Maroc-Espagne : quel impact en cas d’éventuelle rupture des relations ?

29 mai 2021 - 20h00 - Espagne - Ecrit par : A.T

Le Maroc et son voisin ibérique iront-ils jusqu’à la rupture des relations diplomatiques ? La question est posée sérieusement après l’accueil par l’Espagne de Brahim Ghali et l’arrivée de plusieurs centaines de Marocains à Sebta. L’économiste Nabil Adel et Mohamed Badine El Yattioui, Enseignant-chercheur en relations internationales à l’Université américaine de Dubai (AUE) tentent de répondre à la question.

Dans un entretien accordé à Maroc Diplomatique, Nabil Adel et Mohamed Badine El Yattioui se sont penchés sur les conséquences sur le plan économique s’il arrivait que les relations entre les deux alliés se dégradaient davantage. L’Espagne est le premier partenaire commercial du Maroc, les échanges entre les deux pays représentent quasiment un tiers du commerce extérieur marocain, constate Mohamed Badine El Yattioui, qui rappelle que l’Espagne a dépassé la France, il y a environ six ans sur le plan commercial.

Le Maroc est le premier client africain de l’Espagne et son deuxième client mondial en dehors de l’Union européenne. Il s’agit donc d’un partenaire essentiel. Au-delà du commerce, l’Espagne est le troisième contributeur en termes d’IDE, derrière la France et les Émirats arabes Unis. Mais souligne-t-il, si le Maroc décide de rompre les liens diplomatiques, les relations économiques ne seront pas automatiquement impactées.

El Yattioui explique que les investissements sont régis par le droit privé. « On aurait un ralentissement des investissements à venir mais les contrats déjà signés et les investissements ayant déjà eu lieu, ne vont pas s’interrompre du jour au lendemain ». Ainsi, « si nous avons des projets industriels entre le Maroc et l’Espagne avec des unités de production au Maroc, ceux-ci ne disparaîtront pas », ajoute-t-il. En revanche, ce qui pourrait arriver, c’est que si le Maroc décide de rompre les relations avec l’Espagne, « les futurs investissements et projets en cours de négociation pourront très probablement être suspendus ».

Nabil Adel quant à lui, estime que l’impact serait un peu plus dur pour le Maroc que pour l’Espagne si cela devait se produire, mais il rappelle qu’une rupture diplomatique ne signifie pas un arrêt des relations économiques. « Il va y avoir un rappel des ambassadeurs, des explications, mais je ne pense pas que cela va durer. Le scénario d’une rupture est extrêmement faible et aucun des deux voisins ne voudrait que les choses en arrivent jusque-là, compte tenu de l’enjeu. » Mais si cela se produisait, « le Maroc ferait valoir d’autres cartes que celles de l’économie, notamment sur le plan sécuritaire et migratoire, l’Espagne perdra donc beaucoup plus ».

Si les tensions semblent s’accentuer au fil des jours, notamment après la sortie de l’ambassadeur du Maroc en Espagne, Karima Benyaich, qui a réagi aux propos « inappropriés » des représentants espagnols, Nabil Adel estime que la crise se dirige davantage vers un déblocage, plutôt qu’un blocage. « Le Maroc a obtenu ce qu’il voulait, à savoir qu’il soit entendu par un juge et c’est ce qui va se passer le 1ᵉʳ juin. »

Pour El Yattioui, ces tensions pourraient représenter une occasion de se rapprocher davantage du Royaume-Uni du fait de sa stratégie pro-active depuis le Brexit et en raison de son différend avec l’Espagne autour de Gibraltar. Un argument que nuance toutefois l’économiste Nabil Adel, selon qui, « ce n’est pas demain la veille qu’un client britannique pourra remplacer un client espagnol, cela prend du temps pour se mettre en place ». Il rappelle que pour arriver à la teneur de ces relations avec l’Espagne, cela a pris plusieurs décennies.

Beaucoup se demandent également ce qui pourrait advenir des Marocains résidant en Espagne. Pour El Yattioui, cela ne devrait avoir aucun impact. Les Marocains sur place ne seront pas touchés, car un nombre important détient la nationalité espagnole, rappelle-t-il. Il ne craint pas non plus pour la sécurité des ressortissants espagnols au Maroc. « Ce qui serait plus compliqué, c’est au niveau de la société espagnole, les Marocains pourraient subir des discriminations, du racisme », a-t-il indiqué.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Espagne - Importations - Accord de libre échange - PIB - Consommation - Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération

Aller plus loin

Maroc-Espagne : la reprise des relations après les élections législatives ?

Les tensions entre l’Espagne et le Maroc pourraient reprendre progressivement après les élections législatives au Maroc prévues le 8 septembre. En attendant, l’Espagne poursuit...

Sebta et Melilla : le Maroc cherche le soutien des pays arabes

Le Maroc sollicite l’aide des pays arabes pour faire face à l’Union européenne (UE) qui soutient, de son côté, le gouvernement espagnol dans la défense de la territorialité...

L’Espagne salue l’excellente relation de coopération et de collaboration avec le Maroc

Depuis plusieurs années le Maroc et l’Espagne entretiennent de bonnes relations de coopération et de collaboration dans tous les domaines, a indiqué le ministre espagnol de...

L’Espagne ne changera pas sa position sur le Sahara (vidéo)

L’Espagne est disposée à travailler pour le rétablissement des relations avec le Maroc, mais elle maintient sa position en ce qui concerne la souveraineté du Sahara occidental....

Ces articles devraient vous intéresser :

La sécheresse pousse le Maroc à multiplier ses achats de blé sur le marché mondial

Le Maroc maintient son système de restitution à l’importation du blé tendre au profit des opérateurs. Une importante quantité de cette céréale sera bientôt commandée.

La « chebakia », la pâtisserie marocaine incontournable lors du ramadan

Lors du ramadan au Maroc, la « chebbakaa », des petits gâteaux traditionnels au miel, est proposée tous les jours sur les tables pour les dîners de rupture de jeûne.

La justice espagnole sépare une famille marocaine : Nasser Bourita réagit

Suite à la décision de la justice espagnole de retirer la garde des enfants à une famille marocaine établie dans le nord du pays, le ministère des Affaires étrangères a tenu à commenter cette décision et fournir quelques détails.

Fitch confirme la notation « BB+ » du Maroc avec des perspectives stables

Fitch Ratings a confirmé le 4 novembre la note de défaut des émetteurs en devises étrangères à long terme du Maroc à « BB+ » avec une perspective stable. L’agence américaine de notation s’attend par ailleurs à un resserrement monétaire de la part de...

De nouvelles mesures pour simplifier la vie des MRE

Le Maroc a pris de nouvelles mesures pour simplifier la vie des Marocains résidant à l’étranger (MRE). Il s’agit de la généralisation des systèmes de « Rendez-vous » et du « eTimbre » à l’ensemble des Missions diplomatiques et des Postes consulaires du...

Maroc : les taxes sur les cigarettes électroniques passent à 40%

Les droits d’importation des cigarettes électroniques devraient passer de 2,5 à 40 % dès l’année prochaine. La mesure est très mal accueillie par les commerçants.

Le Maroc contraint d’importer du blé

Le Maroc se tourne une fois de plus vers le marché international pour augmenter ses importations de blé afin de compenser la baisse considérable de sa production durement touchée par la sécheresse cette année.

Le Maroc conserve sa note "BB+" avec une "perspective stable"

Fitch Ratings, agence américaine de notation, a maintenu la note de la dette à long terme en devises du Maroc à BB+ avec une « perspective stable ».

Le prix des lentilles s’envole au Maroc

Le prix des lentilles a considérablement augmenté au Maroc, atteignant 32 dirhams le kilo chez les détaillants, contre 25 dirhams pour les lentilles importées.

Tomate marocaine : le nouveau cauchemar des producteurs français

Face à l’augmentation des importations de tomates marocaines, les producteurs français expriment leur inquiétude et pointent du doigt une concurrence déloyale.