture des hammams et des stations de lavage de voitures.